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Agression contre les populations de gaza

La faillite symbolique d'Israël
Pr Noureddine Toualbi-Thaâlibi

Mardi 20 janvier 2009

“En ces temps d’hypocrisie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire”, Oscar Wilde.

Freud et Marx dont on avait souvent vanté le génie de la prémonition semblent s’être lourdement trompés lorsque l’un et l’autre avaient prédit, pour le 21è siècle, " la mort du sentiment religieux ". On voit bien aujourd’hui pourquoi la prédiction du père de la psychanalyse comme celle du théoricien du matérialisme dialectique ont  toutes deux fait long feu : non seulement le triomphe de la raison pure sur l’émotion religieuse n’eut pas lieu, mais le tumulte actuel du monde est tel qu’il s’assortit de rémanences ethnocentriques allant jusqu’à précipiter l’éclosion de mouvements pamphlétaires et messianiques à vocation exclusivement religieuse et identitaire. D’où vient donc ce regain du sacré ? 
Faisons rapidement le point : le caractère inégalitaire de la répartition des richesses mondiales, les multiples disparités sociales et économiques entre le Nord et le Sud de la planète et, par dessus tout, l’hégémonisme culturel des grandes puissances auront précipité la faillite des équilibres traditionnels en accélérant le mouvement de paupérisation des peuples des pays tiers déjà exsangues. Le retour spectaculaire du sacré tient lieu, dans ces conditions de déréliction et de forte angoisse existentielle, d’une " valeur refuge " ; il est comme le roc de la certitude face à un monde aux contours imprécis et en changement trop rapide.
On voit bien aujourd’hui comment les tragiques événements du 11 Septembre 2001 qui avaient frappé les Etats Unis d’Amérique auront malheureusement accentué les clivages traditionnels entre le Nord et le Sud de la planète en les aggravant  d’incompréhensions mutuelles sur fond de stigmatisation religieuse et identitaire fortement nuisibles pour l’avenir de la paix dans le monde.
Replaçons un instant ces événements dans leur locus véritable : la plupart des analystes admettent aujourd’hui le caractère réactionnel de ces mouvements messianiques résultant d’une organisation planétaire des rapports de force qui était, bien avant la date fatidique du 11 Septembre, déjà malade de ses nombreuses disparités sociales et économiques.
Les points de fracture entre le Nord et le Sud de la planète ont d’ailleurs pris de telles proportions qu’ils devenaient, pour ainsi dire, insoutenables pour une bonne partie du monde dit tiers.
Mais par delà l’argument économique ou politique mobilisateur des frustrations collectives, cet épisode mortifère aura surtout fonctionné en tant que facteur de réactivation d’une mémoire historique dans laquelle les relations entre civilisations orientales et occidentales furent continûment imprégnées d’une tonalité conflictuelle. A la question palestinienne qui servait déjà de point de fixation à cette conflictualité latente devait succéder, à la fin du siècle dernier, les conséquences désastreuses dans l’opinion arabe de l’invasion de l’Irak par des puissances étrangères ayant pour dénominateur commun leur chrétienté et, par voie de conséquence, leur mépris réel ou supposé de l’Islam. Dans cet ordre d’idées, le traumatisme mondial du " choc des civilisations " ne prend véritablement tout son sens que dans la mesure où il renvoie à une question plus fondamentale situant l’état réel et par trop déliquescent des rapports entre civilisations. De nombreux indices annonciateurs de ce qui s’apparente à un " retour du refoulé " culturel et religieux sont malheureusement là pour indiquer aujourd’hui que le nouveau monde qui se construit devant nos yeux, paraît davantage s’orienter vers des situations de conflits à l’échelle planétaire que vers les saines conditions d’une convivialité interculturelle et la paix entre civilisations. Au vrai, la configuration actuelle du monde montre clairement qu’on n’est déjà plus dans un simple conflit des civilisations, mais qu’on est déjà dans une véritable guerre des religions !
Pendant ce temps, les puissances occidentales semblent avoir gardé intact leur souci obsessionnel de sacralisation des concepts de laïcité et de démocratie. Elles vont même jusqu’à récuser l’idée que l’inconscient religieux ait pu un jour participer de quelque façon à la détermination de leurs choix stratégiques. Cependant et bien qu’elles prétendent à présent vouloir travailler à la promotion d’un dialogue interculturel et religieux avec le monde arabo-musulman, c’est tout de même au travers d’une diplomatie frileuse que ces puissances observent, hébétées, Israël mettant en action son plan d’extermination des populations civiles de Gaza. 

Gaza ou l’autre  holocauste :

La tragédie qui vient de se dérouler dans la ville de Gaza est parfaitement indicielle de la déshumanisation achevée de l’Etat d’Israël. Sous prétexte de riposter à quelques tirs du Hamas, voilà donc un Etat prétendument démocratique et respectueux des droits de l’homme qui s’autorise des actes de barbarie qui n’ont d’égal que ceux dont les populations juives furent elles-mêmes les victimes expiatoires sous le régime nazi.
Pour mieux comprendre ce qui motive cette violence inouïe, nous allons tenter une incursion rapide dans le processus psychologique au moyen duquel les véritables victimes d’un génocide historique (les populations juives d’Europe) éprouvent, depuis plus d’un demi siècle d’un conflit récurrent avec les Arabes, le besoin impérieux, presque atavique, d’imposer au peuple palestinien des souffrances au moins égales à celles endurées par leurs parents durant la seconde guerre mondiale. N’y a-t-il  pas, au cœur de cette tragédie, un besoin inconscient de catharsis (défoulement) ou, si l’on préfère, une exigence pathologique de réparation du traumatisme subi par filiation ? Il suffit à ce sujet de rappeler les propos tenus en 2002 par le chef d’état-major de Tsahal (Moshe Yaalon) qui n’hésitera pas à déclarer que pour Israël, l’asservissement total du peuple palestinien importait davantage que l’issue de la guerre elle-même (1).
Dans l’hypothèse d’un fonctionnement traumatique de l’Etat hébreux, ce que Freud nomme la " compulsion à la répétition " pour définir le mécanisme fondamental de la névrose obsessionnelle trouverait alors, en ce triste destin, un début d’explication. Il indique déjà que les Israéliens ont dès l’origine de leur conflit avec le monde arabe commis une grossière confusion en substituant à leurs anciens bourreaux européens des Palestiniens qui n’avaient pourtant rien à voir dans la trame historique de leur persécution. Aussi s’est-on, dès le départ, trouvé en présence d’un proton pseudos originel, soit d’un premier mensonge historique commis sur le dos des Palestiniens !
Ce besoin d’évacuation compulsive du traumatisme ainsi que celui, corrélatif, de sa décharge dans une violence latente prédestinée à s’extérioriser aux dépends du peuple palestinien, allaient par la suite s’organiser au moyen d’une mise en scène savamment imaginée de la victimisation juive. Le premier objectif de celle-ci aura été de légitimer la permanence de l’attitude prétendument " défensive " de l’Etat hébreux par l’argument fallacieux de l’hostilité " intrinsèque " (culturelle et religieuse) d’un voisinage arabe régulièrement décrit comme étant par nature réfractaire à la présence juive en Palestine. Quant au deuxième  objectif de cette victimisation, il eut pour vocation stratégique d’entretenir le sentiment de culpabilité latent d’un Occident (véritable auteur du génocide Juif) régulièrement prompt à offrir aux diverses exactions commises sur les populations palestiniennes une impunité pérenne. C’est donc pour ces deux raisons au moins qu’il devenait important, pour l’Etat d’Israël, d’imaginer les conditions susceptibles de rendre cette complainte compulsive opératoire. Aussi fut-elle érigée en véritable stratégie de communication au moyen, notamment, d’un contrôle rigoureux de diverses techniques de médiatisation universelle régulièrement mises au service de la question juive continûment réactualisée.
Il reste, pour terminer, que le choix du lieu d’exercice de l’agressivité d’Israël (le peuple palestinien) n’est évidemment pas fortuit. Il semble parfaitement correspondre à la réalité de l’économie pulsionnelle d’un peuple longtemps apatride et qui avait, pour cette raison même, autant besoin de se construire une identité sur la base de territoires – fussent-ils indûment occupés -, qu’au travers d’une volonté de négation du traumatisme vécu : à une mémoire symboliquement dégradée (la Shoah), il devenait donc essentiel pour le peuple juif de pouvoir se reconnaître dans une mémoire historicisée. Or c’est dans ce creuset particulier que réside, de mon point de vue, le nœud du problème fondamental de justification de la haine israélienne à l’égard du monde arabe en général et du peuple palestinien en particulier. Celle - ci procède, pour ainsi dire, par étayage. Partant de préoccupations d’abord factuelles et indirectement  encouragées par le silence des grandes puissances et des institutions internationales qui ont fait le choix malheureux de fermer les yeux sur la férocité de sa pulsion d’emprise (l’occupation par la force des territoires palestiniens), Israël ne mettra pas longtemps à trahir le véritable projet qui porte le secret de son hégémonie, celui consistant à donner corps au mythe biblique du " Grand Israël ". Faut-il de surcroît préciser que dans l’imaginaire collectif juif, c’est précisément ce fantasme du grand Israël qui véhicule la promesse de la réalisation d’une identité hébraïque à ce jour contrariée ?
On voit donc bien pourquoi le fond du problème - comme je le disais en début de cette réflexion – paraît être plus fondamentalement d’essence psycho - religieuse. Et qu’il marque, en dernière analyse, la permanence d’un refoulement collectif appelé à refaire surface au moindre évènement, au moindre prétexte politique.
Et sans doute est-ce en regard de cet obscur atavisme que le journaliste israélien Gideon Levy (2) a pu écrire que l’atroce guerre menée contre Gaza ".. expose le véritable esprit de fond de la société israélienne. Les Israéliens se nourrissent du racisme et de la haine, comme le montre leur pulsion pour la vengeance et leur soif de sang…Cette attitude est une représentation fidèle du sentiment israélien basique et dual qui nous accompagne depuis toujours : commettre le mal, mais se sentir purs à nos propres yeux. Tuer, démolir, affamer, emprisonner et humilier – et être dans notre droit, pour ne pas dire des " justes ".
Le propos est amer. Mais sa connotation religieuse et proprement biblique reste patente. Et pour autant qu’Israël ait pu un jour prétendre détenir un capital symbolique ou à une sorte d’a valoir moral résultant de la grande catastrophe (Shoah) vécue durant la seconde guerre mondiale qu’il lui faudra désormais, pour avoir pris le risque insensé de fomenter la Nekbah (holocauste) de Gaza, en faire définitivement le deuil.    
S’étant édifié sur les souffrances des populations palestiniennes, cet Etat aurait dû au moins savoir avant de commettre l’irréparable, pourquoi l’histoire enseigne qu’aucune identité ne peut durablement se construire sur les morceaux ou les bribes de l’identité de l’autre.

Pr. N.T -T.
(*) Ecrivain-Psychanalyste 
(1)Moshe Yaalon (2002) " Les Palestiniens doivent accepter une fois pour toutes le fait qu’ils sont un peuple vaincu "
(2) Gideon Levy, Le temps des justes, Haaretz, 9 Janvier 2009 (repris par El Watan du 13/1/2009).

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Publié le 21 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de Liberté.



Source : Liberté-Algérie
http://www.liberte-algerie.com/...


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