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Loubnan ya Loubnan

Le gouvernement mène le Liban à la guerre civile
Nidal

Suivre les informations depuis la France est assez déprimant: nos médias traitent les affrontements inter-libanais comme s'ils tombaient du ciel: des événements apparemment dus à la faute à pas de chance ou à la passion arabe pour la guerre tribale.

Hier, Hassan Nasrallah dénonçait le gouvernement Saniora comme «un gouvernement de milices», affirmant ce que chacun sait et pouvait constater de visu. Mais pour les médias occidentaux, il semble plus judicieux de prétendre que l'«escalade» est un coup du sort. Et si elle a une origine, c'est évidemment à cause de «l'escalade» du Hezbollah. Il faut pour cela prétendre que les émeutiers, lorsqu'ils sont contre l'opposition (pour le gouvernement), sont le fruit de manifestations spontanées d'un légitime ras-le-bol et ne jamais évoquer la possibilité qu'il s'agisse de groupes organisés envoyés sciemment par les dirigeants politiques proches du pouvoir pour briser la grève dans la violence.

On pourra ainsi ricaner en constatant comment Libération couvre les affrontements autour de l'Université arabe de Beyrouth (BAU).

La capitale s'est embrasée après une banale dispute entre étudiants pro et anti-gouvernement à l'Université arabe de Beyrouth, dans le quartier sunnite de Tariq Jadidé, à quelques centaines de mètres de la banlieue chiite. La bagarre entre jeunes tourne au combat de rues quand des habitants des alentours viennent, munis de bâtons, de pierres, et pour certains d'armes à feu, soutenir leurs camps respectifs. «Nous sommes là pour protéger notre quartier» , explique Oussama, partisan du Courant du futur, le parti du député sunnite Saad Hariri. Tandis que les étudiants sont bloqués dans l'université, l'armée s'interpose et tente de ramener l'ordre. Malgré l'arrivée de blindés et les tirs de semonce, des groupes d'hommes affluent. Ils brûlent des voitures, lancent des cailloux. Le chaos se propage. En moins de trois heures, les confrontations se multiplient dans plusieurs quartiers musulmans de la ville.
Tout est à l'avenant dans les médias d'ici: «Une banale dispute» qui dégénère, et puis des «habitants des alentours» venus «soutenir leurs camps respectifs». Allez, on a bien la mention d'un «partisan du Courant du futur», mais rien de plus.

Pourtant:
– depuis des semaines l'opposition affirme que les milices gouvernementales se réarment;
– depuis des semaines l'opposition affirme que les dirigeants du 14 Mars s'organisent pour créer des affrontements;
– depuis des semaines on sait que le gouvernement, peu confiant dans son armée, a préféré créer une force sécuritaire plus «sûre», carrément qualifiée de «milice» destinée à affronter le Hezbollah par le quotidien Globe and Mail.

Je pense d'ailleurs que, depuis des mois, la «prudence» de l'opposition et la lenteur de ses manœuvres contre le gouvernement, malgré ses moyens de mobilisations populaires énormes, sont largement dictées par la crainte d'une conflagration inter-libanaise, face à des forces gouvernementales extrêmement menaçantes et ostensiblement prêtes à tout.

Les évènements des derniers jours confirment ces soupçons: le gouvernement néo-conservateur au pouvoir au Liban organise et instrumentalise les tensions confessionnelles et arme des milices pour réprimer toute forme d'opposition politique.

Hier matin, Al-Akhbar racontait cette version des faits (évidemment inédite en occident). Les Forces libanaises (le groupuscule d'extrême-droite chrétienne du docteur Geagea, déguisé en parti politique soutenu à bout de bras par le gouverment malgré des scores électoraux résiduels) avaient dépêché 800 membres, armés, pour mener des opérations «musclées» contre les manifestants de l'opposition. Des personnalités politiques des Forces ont usé de leur statut pour transporter, dans leurs propres véhicules, des armes d'une région à l'autre. La police militaire a mené un vaste coup de filet dans le pays, et avait arrêté 132 personnes avant-hier, principalement des membres des Forces libanaises, des membres du Courant du futur de Saad Hariri, ainsi que des membres du Parti socialiste progressiste de Joumblatt, accusés d'avoir profité des événements pour ouvrir le feu sur le rival druze de Joumblatt, Talal Arslan. Les Forces libanaises étaient parfois lourdement armées, profitant d'autorisations de port d'arme obtenues en prétendant appartenir à des services de protection (des gardes du corps du patron de la LBC?). Une enquête spécifique concernerait l'ancien député Farès Souhaid: des véhicules lui appartenant auraient transporté beaucoup trop d'armes pour les besoins de sa protection personnelle, et il aurait conduit des membres des Forces sur place pour un affrontement avec des membres du Courant patriotique libre de Michel Aoun. D'autres responsables et politiques seraient impliqués dans les transports d'armes.

Pour info, Farès Souhaid dénonce aujourd'hui les allégations portées contre lui par Michel Aoun. Il en profite pour défendre ses amis, sans visiblement bien se rendre compte de ce qu'il dit: «Il est absurde qu'Aoun accuse les Forces libanaises d'être une milice armée, alors qu'il considère le Hezbollah, qui détient encore plus de 20000 roquettes, comme un groupe de résistants.» (Donc les FL sont bien une milice armée...) Sur son propre site, il raconte comment, alors qu'il se promenait paisiblement en voiture avec ses amis, avec l'idée balnéaire et printanière de faire lever le barrage d'une route le long de la côté en apportant son «soutien moral» à l'armée libanaise, cette dernière lui a tiré dessus sans raison (tiens donc?).

Aujourd'hui, une brève de L'Orient-Le Jour confirme que l'armée procède à une vague d'arrestations: «plus de 200 arrestations», «62 personnes à Tripoli et près de 154 personnes sur le reste du territoire». Le quotidien ne donne en revanche aucune indication sur l'appartenance politique des personnes arrêtées (il s'agit en réalité d'une ultra-brève de cinq lignes; on peut supposer que s'il y avait la moindre possibilité que les personnes arrêtées aient été majoritairement des membres d'Amal, du RPL, du parti de Soleimane Frangié ou du PSNS, l'article aurait fait la Une de L'Orient-Le Jour).

Dans son article de Une d'aujourd'hui, Al-Akhbar explique que ce déploiement micilien était destiné à contrecarrer la grève de mardi. En quelques heures, des douzaines de forces armées se sont déployées dans la capitale, principalement des membres du Courant du futur (Hariri) et du Parti socialiste progressiste (Joumblatt) et ont ouvert le feu sur les opposants, et mis le feu à des voitures et aux bureaux du PSNS, ce qui a mené à la mort de 3 personnes et en a blessé 250 autres. Environ 20 militaires de l'armée libanaise ont été blessés. Les supporters de Joumblatt ont organisé des distributions de grandes quantités d'armes et se sont habillés en noir pour donner l'impression d'appartenir au Hezbollah et au mouvement Amal. Hier, autour de l'université arabe de Beyrouth, des snipers «civils» étaient installés sur les toits. Il se pourrait qu'un nombre restreint d'agitateurs traverse les quartiers pour provoquer des heurs, tirer des coups de feu, transformant Beyrouth en ville fantôme et contribuant à ce que de nombreuses rumeurs circulent. L'armée confirme qu'elle continue à pratiquer des rafles contre des groupes organisés et armés, et à démanteler des entrepôts d'armes.

Même Robert Fisk, pourtant devenu parfaitement partial depuis la mort de Hariri, admet la présence des milices pro-gouvernementales:
[La violence] est certainement venue de la milice Amal [alliée du Hezbollah], mais des supporters du gouvernement, musulmans sunnites, étant engagés dans des affrontements à l'arme à feu à Tripoli – ils se sont poursuivis hier [mercredi] – et les jeunes des Forces libanaises de Samir Geagea, un ancien milicien assassin qui soutient le gouvernement, participaient à des batailles de pierres avec d'autres chrétiens maronites.
Revenant sur les affrontements à l'Université arabe de Beyrouth, L'Orient-Le Jour aujourd'hui est bien obligé de donner la version des faits de «Hussein Rahal, porte-parole du Hezbollah», parce que sa remarque sur la présence de snipers juchés sur les toits au milieu d'un quartier sunnite peut difficilement être balayée...:
Selon lui, «les coups de feu provenaient des appartements de la région et des toits, tirés par des francs-tireurs». Or «quelle est l’appartenance politique des habitants de ces régions?» s’est-il demandé, indiquant qu’il était convaincu que les responsables des tirs appartiennent aux forces de la majorité, notamment «le Courant du futur et le Parti socialiste progressiste».
Et vous connaissez la meilleure? Le 14 Mars se félicite publiquement de son intervention contre les manifestations par des moyens paramilitaires «parallèlement à l’action des autorités légales» et annonce qu'elle recommencera à la prochaine occasion. C'est dans L'Orient-Le Jour aujourd'hui, c'est au-delà du cynique, et évidemment les Occidentaux vont faire semblant de ne pas comprendre:
Le comité de suivi de l’alliance du 14 Mars a tenu hier matin une réunion à la résidence du président du conseil exécutif des Forces libanaises, Samir Geagea, à Bzommar, près de Harissa.

À l’issue des débats, qui ont porté sur les événements survenus mardi dernier, le comité de suivi des forces du 14 Mars a publié un communiqué invitant notamment le peuple libanais à «se tenir constamment prêt à faire face à toute nouvelle tentative de coup de force de manière à mettre en échec de telles tentatives, parallèlement à l’action des autorités légales militaires et sécuritaires visant à assumer leurs responsabilités dans le rétablissement de la paix civile et la stabilité interne».

Le communiqué commence par rendre hommage au peuple libanais qui a «mis en échec la nouvelle tentative de coup de force planifié par le Hezbollah et dont le principal théâtre d’opérations devait être la scène chrétienne, avant de s’étendre aux autres régions».

 

 


Source : Loubnan ya Loubnan
http://tokborni.blogspot.com/


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