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L'eau, nerf de la
guerre en Palestine
Nadir Dendoune
Yanoun - Photo: Palestine Solidarité
Mercredi 2 septembre 2009
Nadir Dendoune est journaliste indépendant.
Durant son périple en Israël et Palestine, il décrit ce qu’il
vit et ressent. Aujourd’hui : la guerre de l'eau.
Il y a
des rumeurs qui cavalent d’Est en Ouest et du Nord au Sud : la
maman de Salah Hamouri (citoyen français emprisonné depuis
quatre ans dans une geôle israélienne sans que le Quai d’Orsay
se bouge trop le troufion pour le faire libérer, électoralement
parlant délivrer un moitié-Bougnoule, ce n’est pas très
intéressant et surtout c’est primordial de ne pas heurter la
sensibilité de nos amis et alliés israéliens) se parfumerait
avec la meilleure des eaux de Cologne du pays. Il parait
également que ce serait le même parfum qu’utilise ma mère. Si
c’est vrai, alors prenez rendez-vous le plus vite possible avec
Madame Hamouri et serrez-là très fort dans vos bras. C’est
d’ailleurs ce que je compte faire en rentrant à Paris.
En
attendant, pas très loin de Yabad, au Nord-Ouest de la
Cisjordanie, un Palestino d’une cinquantaine d’années avec une
moustache années 50, dirige avec le cœur une belle exploitation
agricole. Il fait beau ce jour-là quand je rencontre M.
Le
ciel a mis son smoking, les nuages sont rentrés au vestiaire. Il
y a plusieurs manières d’entuber un peuple. Soit par devant,
comme les Boers en Afrique du Sud qui l’avaient joué cash :
nous, Hommes Blancs, auront tout et vous les Négros, vous aurez
que dalle. Les Israéliens, des vicelards en puissance, préfèrent
mettre de la vaseline. Israël c’est comme le Canada Dry, « ça a
la couleur de la démocratie, le goût de la démocratie…mais ce
n’est pas de la démocratie ». Les enfoirés ont compris que, dans
une région archi-aride, priver les Palestiniens d’eau, c’était
comme les amputer de leurs deux jambes.
« Moi,
si je veux construire un puits, je dois obtenir un permis
délivré par les autorités israéliennes (ce qui vous vous en
doutez bien est quasi-impossible), commence à me dire M., le
patron qui emploie une quinzaine de personnes. Je pourrais avoir
cinquante salariés, cultiver des tas d’autres fruits, je
pourrais même lancer un élevage de vaches, si j’avais accès à
plus d’eau ».
La
guerre de 1967 a permis à Israël d’accaparer les ressources
hydrauliques de Gaza, de la Cisjordanie et du Golan. De fait, la
majeure partie des eaux du Jourdain est détournée par l’Etat
raciste avant qu’elle n’atteigne les Territoires occupés. Deux
mesures sont également prises à cette période : interdiction de
toute nouvelle infrastructure hydraulique, de forages ou de
puits sans autorisation et confiscation des ressources en eau,
conformément à la loi israélienne de 1959 qui fait de l’eau
« une propriété publique ».
Un puits clandestin
Les
Palestino n’ont donc pas accès à la totalité de leurs ressources
hydrauliques. De nombreux villages palestiniens ne sont toujours
pas reliés à un système de distribution d’eau. Comme M. est un
battant, il a été obligé de jouer la caillera et de construire
un puits illégal, « si ils le découvrent, je suis foutu » me
confie-t-il. Comme l’eau récupérée avec son puits n’est pas
suffisante (il ne flotte pas énormément), M. doit acheter de
l’eau amenée par camion-citerne (l’eau acheminée coûte un peu
plus cher), venue tout droit d’Israël et vendue, en principe, au
même prix que celle vendue aux Israéliens, sauf que le PIB est
vingt fois plus élevé en Israël qu’en Palestine !
« L’eau représente un tiers de mon budget. En plus, avec les
check-points, les couvre-feux et autres blocus, on n’est pas
toujours approvisionné ». La Palestine est occupée
militairement, ça même Sarko, président métèque d’origine
hongroise est au courant, mais pour couronner la Reine
d’Angleterre, elle est de plus en plus entourée de colonies
juives et sauvages. Comme en ce moment c’est l’Aid-El-Kébir tous
les jours pour eux, la quantité d’eau que reçoivent ses
squatteurs illégitimes, sans cœur et sans foi, est, chaque
année, en constante augmentation. De plus, l’eau y est
subventionnée, ce qui signifie donc que le Palestino-de-base,
beaucoup plus pauvre que l’Israélien-de-base doit débourser
davantage pour s’approvisionner. Sympa. M. a mis vingt ans pour
mettre sur pied son exploitation agricole. La sienne est de loin
la plus prospère. Il a commencé avec wallou et aujourd’hui il
peut être fier et il l’est, il n’y a qu’à regarder ses yeux,
d’être à la tête d’une entreprise florissante. Ses plantes sont
magnifiques et ses fruits ont la patate olympique.
« Je
ne vais pas me plaindre, la plupart des agriculteurs de la
région n’arrivent pas à joindre les deux bouts, certains se
voient même contraints d’abandonner leur propriété. Moi, je vis
bien, hamdullah, mais on pourrait faire tellement mieux . »
M. me raconte ensuite qu’il doit faire face également à des
coupures d’eau, « ça arrive surtout l’été ». Au moment où il en
a donc le plus besoin…En 1941, David Ben Gourion, le premier des
Premiers ministres d’Israël avait déclaré : « Nous devons nous
rappeler que, pour parvenir à enraciner l’Etat juif, il faudra
que les eaux du Jourdain et du Litani soient comprises à
l’intérieur de nos frontières ». Trop fort. Alors, la
démocratie, vous la préférez avec ou sans vaseline ?
© Journal L'Humanité
Publié le 3 septembre 2009 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité
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