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Loubnan ya Loubnan
Faute de pire
Nidal
7 novembre 2008
Tout le monde n'est pas baba de bonheur suite à l'élection d'Obama.
Et non, je ne dis pas ça parce que certains Français bien en vue
aiment soudainement les noirs. Et ça n'est pas parce que ça
aurait (peut-être) été pire avec McCain qu'Obama devrait
susciter un aussi formidable espoir.
En juin dernier, le discours d'Obama devant l'AIPC m'avait
sidéré («L'AIPAC
crie, Obama aboie»). Quelques jours avant l'élection,
Bakchich a publié deux
articles particulièrement inquiétants concernant le cercle le
plus proche d'Obama, Rahm Emanuel et Denis Ross: «“Rahm-bo”
futur dir'cab de Barack Obama» et «Le
principal conseiller d'Obama est un faucon anti-Iran».
Revenant sur le choix de Rahm Emanuel,
Alain Gresh, inquiet, préfère attendre avant de se faire une
opinion.
Un participant au forum du blog de Gresh signale par ailleurs un
article décrivant les liens de cette équipe avec les grandes
boîtes de la finance: «Rahm
Emanuel: Wall Street's man in the White house»:
Goldman Sachs and JP Morgan are also in Emanuel’s top-five
career sources of campaign cash. As reported by the Center
for Responsive Politics, Emanuel received more money from
the securities and investment industry—$600,500 as of
September 30—than did any other member of the U.S. House,
and more than two presidential candidates (including Joe
Biden) and the chairman of the Senate Finance Committee.
Angry Arab, dès le 5 novembre, annonce qu'il va désormais se
consacrer à l'«Obama
bashing»:
À ceux qui ont soutenu Obama: vous allez être déçus et vous
vous souviendrez de mon avertissement. Souvenez-vous en
quand Obama approuvera une guerre israélienne contre un camp
de réfugiés et contre un village du Liban, et qu'il
qualifiera cela d'auto-défense. Souvenez-vous de moi lorsqu'Obama
pleurera la mort d'Israéliens et célébrera la mort d'arabes
et de musulmans. Souvenez-vous en quand il ordonnera la
première campagne de bombardement contre un zone isolée du
Pakistan. Souvenez-vous en quand il trahira les pauvres au
profit de Wall Street. Souvenez-vous en quand il trahira les
aspirations des noirs au profit de la classe moyenne blanche
qui est maintenant le principal souci du parti démocrate.
Souvenez-vous en quand Obama ne se battra pas pour son plan
de réforme de la santé et qu'il ne réalisera aucune de ses
promesses. Souvenez-vous en quand il respectera sa promesse
de campagne de s'opposer au mariage gay. Souvenez-vous en
quand il continuera à mettre l'échec de l'occupation
américaine en Irak sur le dos du peuple irakien lui-même.
Tiens, et je me souviens que j'ai déjà évoqué Joseph Biden ici
(septembre 2007), au sujet de sa volonté de résoudre la guerre
en Irak en proposant
un plan de partition de l'Irak, parachevant ainsi l'œuvre
des néo-conservateurs.
Un texte me semble résumer beaucoup des inquiétudes que l'on
peut légitimement avoir suite à l'élection. Il s'agit d'un texte
publié par Ralph Nader (qui a financé sa campagne, je le
rappelle, en vendant la recette du
Houmous de sa mère) le jour même de l'élection: «An
Open Letter to Barrack Obama, Between Hope and Reality». Je
vous livre ici une traduction maison (les liens hypertexte sont
de mon fait, ils ne figurent pas dans la version originale):
Cher sénateur Obama,
Pendant les presque deux années de votre campagne
présidentielle, les mots «espoir et changement», «changement
et espoir» ont été votre slogan. Cependant, il y a une
grande différence entre ces objectifs et votre propre
personnage politique, personnage qui succombe aux groupes de
pression qui ne veulent ni «changement» ni «espoir», mais
seulement le maintien d'un status quo dans la répartition
des pouvoirs.
Bien plus que le sénateur McCain, vous avez reçu des
contributions énormes et sans précédent de la part des
intérêts des entreprises, de Wall Street et, plus
intéressant encore, des cabinets d'avocats du droit des
affaires. Jamais auparavant un candidat démocrate n'était
parvenu à une telle suprématie sur son opposant républicain.
Pourquoi, en dehors de votre soutien inconditionnel au plan
de sauvetage de Wall Street à hauteur de 700 milliards de
dollars, est-ce que les grandes entreprises ont autant
investi sur le sénateur Obama? Serait-ce parce que vos états
de service en tant que sénateur de votre État, au Sénat
américain et lors de votre campagne présidentielle (en
faveur de l'énergie nucléaire, des usines à charbon, des
forage offshore, des subventions aux entreprises - dont le «1872
Mining Act» - et évitant tout programme
d'envergure pour combattre la vague de crimes économiques et
limiter un budget militaire pharaonique et inutile, par
exemple) ont déjà prouvé que vous étiez leur homme?
Pour faire avancer le changement et l'espoir, il faut une
personnalité présidentielle qui ait du caractère, du
courage, de l'intégrité - pas de la connivence, de
l'accommodement et de l'opportunisme à courte-vue. Prenez,
par exemple, votre transformation d'un défenseur éloquent
des droits des Palestiniens, à Chicago avant que vous ne
vous présentiez au Sénat, en un acolyte, un pantin du lobby
extrémiste de l'AIPAC, qui soutient l'oppression militaire,
l'occupation, le blocus, la colonisation et la confiscation
de l'eau, depuis des années, contre le peuple palestinien et
leurs territoires réduits de Cisjordanie et Gaza. Eric
Alterman a résumé plusieurs sondages en décembre 2007 dans
un numéro de The Nation,
montrant que les positions de l'AIPAC sont rejetées par la
majorité des juifs américains.
Vous savez très bien que c'est seulement quand le
gouvernement des États-Unis soutient les mouvements de la
paix israéliens et palestiniens, ce qui a conduit il y a
quelques années à une solution détaillée à deux États (qui
est soutenue par une majorité d'israéliens et de
Palestiniens), qu'il y aura une possibilité de résolution
pacifique de ce conflit de plus de 60 ans. Malgré cela vous
vous alignez avec les tenants de la ligne la plus dure, au
point que dans votre discours infâme et humiliant à la
convention de l'AIPAC, juste après votre nomination par le
parti démocrate, vous soutenez une «Jérusalem indivisible»
et vous vous opposez aux négociations avec le Hamas - le
gouvernement élu à Gaza. Une fois encore, vous avez ignoré
la volonté du peuple israélien qui, dans un sondage du 1er
mars 2008 publié par le quotidien respecté
Haaretz, montre qu'à
64% des israéliens étaient favorables à «des négociations
directes avec la Hamas». S'aligner sur les plus durs de
l'AIPAC, c'est ce qu'un des nombreux intellectuels
palestiniens qui réclament le dialogue et la paix avec le
peuple israélien a décrit ainsi: «L'antisémitisme
aujourd'hui, c'est la persécution de la société
palestinienne par l'État israélien.»
Durant votre voyage en Israël cet été, vous avez consacré à
peine 45 minutes de votre temps aux Palestiniens, sans
conférence de presse, et aucune visite dans un camp de
réfugiés palestiniens qui aurait pu attirer l'attention des
médias sur la brutalisation des Palestiniens. Votre séjour a
soutenu le blocus cruel de la bande de Gaza, au mépris du
droit international et de la Charte des Nations Unies. Vous
vous êtes préoccupé des pertes dans le sud d'Israël, où les
pertes de l'année dernière se sont élevées à une victime
civile pour 400 victimes palestiniennes dans la bande de
Gaza. Au lieu d'une prise de position politique qui aurait
rejeté toutes les violences et leur remplacement par
l'acceptation de la proposition de la Ligue arabe de 2002
qui permettrait un État palestinien viable dans les
frontières de 1967 en échange du rétablissement de relations
économiques et diplomatiques complètes entre les pays arabes
et Israël, vous avez tenu le rôle d'un piètre politicien,
laissant l'endroit et les Palestiniens avec un sentiment de
choc et un peu de crainte («much
shock and little awe»).
David Levy, un ancien négociateur de paix israélien, a
décrit votre voyage succinctement: «Il y presque une
démonstration volontaire de dédain pour le fait qu'il y a
deux versions de l'histoire, ici. Cela peut le servir comme
candidat, mais pas comme Président.»
Le commentateur américano-palestinien Ali Abunimah a noté
qu'Obama n'a pas émis une seule critique d'Israël, «de sa
poursuite de la construction de colonies et du mur, de ses
barrages qui rendent la vie impossible à des millions de
Palestiniens... Même l'administration Bush a récemment
critiqué l'utilisation par Israël de bombes à fragmentation
contre les civils libanais [lire
www.atfl.org pour plus
d'informations]. Mais Obama a défendu l'agression
israélienne contre le Liban comme l'exercice de “son droit
légitime à se défendre”».
Dans de nombreux éditoriaux, Gideon Levy,
écrivant dans Haaretz,
a fermement critiqué les agressions du gouvernement
israélien contre les civils à Gaza, notamment les attaques
«au cœur de camps de réfugiés surpeuplés... avec d'horribles
bain de sang», au début de 2008.
L'auteur israélien et défenseur de la paix
Uri Avnery a décrit le passage d'Obama devant l'AIPAC
comme: «battant tous les records d'obséquiosité et de
servilité», ajoutant qu'Obama «est prêt à sacrifier les
intérêts américains les plus basiques. Après tout, c'est un
intérêt vital pour les États-Unis d'arriver à une paix
israélo-palestinienne, ce qui lui donnera le moyen de gagner
le cœur des populations arabes, de l'Irak au Marc. Obama a
nui à son image dans le monde musulman et a hypothéqué son
avenir - s'il devient le président élu», expliquant encore:
«Ce dont on peut être certain: les déclarations d'Obama à la
conférence de l'AIPC sont très, très mauvaises pour la paix.
Et ce qui est mauvais pour la paix est mauvais pour Israël,
mauvais pour le monde et mauvais pour le peuple
palestinien.»
Une autre illustration de votre manque de caractère est la
façon dont vous avez tourné le dos aux américains musulmans
dans ce pays. Vous avez refusé d'envoyer des représentants
parler aux électeur lors des événements qu'ils ont
organisés. Après avoir visité de nombreuses églises et
synagogues, vous avez refusé de visiter une seule mosquée en
Amérique. Même George W. Bush a visité la Grande mosquée de
Washington DC après le 11 Septembre pour exprimer de nobles
sentiments de tolérance devant un important groupe religieux
d'innocents.
Bien que le New York Times
a publié un grand article le 24 juin 2008 intitulé «Les
électeurs musulmans détectent un camouflet de Obama»
(signé Andrea Elliott), citant des exemples de votre
aversion pour ces Américains qui viennent de tous les
milieux, qui servent dans les forces armées et qui
travaillent pour vivre le rêve américain. Trois jours plus
tôt, l'International Herald
Tribune a publié un article de Roger Cohen intitulé «Pourquoi
Obama devrait se rendre dans une mosquée.» Aucun de ces
commentaires et rapports n'a changé votre fanatisme
politique contre les musulmans américains - même si votre
père était un musulman du Kenya.
Rien n'a peut-être mieux illustré votre manque total de
courage polique ou même une version allégée de ce trait de
caractère que votre capitulation face aux demandes des
tenants de la ligne dure pour interdire à l'ancien président
Jimmy Carter de parler lors de la Convention nationale des
démocrates. C'est une tradition pour les anciens présidents,
et elle a été accordée en prime time à Bill Clinton cette
année.
Voici un président qui a négocié la paix entre Israël et
l'Égypte, mais son récent livre pressant la superpuissance
israélienne dominante à éviter l'Apartheid des Palestiniens
et à faire la paix a suffit à le mettre sur la touche. Au
lieu d'un important discours à la nation par Jimmy Carter
sur ce problème international, il a été relégué à une
promenade à travers la scène sous un «tonnerre
d'applaudissements,» à la suite de la diffusion d'un film
sur le travail du Centre Carter après Katrina. Honte à vous,
Barack Obama!
Mais votre comportement honteux s'est étendu à d'autres
questions de la vie américaine. (Lire l'analyse factuelle
par son co-listier, Matt Gonzalez, sur www.votenader.org.)
Vous avez tourné votre dos aux 100 millions d'américains
pauvres composés de blancs, d'afro-américains et de latinos
pauvres. Vous avez toujous parlé d'aider la «classe
moyenne», mais avez systématiquement oublié de mentionner
les «pauvres» en Amérique.
Si vous étiez élu Président, il faut que cela soit plus
qu'une ascension sociale sans précédent à la suite d'une
campagne brillamment sans scrupules qui a parlé de
«changement» tout en démontrant une obéissance objective à
la concentration des pouvoirs dans les mains des «suprémacistes
des grandes entreprises» («corporate supremacists»). Cela
devrait être : rendre le pouvoir confisqué par quelques uns
à tous. Cela devrait être une Maison Blanche présidée par un
homme noir qui ne tourne pas le dos aux opprimés d'ici et
d'ailleurs, mais affronte les forces de la cupidité, le
contrôle dictatorial des travailleurs, des consommateurs et
les contribuables, et la militarisation de la politique
étrangère. Cela doit être une Maison Blanche qui transforme
la politique américaine - en commençant par le financement
public des élections (au travers d'une démarche
volontariste) - et en permettant aux petits candidats
d'avoir une chance d'être entendus dans les débats et dans
la plénitude de leurs limités droits civiques actuellement
limités. Appelez cela une démocratie compétitive.
Votre campagne présidentielle a montré encore et encore des
prises de positions lâches. Certains disent qu'on ne peut
tuer l'espoir («Hope springs eternal»). Sauf quand la
«réalité» la consume chaque jour.
Sincèrement,
Ralph Nader,
3 novembre 2008
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