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Le phantasme du bouclier antimissile 3/3
La débâcle du laser
tactique à haute énergie
Nicolas Ténèze
Tactical High Energy
Laser (THEL)
Toulouse, le lundi 22 mars 2010
Après l’échec de leurs missiles antimissiles, les Etats-Unis et
Israël se sont lancés dans l’aventure des lasers à haute
énergie. A défaut d’arrêter les missiles balistiques russes,
cette parade miracle devait les protéger des missiles
rudimentaires de la Résistance proche-orientale.
Las ! En définitive, le « Dôme d’acier » qui devait protéger
définitivement Israël du peuple qu’il a expulsé ne verra jamais
le jour. Ce qui était un slogan de marchands d’arme, puis une
promesse de politicien, n’est qu’un matériel inadapté, déjà
rangé au magasin des accessoires.
Cet article fait suite à :
1. « Le
bouclier de l’invincibilité »
2. « Du
combat contre l’Empire du Mal à celui contre l’Axe du Mal »
Le principe du laser contre les roquettes
Né dans les années 1960, le programme
Nautilus est le prédécesseur du programme de laser spatial [1]
de l’IDS. Dans les années 1980, le Defense Advanced Research
Projects Agency (DARPA), collabore avec le Directed Energy
Office afin de mener à terme le programme TRIAD, un laser
pouvant détruire les missiles ausi bien au sol que durant leur
phase ascensionnelle et à mi-course. En février 1983,
l’état-major interarmes réussit à convaincre le président Reagan
que le laser permetta d’attendre que la balistique étata-unienne
surpasse celle des Soviétiques. Les opposants, menés par Edward
Kennedy, moquent cette technologie en la comparant à celle de la
trilogie de La Guerre des étoiles, expression qui finit
par remplacer, dans l’imaginaire, l’IDS. Aujourd’hui, on désigne
par le générique Nautilus, le nouvel antimissile THEL
qui débute en 1995, lorsque les premières roquettes du Hezbollah
sont tirées depuis le Liban. Syrie et Iran équipent la
« Résistance » de missiles, méthode qui ne les engagent pas
directement.
La firme états-unienne TWR s’attèle aux
premières ébauches. Les entreprises israéliennes telles Elbit,
Electro-Optics Industries, les IAI, MBT Systems & Space
Technology, Tadiran et Raphaël s’y joignent. Puis, TWR est
racheté par Northrop Grumman Space Technology [2].
Un THEL version ABL (Air Borne Laser) est con4u et
fabriqué pour frapper les Scud durant leur phase de
lancement. Il est développé par Rockwell et Boeing qui
promettent une mise en service pour 2006.
Dès le départ, il s’agit de trouver une
alternative pour pallier aux défaillances des Pac et des
Arrow. Alors que ses derniers doivent détruire des
missiles de théâtre, le THEL se réserve les Katiouchas,
les Qassam et même les obus de mortier contre lesquels il
n’existait, jusqu’à présent, aucune parade. La moyenne de vol
des Qassam est très courte. L’antimissile afférent doit
donc opérer très vite. Le THEL est conçu pour agir 15
secondes avant impact. 15 secondes, c’est le temps, en Israël,
donné aux civils par le processus d’alerte pour se mettre à
l’abri, puisque le système « alerte rouge » (Tzeva Adom)
se déclenche à ce moment là. Le laser [3]
a l’avantage d’agir bien plus vite (vitesse de la lumière)
qu’une fusée interceptrice, et n’ajoute pas de débris à celui du
missile détruit.
Il serait fastidieux de décrire
scientifiquement cette arme complexe mais on peut dire qu’il
s’agit d’un laser de fluoride au deutérium, passant dans 44
chambres de combustion dans lesquelles sont mis en réaction du
trifluoride, du nitrogène et de l’éthylène, qui, par la très
forte chaleur dégagée, désintègre l’objectif [4].
Le laser provient d’une ampoule qui envoie une pression de
photons dans neuf disques de verre de néodyme. Si les énergies
émises ne sont qu’environ le dixième de ce que le même cristal
fournirait en fonctionnement normal, c’est afin de renforcer le
pouvoir destructeur du faisceau durant quelques dizaines de
microsecondes au minimum. Le problème concerne la puissance qui
doit atteindre 100 kilowatts. Le THEL est manipulé par un
commandant et un canonnier, qui ne sont là en théorie que pour
vérifier le fonctionnement de l’ordinateur. Selon l’équipe du dr
Josef Shwartz, responsable des premières études : « Ici, on
traite d’interception à la vitesse de la lumière, cela réclame
un C3I (commandement, contrôle, communication et intelligence),
qui ne laisse que très peu de temps pour les décisions humaines
à chaque étape ».
En cas d’erreur de tir ou de pluie de
roquettes, le laser ne peut pas se recharger rapidement, bien
qu’il puisse faire face aux tirs en grappes en tirant de 20 à 60
coups avant d’être ravitaillé. L’autonomie tient autant dans le
nombre de tirs que de la durée de chaque faisceau. Mais ces
données ne sont que théoriques et d’un rapport à l’autre, les
capacités de l’arme divergent. Le THEL doit préserver une
certaine température pour ne pas nuire au système tout entier.
Mais le fluoride permet de faire abstraction d’un appareillage
de refroidissement encombrant. L’autre avantage du laser par
rapport au véhicule tueur est son invulnérabilité devant les
aléas météorologiques qui n’ont pratiquement pas d’influence sur
la trajectoire et la puissance du faisceau.
En avril 1996, Bill Clinton et William Perry
acceptent de tester un prototype. Israël promet de quitter le
Sud-Liban, après l’opération controversée des « Raisins de la
colère », si les boucliers permettent d’en éviter l’occupation.
L’enjeu est donc de taille. Un protocle est signé entre les USA
et Israël, le 18 juillet. 21 mois sont prévus pour construire le
système et 12 à 18 mois pour les tests, organisés au High Energy
Laser Systems Test Facility à White Sand (Nouveau-Mexique). Là
encore, les USA s’investissent massivement dans ce projet, dont
le bénéficiaire est d’abord Israël, plus concerné par les
projectiles à courte portée. Les recherches sont estimées à 250
millions de dollars jusqu’en 2002. En comptant l’ABL
(monté dans le nez de sept Boeing 747, testé fin 2009) et la
possibilité d’un système monté sur satelitte (mais non
prioritaire) [5],
le devis total s’éleverait, pour la recherche-développement et
la fabrication, à 6.1 milliards de dollars. En août 1996, le
principe de l’ABL est testé avec succès. Aussi, un
premier versement de 100 millions de dollars est débloqué en
1997 : 70 % pour les USA et 30 % à la charge d’Israël [6].
Le GAO, en mai 1999, note déjà les problèmes
de fuites de fluides chimiques, la faible puissance du laser et
son incapacité à détruire les grosses fusées de longue portée (Zelzal).
Le programme est donc repensé, ce qui entraîne un surcoût de 30
à 50 millions de dollars. Le GAO, revoit la facture de la
nouvelle mouture à 106,8 millions de dollars pour les USA et
24,7 millions pour Israël [7].
260 millions de dollars, d’après un porte-parole du SMDC ont
déjà été dépensés pour les premières recherches [8].
Devant les injonctions du Congrès, Washington menace de ne pas
prendre en charge cette rallonge. Les universitaires
états-uniens Melman et Cooks rappellent à ce titre que la moitié
des contrats militaires concernant Israël « sont attribués sans
appel d’offre » [9].
On observe que le devis est toujours moins élevé que pour les
Arrow, aussi bien pour la fabrication que pur le
fonctionnement. Car le coût d’un système anti-missile classique
est de 180 millions de dollars (en moyenne par batterie), et
celui de l’interception d’1 million de dollars, soit beaucoup
plus que pour le Nautilius (2 500 dollars par Quassam) [10].
Un compromis est trouvé. Les deux capitales règlent chacune un
quart du surplus, la moitié restante est assumée Northrop. Le
projet est débaptisé Skyguard mais en 2001, Israël se
retire pour développer son propre système. Pourtant les parties
en présence n’abandonnent pas l’idée de faire participer la
Jordanie (1999), la Grèce, le Koweit, l’Arabie Saoudite, la
Corée du Sud (1998), Singapour, le Japon (1999), le Royaume-Uni,
les Pays-Bas (1999), l’Inde et la Turquie (1999), arguant que
cette couverture peut aussi les protéger. On remarque que
certain de ces Etats avaient aussi opté pour l’Arrow et
le Patriot, ce qui à lieu d’aveu d’inefficacité… d’autre
part, Washington craint par la même occasion que Tel-Aviv lui
ravisse ces marchés. Peu de pays répondent par l’affirmative.
Le spectre du syndrome Patriot
Le lieutenant-géneral John Costello,
commandant du Space and Missile Defense Command, s’interroge sur
les difficultés à défendre un THEL immobile face aux
contre-attaques ennemies [11].
Autrement dit, le système doit lui-même être protégé ! En juin
2000, le système est testé avec succès contre des Katiouchas,
au centre de White Sand. Le lieutenant-général John Costello, du
Commanding General U.S. Army Space & Missile Defense Command
(Alabama) et Tim Hannemann, vice-président de TRW, expliquent
que cette protection peut profiter au monde entier, tandis que
le major-général Isaac Ben-Israel, directeur du MAFAT (ministère
de la Défense) ajoute : « Ce tir est un excitant et très
important développement pour le peuple d’Israël. Le THEL
a franchit une étape cruciale pour aider à protéger les
communautés le long de la frontière Nord contre tout type
d’attaques dévastatrices de roquettes que nous subissons
récemment » [12].
Si bien qu’un protocole pour le développement
d’une version mobile (MTHEL), est signé. Cette version
n’est pas discrète car, en plus du camion portant l’arme, trois
autres véhicules doivent le suivre pour l’alimenter, notamment
en énergie. Pour rentabiliser son investissement, le Pentagone
envisage d’en doter ses bases et ses aéroports, particulièrement
au Grand Moyen-Orient. Pour Israël, aéroports, concentration de
colonies, bases, centrales nucléaires ou laboratoires secrets
seront prioritaires. Il est plus que temps car la seconde
Intifada se caractérise justement par l’emploi massif de
roquettes.
A la suite du 11-Septembre, les USA
souhaitent que le laser puisse aussi détruire autant des
missiles que des avions détournés. Entre 2001 et 2009 contre
Gaza et durant la Seconde Guerre du Liban en 2006, des THEL
à l’état de prototype sont déployés à la frontière pour tenter
de détruire des Qassam… mais sans succès, les tirs
n’étant pas préparés comme à l’entraînement [13].
En juillet 2006, Northrop Grumman essaie de renégocier le
THEL auprès de l’État hébreu en rencontrant Amir Perez, le
directeur général Jacob Toren et le responsable du projet Homa,
Arie Herzog. La conclusion de la rencontre est sans appel :
« Nous avons investi dix ans dans ce projet à un coût très élevé
et sans résultats. Que peut-il arriver maintenant, après que les
forces US aient perdu tout intérêt pour lui ? » [14].
Surtout qu’un premier audit réclame 300
millions de dollars supplémentaires, pour une facture finale de
700 millions de dollars… sans compter la maintenance du système.
Pour cette somme, Peretz exige alors de Rafael un système
polyvalent capable de détruire tout type de projectiles :
« Ces dernières années, le programme commun avec les USA avait
été arrêté. Cette décision était alors motivée par d’importantes
considérations… Mais d’un autre coté, Israël ne pouvait pas se
permettre de réfléchir en termes de statistiques de dégâts
causés par des roquettes, parce que nous devons regarder cette
menace comme une menace contre l’existence même d’Israël » [15].
Après avoir investi entre 250 et 320 millions
d’euros sur 10 ans pour Washington et 150 millions d’euros pour
Israël, les deux pays gèlent le projet, qui exige finalement
pour arriver à son terme 230 millions d’euros supplémentaires,
Rafael ayant consentit à un rabais [16].
Interrogé sur le projet par le quotidien Haaretz, en
septembre 2006, qui lui reproche son opposition à cette arme
présentée comme absolue, le chef d’état-major général Moshe
Yaalon déclare :
« Je ne suis pas le seul à avoir stoppé le projet Nautilus.
Mais j’ai des doutes à son propos. Il a été extrêmement onéreux
pour des résultats limités. Il peut juste protéger une ville ici
ou là. Si Israël investit une fortune pour tisser un vêtement de
protection pour chaque citoyen et les transformer à l’état de
bunker, cela ne sera pas vivable économiquement » [17].
Accusant la société de se militariser avec
tout ce que cela implique, il confesse surtout qu’il n’y pas
vraiment de solution contre les roquettes !
Le 1er juin 2007, la Commission des Forces
armées du Sénat états-unien propose, pour le futur, 60 millions
de dollars, dont 25 pour l’Arrow, seulement 10 pour le
THEL, et 25 pour un autre système antimissile à courte
portée [18].
Mais en décembre, les THEL sont débranchés. Pire ! C’est
Tsahal qui doit encore suppléer à ce jouet technologique coûteux
en lançant, comme au Liban durant l’été 2006, une offensive
terrestre de grande envergure sur Gaza avec son chapelet de
morts. C’est précisément ce que le THEL devait empêcher…
Sa précision d’interception est en définitve un inconvénient,
car elle est mise en défaut par les Scuds et leurs
dérivés dont la trajectoire est aléatoire… Autrement dit, plus
le missile est artisanal, plus la high-tech israélo-américaine
est inopérante ! C’est pourquoi le général de réserve (shirout
milouim) Yossi Kuperwasser, expert du renseignement
israélien, analyse :
« La lutte contre le terrorisme coûte cher. Bien sûr, il faut
équiper nos véhicules avec des systèmes pour contrer ces
missiles. Si nous voulons être en état de nous battre, il faut
en payer le prix. Ce système (Skyguard) est en effet
extraordinairement cher, et on dit qu’il est au-delà de nos
moyens financiers. Ceci est vrai aujourd’hui, mais la décision
sera peut-être différente demain. On avait effectivement
commencé à développer cette technologie de défense et on ne s’en
est pas équipé à cause du prix. A considérer la guerre de l’été
dernier, a t-on eu raison ou tort ? Certains disent que la mort
de 50 civils tués lors d’une guerre de 34 jours est un prix
qu’Israël peut payer. D’autres disent que c’est un prix trop
élevé et qu’à l’avenir, cela nous coûtera encore bien plus cher
en vies humaines si nous ne nous dotons pas maintenant de ces
systèmes au coût pharamineux. C’est un débat très difficile » [19].
Cependant, les USA réussissent à imposer le
SkyGuard, dont le taux de réussite revendiqué « est
proche des 100 % ». Il devra intégrer le système général
israélien Iron Dome. Tel-Aviv n’ose trop défendre ses
prototypes nationaux, car la décision est attenante au projet de
l’enveloppe record de 30 milliards de dollars de l’assistance
militaire, avec une partie dévolue aux antimissiles, étalée sur
10 ans.
Cela n’empêche pas le cabinet de sécurité
israélien, le 23 décembre, de débloquer 811 millions de nouveuax
shekels pour étudier… un nouveau système. Nommé Iron Dome,
il devra être prêt pour 2010 et capable d’abattre les roquettes
de courte portée. C’est toujours Rafael qui s’y attèle. Rafael,
présente encore le 22 janvier 2008 son nouveau prototype baptisé
Stunner. Le Congrès US avait déjà financé les premières
recherches en 2007 à hauteur de 155 millions de dollars [20].
Conçu pour intercepter les Qassam et Katiouchas,
il ne remplace pas les systèmes précédents mais les complète et
sera opérationnel en 2010. Il intégrera le dispositif « Baguette
magique » devant assurer la protection de l’espace aérien
d’Israël [21].
Le Stunner s’insère dans une défense plus large appellée
Magic Wand, regroupant d’autre parades antimissiles,
employé pour intercepter les Zelzal et Fajr du
Hamas et du Hezbollah. Ces boucliers formeraient donc à terme
une défense balistique en profondeur en plusieurs réseaux de
protection, à l’image des multiples couches de kevlar d’un gilet
pare-balles.
Fin mars 2009, l’Iron Dome passe avec
succès une série d’essais contre des roquettes « du même type
que celles tirées récemment sur Israël » [22].
Devant la Commission des Affaires étrangères et de la Défense de
la Knesset, le 11 novembre 2009, le chef d’état-major signale
que le premier bataillon doté du système serait opérationnel
d’ici un an (un retard de 6 mois) [23].
Cette décision est en fait plus politique que militaire après
que les deux tiers des habitants du grand Sderot, près de Gaza,
se soient dit prêts à fuir en cas de nouvelles pluies
balistiques. Le système reprend en fait le radar du MTHEL
(Elta) couplé aux missiles intercepteurs de type Tamir [24].
Surtout, il calcule le point d’interception de manière à ce que
les débris ne tombent pas sur des zones habitées, du moins en
théorie.
Sauf qu’un mois plus tard, Ehoud Barak passe
discrètement commande auprès des USA, de Vulcan-Phalanx,
un radar couplé à un canon Gatling de 20 millimètres,
capable de délivrer 4 000 obus par minute à 1500 mètres. Il est
utilisé par les GI’s en Irak et en Afghanistan [25].
Quand le système sera au point, alors ce canon sera remplacé
éventuellement par un intercepteur au laser, de portée
supérieur, ce qui signifie donc que celui-ci n’était pas encore
au point. L’arme se révèle moins cher, plus simple et de
fiabilité supérieure. Certains experts estime que le Phalanx
est déjà mis en œuvre sur terre, contre les roquettes.
Trophy contre Quick Kill : Les
coulisses d’une rivalité USA/Israël
Le Thel est décliné en d’autres
versions : COIL, ASPRO [26]
et Trophy, pouvant à la fois détruire des missiles et des
obus, afin de protéger un véhicule ou un aéronef. Ces lasers
sont conçus pour détecter et suivre les menaces, les classer,
estimer le meilleur point d’interception et enfin les
neutraliser à distance, grâce à plusieurs leurres et
mitrailleuses autour du véhicule. L’idée émerge des IMI après la
guerre du Kippour. Dans les années 1990, la
recherche-développement rend plausible sa faisabilité. Le laser,
de 700 watt, ne sert pas à la destruction proprement dit, car il
est couplée à une mitrailleuse calibre 30 ou 50. La munition
ennemie est neutralisée seulement si elle est sur le point
d’atteindre le véhicule [27].
Plusieurs pays ont développé leur propre système (détection d’un
missile couplée à un lance leurre) au bénéfice de leurs chars de
combat, comme le Leclerc français ou le Merkava IV
israélien.
En 2003, l’US Army’s Program Executive Office
for Air, Space and Missile Defense (PEO-ASMD) et Rafael
collaborent pour mettre au point le Trophy Active
Protection System (APS). En effet, les pertes d’engins en
Afghanistan et en Irak par lance-roquettes réclament d’urgence
une protection idoine. Le marché commence à échapper aux
Etats-uniens. Comme pour les précédents contrats de sociétés US
perdus aux profits de Tel-Aviv, les Etats-uniens accusent les
lobbies israéliens au Congrès de clientélisme. Raytheon, à la
suite de tests, parvient à imposer sa version, baptisé Quick
Kill, d’une fiabilité affichée de 98 %, aux dépends du
Trophy [28].
Quelques mois plus tard, le Sénat commande une réévaluation du
système israélien auprès de Donald Rumsfeld. En avril 2006,
Globes révèle des liens entre l’armée et du personnel de
Raytheon infiltré dans l’équipe qui a rejeté le Trophy.
La firme se défend et accuse le lobby israélien de
désinformation [29].
Le Quick Kill, prévu comme
opérationnel seulement en 2012, est finalement rejeté au profit
du Trophy, après que l’Institute for Defense Analyses
(IDA), choisi par le Secrétariat US à la Défense, mène quinze
essais en Virginie. En février 2007, Rafael est mandaté par l’US
Army pour adapter son Trophy-2 et 3 en Irak, dont
100 exemplaires équipent déjà les Merkava. Mais en mai
2007, Rafael se sépare de son département IT systems qui le
développe, pour une raison inconnue [30].
Elbit s’engouffre dans la brèche et propose son système pour
2008. Selon Tsahal, il faudrait 500 000 dollars pour en équiper
chaque blindé, alors qu’Israël en possède un parc de 10 000
véhicules.
Le projet est aujourd’hui gelé, faute
d’accord. Comme pour les antimissiles de théâtre, à défaut de
trouver des solutions, on multiplie des systèmes remplaçants,
tel le Meil Rouah (en hébreu « manteau coupe-vent »),
tissant un rideau d’acier pour intercepter les missiles. Ce
système coûte 150 000 à 200 000 dollars pièce et serait efficace
à 90 %. L’explosion risque toutefois de blesser l’infanterie
accompagnant le blindé [31].
Conclusion
L’histoire des parades anti-missiles aux USA
et en Israël, voulues comme une réponse politique, militaire,
culturelle et morale à une menace bien réelle, a généré une
gabegie autant financière que technologique, au moment ou l’État
hébreu, à défaut de pouvoir se protéger contre de simples
roquettes artisanales ou à peine plus évoluées, en est réduit à
mener des représailles mal adaptées, mal acceptées et finalement
peu efficaces. Plus ou moins mis entre parenthèse sine die,
à la fois pour des problèmes techniques et économiques, ces
systèmes ont toujours leurs défenseurs parmi les lobbyistes de
l’armement. Leurs perfectionnements sont constamment mis dans la
balance pour accélérer le processus de paix, car ils éviteraient
les représailles de Tsahal.
A l’heure actuelle, les systèmes d’armes
Pac et les Thel ont abouti à une inflation de
protections parallèles, multipliant les couches d’interception,
pour un résultat qui de l’avis même des experts israéliens, en
off, n’est efficace que pour rassurer une population
traumatisée par les pluies de roquettes, et la perspective
finalement peu crédible de frappes balistiques iraniennes. De
plus, les boucliers ne semblent pas émousser les ardeurs du
Hamas et du Hezbollah, rivalisant les actions. Si cette
initiative se poursuit, elle relancerait la course à l‘armement,
bien que les optimisations dans ce domaine n’aient pas forcément
besoin de ce prétexte. Pour les Etats qui ne peuvent pas suivre
cette course, la résignation à accepter l’hégémonie des grands
est la seule solution. Pour d’autres, le bouclier oblige les
adversaires à concevoir beaucoup d’ADM pour saturer la défense.
La sécurité absolue, est vouée à un échec
permanent car ce concept même, par définition, dans les faits,
n’existe pas. Alors qu’aucun « Etat voyou », hormis l’Irak en
1991, n’a employé de missiles contre Israël, les deux pays
s’échinent encore, plus par pression d’affairistes politiques et
militaires, à remplir ce tonneau des Danaïdes en injectant à
fonds perdu de fortes sommes. Ils peuvent en exiger encore des
contribuables états-uniens et israéliens, en échange d’une non
intervention contre l’Iran. Les litiges et les problèmes de
collaborations entre les différentes composantes de l’US Army,
de Tsahal et des entreprises impliquées compliquent encore la
démarche.
A l’été 2008, la Pologne accepte le
déploiement d’une dizaine de Pac et la Tchéquie d’un
radar. Barack Obama, le 5 avril 2009, maintient le principe du
bouclier mais tempère en remettant en cause une partie de la
doctrine bushienne : « Tant que la menace de l’Iran persistera,
nous avons l’intention d’aller de l’avant avec un système de
défense antimissile dont les coûts soient maîtrisés et dont
l’intérêt soit prouvé » [AFP, 5 avril 2009. ]]. Toute la
problématique est là. Le programme continue, mais le 16
septembre, Obama renonce à installer des antimissiles en Pologne
et en République Tchèque au profit d’un système sur mer.
Contrairement à ce qu’affirme Laure Delcour [32],
la motivation n’est pas seulement due aux remontrances de la
Russie. Les négociations américano-russes sur l’Iran, le fiasco
technique, le coût financier et les nouvelles relations avec
Israël en sont les véritables raisons. Néanmoins, le 5 février
2010, lors du sommet des 28 ministres de la Défense de l’Otan, à
Istanbul, le bouclier antimissile est confirmée avec
l’installation future de systèmes en Bulgarie et en Roumanie. Il
convient encore de rajouter les partenaires et les clients
japonais, turcs, britanniques, australiens, danois, indiens,
italiens et tchèques. Israël participait à la réunion, mais ses
propres systèmes de théâtre n’ont pas réussi à convaincre.
[1]
Spatial Based Laser - SBL
[2]
« Nautilus :
Un parapluie hyper-tech contre les dangers rustiques »,
Israelvalley, 29 mars 2006.
[3]
Dénommé MIRACL : Mid-Infrared Advanced Chemical Laser
[4]
Commentaire traduit et complété à partir du site
Israeli.weapons.com, 2006.
[5]
Michel Bailly, op.cit. p. 40.
[6]
Anthony Cordesman, 15 avril 2003, op.cit., p. 49.
[7]
« Israel
Missile Update – 2000 », The Risk Report, Volume 6,
n°6, novembre 2000.
[8]
CNES Washington D.C, Ambassade de France aux États-Unis. Mission
Scientifique et Technologique.
[9]
Hervé Couteau-Bégarie, Traité de Stratégie, op.cit., p.
467.
[10]
« Les différents systèmes de protections anti-missiles (Qassam,
Katyushas) à l’étude », par Michel Debus, Israelvalley,
10 juillet 2006.
[11]
« Laser Gun to Stay at White Sands », BMDO External Affairs
Digest, 7 décembre 2000.
[12]
« THEL Kills A Two-Rocket Salvo », par D.C. Isby, Jane’s
Missiles and Rockets, vol. 4, n°10, 2000.
[13]
Jerusalem Post, 12 octobre 2005, Arieh O’Sullivan.
[14]
« The US and Israel spent over $400 million on the Nautilus
system before the US Army suspended financing », Israelvalley,
16 juillet 2006.
[15]
« Peretz
choisit d’adopter le système de défense anti-missile courte
portée de Rafael », Mickael Finfelstein, Israelvalley,
3 février 2007.
[16]
« Les différents systèmes de protections anti-missiles (Qassam,
Katyushas) à l’étude », par Michel Debus, Israelvalley,
10 juillet 2006.
[17]
« Who stop Qassam ? », Haaretz, 11 septembre 2006.
[18]
« Senate Panel Okays $60 Million for Missile Partnership
Programs with Israel », Defense Daily International, 1er
juin 2007.
[19]
« Ils pensent qu’il est légitime de tuer des civils »,
L’Arche, n°590, juin 2007, pp. 58-64.
[20]
« Israel Gets U.S. Aid for Anti-Missile System », AFP, 8
novembre 2007.
[21]
Israelinfos.com, 23 janvier 2008.
[22]
« Le bouclier argent déclenché avec succès », Ambassade d’Israël
en France, newletter, 27 mars 2009.
[23]
« Gaby Ashkenazi : le Hezbollah possède des missiles pouvant
atteindre Tel-Aviv », Haaretz, 11 novembre 2009.
[24]
« Israël au salon du Bourget », Israelvalley, 1er juin
2009.
[25]
« Israël va acquérir un système américain d’interception de
roquettes », France 24, 21 avril 2009.
[26]
Armoured Shield PROtection
[27]
« L’armée
US demande à Rafael d’adapter son système Trophy pour les
hélicoptères », Israelvalley, 25 février 2007.
[28]
BBC, 25 septembre 2006.
[29]
« Nouvel espoir accordé par le Sénat américain pour le système
de protection israélien des tanks Trophy », Israelvalley,
7 septembre 2006. On peut parler du « gamelle Trophy » !
[30]
Israelvalley, 1er mai 2007.
[31]
Newletter de l’ambassade d’Israël, 12 juin 2009.
[32]
« Abandon du bouclier antimissile », par Laure Delcourt, Iris,
22 septembre 2009.
Nicolas Ténèze,
Doctorant en histoire de l’Institut
d’études politiques de Toulouse. Sa thèse, financée en partie
par l’Institut des hautes études de la Défense Nationale
(IHEDN), porte sur la dissuasion conventionnelle et
non-conventionnelle israélienne.
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