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Jérusalem n'est plus
la même
Nadir Dendoune
Jeudi 13 août 2009
Nadir Dendoune est journaliste indépendant. Il est en Israël et
Palestine pendant une vingtaine de jours. Il décrit ici ce qu’il
vit et surtout ce qu’il ressent. Second épisode : la ville
sainte.
Dans quelques années, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
Jérusalem n’est plus la même. Elle est toujours aussi belle,
avec ses mosquées, ses synagogues et ses églises, ses souks et
ses cafés, mais elle est devenue méchante. L’est de la ville, la
partie arabe, se judaïse en accéléré. Sans complexe, les colons
débarquent, munis de titre de propriété certifies par un juge,
donc, par l’État et brisent des foyers, pour ne pas dire des
vies. Sans honte, avec l’aide de la police, ils viennent a
l’aube, se saisir des maisons des familles palestiniennes,
installées parfois depuis plus de cinquante ans. L’Etat ’hébreu’
(des Chrétiens, des Musulmans et des Athées vivent dans ce
territoire) rappelle que « Jérusalem est la capitale une et
indivisible d’Israël » (même si aucun pays au monde ne reconnaît
l’occupation de la partie orientale de la ville), une façon pour
le gouvernement de faire ce qu’il veut, quand il le veut. Dans
le quartier de Sheikh Jarrah, la famille Hanoune est installée
depuis 1952. A l’aube, la police a débarqué chez eux, les
colons, tels des rapaces, suivaient derrière. Ils se sont
retrouvés dehors, à peine le temps d’emmener leurs affaires, ils
avaient reçu un avis d’expulsion en bonne et du forme. Le juge
avait tranché : cette maison appartient à des Juifs, ils doivent
quitter les lieux. Je rencontre la maman, elle rode autour de
chez elle, sa fille l’accompagne. Des manifestants arrivent au
compte-goutte. La police laisse passer, on peut même s’approcher
de la maison violée. Merci pour son zeste de démocratie. Scène
surréaliste quand un colon rentre chez sa nouvelle demeure avec
un pack d’eau dans les bras. Comme s’il avait toujours vécu ici.
Je me dis comment va-t-il pouvoir dormir ici ce soir, comment
arrive-t-il à respirer dans une maison qui n’est pas la sienne ?
Il croise le regard de l’ancienne propriétaire et il continue à
avancer. L’humanité a été licenciée chez cet homme et je ressens
un profond dégout pour lui. Les slogans fusent. La pression
monte. Il y a beaucoup d’occidentaux mais aussi des Israéliens,
des "traitres", pour la plupart des gens. 200 000 Israéliens
vivent désormais dans une douzaine de quartiers de colonisation
à Jérusalem-Est. Un chiffre qui augmente tous les ans. Et rien
ne semble les arrêter. Surtout pas les États-Unis : Hillary
Clinton, le ministre des Affaires Étrangères américain vient de
demander du bout des lèvres le gel des colonisations pendant un
an. Belle farce. Elle aurait dû fermer sa gueule !
Nadir Dendoune est journaliste, et auteur notamment d’un
livre, Lettre ouverte à un fils d'immigré.
La semaine passée, son travail, photographier l’expulsion de
Palestiniens de leur maison
lui a valu une arrestation par la police israélienne.
© Journal L'Humanité
Publié le 13 août 2009 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité
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