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A Bil'in, cinq ans de manifestations
Nadir Dendoune


Manifestation à Bil'in

Mardi 18 août 2009

Nadir Dendoune est journaliste indépendant. Durant son périple en Israël et Palestine, il décrit ce qu’il vit et ressent. Aujourd’hui : les rassemblements hebdomadaires de Bil’in, qui se tiennent depuis 2004.

Une manif’, si ça part pas en cacahuète, ce n’est pas vraiment une manif’. A Bil’in, village agricole à quelques kilomètres de Ramallah, chaque vendredi, en plus de la grande prière hebdomadaire, quelques centaines de personnes (le chiffre varie en fonction de l’actualité), et parmi eux beaucoup d’Occidentaux, manifestent pacifiquement contre le Mur qui se trouve à quelques minutes du centre-village et contre la colonisation décomplexée de l’Etat d’Israël. C’est le Comité Populaire du Bil’in qui chapeaute le truc. Une équipe bien organisée qui met un point d’honneur depuis 2004 à ne rater aucun rendez-vous.

« N’oubliez-pas de prendre des manches longues pour vous couvrir le visage et veillez à rester groupés le plus possible », prévient un homme moustachu, l’un des principaux leaders du groupe. Une jeune blonde de l’Occident, qui pourrait récolter un 10-10 pour son physique de science-fiction, lui demande si elle doit laisser son passeport ici ou si elle doit le prendre avec elle. Le moustachu lui répond que la semaine passée, plusieurs militants se sont fait arrêtés et que tous ceux qui pouvaient prouver leur identité ont été embarqués par la police du pays qui se croit tout permis, et pourquoi il se gênerait Simone ? puisque tout le monde ferme sa gueule.

Ici, comme dans de nombreux bleds en Cisjordanie, la construction de colonies menace l’activité économique des villages. « Je ne comprends pas pourquoi la communauté internationale ne dénonce pas ce qu’il se passe ici. Lors de l’apartheid en Afrique du Sud, il y avait un consensus, déplore un jeune Français, qui souhaite garder l’anonymat. Israël pourrait m’interdire de revenir ». Le départ est fixé à 11h. La température ne plaisante pas. On se couvre comme on peut. La crème solaire passe de paluches en paluches. Les journalistes portent des gilets spéciaux pour être reconnaissable, pour ne pas être confondus avec les autres zinzins, à cause de la chartre du journalisme, qui insiste sur l’objectivité. D’autres confrères ont dans les mains un masque, un citron et un oignon. Des enfants se greffent au cortège et ils s’agitent comme si leurs parents les emmenaient à la foire du Trône.

Les slogans sont repris avec un sourire de départ en vacances. Après dix minutes de marche, on arrive devant les barbelés. On distingue à peine les soldats israéliens, recroquevillés à l’intérieur de leur bunker. Ils se tiennent prêts, me dit un Belge. Prêts à quoi au fait ? Les militants ressemblent à des agneaux dans une bergerie, mis à part trois locaux qui balancent des cailloux de la taille d’une couille et qui atterrissent 10 fois sur 10 dans le vide, j’ai du mal à voir OBJECTIVEMENT parlant pourquoi les soldats paraissent si nerveux.

Le moustachu s’empare du micro et s’adresse en anglais aux militaires : « Si vous voulez vivre en paix, comme nous le voulons, libérez la Palestine, et arrêtez la colonisation ». Un Israélien, un homme d’une soixantaine d’années le relaie, il s’exprime en hébreu, un Palestinien traduit dans la langue de Shakespeare : « J’ai honte d’être Juif en vous voyant agir de la sorte, les Palestiniens sont nos frères, nous devons cohabiter avec eux, et non pas les exclure ». Le groupe s’approche de la barrière. Un mouvement de troupes s’opère de l’autre côté. Le moustachu conseille à tout le monde de reculer. Les soldats envoient une sérié de gaz lacrymogène, une cinquantaine sur les manifestants.

Pris de panique, les pacifistes courent dans tous les sens, se masquent le visage et tente de reprendre leur respiration. Quelques minutes plus tard, ils se frottent les visages avec un oignon ou un citron, au choix. Les journalistes avec ou sans carte de presse homologuée, positionnés à droite, mitraillent la scène, certains portent des masques à gaz, leur look est impressionnant. Les soldats font demi-tour. Le moustachu revient à la charge : « il va falloir beaucoup plus que ça pour qu’on abandonne le combat ». Un Palestinien d’une vingtaine d’années ramasse des pierres et essaie d’atteindre sans succès le bunker des militaires israéliens, son bras n’est pas assez long.

Déterminée, la communauté de la Paix reprend chaque slogan scandé de plus belle la vie. Les soldats bougent de nouveau. Un autre Palestinien, un trentenaire, kéfié sur la tête, ne craignant pas d’être dégommé, s’avance toujours plus près, pierre à la main. Un autre le suit, et brandit avec fierté le drapeau de la Palestine. La scène est filmée, photographiée en long et en large. Tout le monde applaudit. Je me retourne et tente d’avoir une vision à 360 degrés.

Des Français de Marseille, arborant avec classe une magnifique banderole Bleu Blanc Rouge s’insurgent au micro du « manque de courage de la communauté internationale ». La chaleur est étouffante dans cet endroit privé d’ombre. Je vérifie le niveau de la batterie de ma caméra. Le vent n’existe pas, quel salop, les gaz lacrymogènes squattent notre espace. Le temps s’arrête un moment. Un silence prélude à une bataille. Les soldats reviennent. Je commence à enregistrer. Cette fois-ci, c’est sûr ils vont balancer le double de fumigène. Les manifestants reculent, chat échaudé craint l’eau froide. Je me tourne en direction des Israéliens. Ils arment. Le feu d’artifice va commencer. La presse est comme la Suisse, elle est neutre et donc protégée. Les lance-lacrymo sont bien bas, à cette hauteur, ils vont louper leur cible. Mon gilet « presse » est jaune flou, il me va comme un gant. Ma nuque fait des allers-retours sur elle-même. Ca va chauffer, si j’étais un manifestant, je serais déjà parti. Les soldats ont le bras tendu. C’est bizarre : j’ai l’impression qu’on nous vise. Pas possible : nous sommes dans l’exercice de notre profession. On n’est pas en Chine quand même ! The only democracy in the middle East ne tire pas sur les journalistes. Ah bon, depuis quand ?

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Publié le 19 août 2009 avec l'aimable autorisation de
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Source : Le web de l'Humanité
http://www.humanite.fr/...


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