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Les médias occidentaux au secours de
l'agresseur israélien à Gaza
Mohamed Tahar Bensaada
Mercredi 31 décembre 2008 Il est évident qu’Israël
n’aurait jamais pu lancer ses F 16 contre Gaza sans l’assurance
d’une impunité internationale totale. Comme on s’y attendait,
Washington a proclamé le « droit d’Israël à se défendre ». Plus
hypocrites, le conseil de sécurité de l’ONU et l’UE ont appelé
tous les protagonistes à cesser les hostilités, renvoyant dos à
dos agresseur et agressé, colonisateur et colonisé, au mépris du
droit international. Face à cette agression criminelle, les
Etats arabes sont plus que jamais divisés entre la complicité
des uns, à commencer par l’Egypte de Moubarak, et l’impuissance
des autres qui se contentent de dénoncer une agression militaire
par des communiqués de presse…
Si les retombées humaines et politiques de
l’agression israélienne sont d’une gravité qui interpelle la
conscience morale de tous les hommes libres, le rôle joué par
les médias occidentaux dans la couverture de cette agression
n’est pas moins abject. A défaut de pouvoir soutenir
efficacement les vivants, nous insulterions la mémoire des morts
de Gaza si nous ne démasquions pas la propagande sournoise des
médias occidentaux dans cette bataille qui vise à asservir les
esprits et à prévenir tout mouvement de solidarité avec le
peuple palestinien en lutte pour ses droits nationaux légitimes.
Dès le lendemain des frappes israéliennes, tous
les médias occidentaux ont repris la fable consistant à
présenter l’agression israélienne comme une réponse au lancement
des roquettes du Hamas ! La disproportion des deux types
d’action suffirait à susciter le doute parmi des enfants mais
qu’importe pour ces médias pro-israéliens ! Le plus important
est qu’ils s’acquittent de la tâche qui leur a été confiée dans
cette guerre et sans laquelle l’opération israélienne risquait
de perdre ses dividendes politiques. En effet, l’essentiel est
de cacher le fait capital que cette agression a été préméditée
et préparée depuis six mois dans le cadre d’un agenda
stratégique régional qui dépasse de loin le conflit
israélo-palestinien, agenda qui a sans doute été précipité par
la perspective de la prochaine élection législative israélienne
et la perspective de l’investiture du nouveau président
américain.
On peut toujours discuter des choix tactiques du
Hamas et notamment de sa décision de ne pas reconduire une trêve
qui s’est avérée un piège visant à étrangler la société
palestinienne de Gaza en vue de neutraliser l’esprit de
résistance de la population en recourant notamment à un embargo
illégal et criminel. Mais il n’y a pas plus grand crime
aujourd’hui que de chercher à faire endosser la responsabilité
de l’agression israélienne par le Hamas comme tentent de le
faire les régimes vendus de Moubarak et de Mahmoud Abbas. Ce que
les médias occidentaux ne diront jamais est que l’agression
israélienne contre Gaza, outre qu’elle était préméditée et
préparée secrètement par l’état-major israélien depuis six mois,
s’inscrit dans une logique stratégique bien définie, en
concertation avec Washington, visant à imposer la « pax
americana » dans la région du Moyen Orient.
Dans ce projet de « pax americana », les rôles
des acteurs régionaux sont définis par avance. L’Iran et la
Syrie doivent être neutralisés par la mise en œuvre d’une
stratégie de la tension graduelle. Isolement diplomatique,
embargo économique et guerre psychologique devraient préparer le
terrain à une agression militaire le cas échéant. La guerre de
l’été 2006 contre le Hezbollah s’inscrivait dans cette logique
visant à la fois à précipiter l’effondrement du front intérieur
libanais, à créer un conflit artificiel entre la Syrie et le
Liban et à enlever à la Syrie et à l’Iran un allié aux capacités
mobilisatrices certaines. L’agression israélienne contre le
Liban a lamentablement échoué grâce à la résistance admirable du
Hezbollah mais aussi grâce à la maturité de la société libanaise
dans son ensemble qui a déjoué le plan israélo-américain qui
escomptait un scénario de guerre civile.
L’évolution de la scène politique en Irak n’est
pas pour rassurer les Américains et les Israéliens. Les actions
suspectes de la soi-disant nébuleuse d’al Qaeda contre la
population civile chiite n’ont pas donné le résultat escompté à
savoir une guerre civile. Les forces de la résistance sunnite
contre l’occupant américain ont compris le jeu américain et se
sont retournés contre les groupes criminels d’al Qaeda et sont
entrés dans une négociation intelligente avec le gouvernement
irakien visant à redessiner la carte politique intérieure autour
de la revendication majeure du retrait des forces d’occupation
étrangère. La perspective d’une agression israélienne contre ses
sites nucléaires a poussé, entre-temps, l’Iran à modérer son
discours et sa politique à l’égard des Etats arabes voisins dans
le but de leur enlever tout prétexte à une action hostile.
Dans ces conditions, il restait aux Américains
et aux Israéliens de frapper le « maillon faible » de la
résistance régionale qui se trouve être malheureusement Gaza.
Pourquoi Gaza qui constitue pourtant un symbole de la résistance
héroïque du peuple palestinien est-il devenu un « maillon
faible » dans le dispositif de la résistance ? La densité
démographique, la radicalisation politique de la population
comme en témoigne la victoire électorale du Hamas de juin 2007
et l’existence d’une organisation paramilitaire aguerrie
auraient milité pour une insertion autrement plus honorable de
Gaza dans le dispositif de la résistance régionale à la « pax
americana ». Mais c’était sans compter sur l’acharnement
criminel d’acteurs internationaux et régionaux autrement plus
puissants à commencer par Israël qui n’a pas cessé depuis 2007
de planifier et d’exécuter un embargo criminel visant la
capitulation de Gaza.
Ce que les médias occidentaux ne diront jamais
est que l’agression israélienne contre Gaza n’est que la
continuation militaire de cette guerre qui ne dit pas son nom
qui a commencé depuis juillet 2007. Ce que les médias
occidentaux ne diront jamais est que cette guerre qui a déjà
fait plus de 300 morts et un millier de blessés a commencé non
pas le jour où les F 16 se sont lancés contre une ville sans
défense aérienne mais bien le jour où Américains et Européens
ont unanimement décidé de déclarer comme « terroriste » et de
geler ses comptes bancaires une organisation qui vient de
bénéficier de la majorité des suffrages de sa population !
La guerre médiatique occidentale a bien précédé
la guerre tout court de l’aviation israélienne. L’isolement
diplomatique de Gaza par les puissances occidentales qui a
précédé et accompagné l’embargo économique et social exécuté par
Israël a été facilité par la complicité des régimes arabes qui
se sentaient politiquement menacés par la victoire électorale du
Hamas. Cette complicité prend des formes variées. Le régime
égyptien se charge d’enfermer la population de Gaza en faisant
surveiller par son armée la seule porte d’entrée qui reste pour
les habitants (Rafah).
La monarchie saoudienne contribue à financer la
bureaucratie de l’autorité palestinienne vendue de Mahmoud Abbas
pour lui permettre de jouer son rôle policier contre la
résistance. Il faut savoir que sans la corruption de l’argent
saoudien et européen, la pseudo-autorité palestinienne ne
tiendrait pas un seul jour. Les bureaucrates et les politiques
européens n’hésitent pas à justifier leur « aide » économique et
humanitaire à la population de Gaza par leur volonté de diminuer
l’influence du Hamas, et plus généralement des organisations
islamistes, parmi la population palestinienne !
Au-delà des F 16 israéliens, le peuple
palestinien de Gaza a affaire à une véritable conspiration
criminelle internationale que les médias occidentaux cherchent à
couvrir en se faisant les relais passifs de la propagande
israélienne. Le peuple palestinien paie dans le sang et la
douleur les frais de l’Après-11 septembre. Sinon comment
expliquer l’aveuglement généralisé dont font preuve ces médias
qui ne ratent pourtant aucune occasion de se lamenter sur les
atteintes aux droits humains sous d’autres cieux ?
Mais ce que les médias occidentaux ne diront
jamais est que le Hamas palestinien est un mouvement de
libération nationale dont les noyaux fondateurs appartiennent à
une mouvance idéologique, les Frères Musulmans, qui, tout en
soutenant la résistance armée légitime contre l’occupation
étrangère en Palestine, en Afghanistan et en Irak, s’est
démarquée depuis longtemps de la violence politique dans les
pays arabes et musulmans comme moyen d’accès au pouvoir et ce,
malgré la répression systématique des régimes autoritaires en
place. Cette mouvance condamne périodiquement les attentats
terroristes qui ciblent aveuglément les civils dans le monde et
qui sont généralement revendiqués par des groupuscules dits
« salafistes » sans aucun rapport avec les Frères Musulmans.
Ce que les médias occidentaux ne diront jamais
est que l’agression israélienne censée contribuer à la
« croisade » universelle contre le « terrorisme islamique », si
elle réussissait à briser militairement et politiquement le
Hamas à Gaza, risquerait de détruire le seul véritable rempart
contre le « salafisme » armé. Ce n’est pas le pouvoir corrompu
du Fatah de Mahmoud Abbas qui pourra endiguer la déferlante
« salafiste » qui risque de trouver dans la tragédie de Gaza et
la défaite du Hamas de quoi nourrir son discours apocalyptique
et revanchard ! A moins que ce ne soit le but inavoué des
stratèges de Washington et de Tel Aviv qui trouveraient ainsi
dans le « choc des civilisations » un nouveau souffle dans cette
période de morosité économique…
Le fait de dénoncer la propagande mensongère des
médias occidentaux ne doit à aucun moment nous amener à occulter
la responsabilité des mouvements de libération arabe.La douleur
et l’émotion légitimes suscitées par les scènes d’horreur des
corps palestiniens déchiquetés par les missiles de l’aviation et
de la marine israéliennes ne devraient pas nous empêcher de
réfléchir sérieusement sur les voies et moyens à mettre en œuvre
en vue de faire face à la guerre médiatique qui cultive
l’amalgame entre islamisme et terrorisme. La tragédie de Gaza
montre que l’enjeu de cette guerre médiatique n’est plus
seulement d’ordre stratégique mais conditionne jusqu’à la
mobilisation pacifiste à court terme contre un massacre à huis
clos.
Il n’est pas aisé de relever ce défi d’une
guerre médiatique menée par des lobbies transnationaux possédant
des ressources financières, technologiques et humaines sans
commune mesure avec celles dont disposent les organisations
militantes. Mais ce n’est pas une raison pour négliger cette
bataille capitale. En fait, ce qui fait la force de frappe
essentielle des médias occidentaux dans leur guerre mensongère
contre la résistance du peuple palestinien, et des peuples
musulmans en général, c’est la faiblesse idéologique et
politique du front de résistance anti-impérialiste et
anti-sioniste dans la région. Un des symptômes les plus évidents
de cette faiblesse est l’incapacité à rendre plus visible aux
yeux de l’opinion publique internationale et occidentale en
particulier, sa nette démarcation de toutes les formes de
terrorisme aveugle visant des populations civiles innocentes où
que ce soit dans le monde.
La résistance à l’occupation étrangère et à la
tyrannie politique de régimes dictatoriaux perdrait de son
efficacité si elle était déconnectée de la lutte contre
l’intégrisme religieux qui nourrit le terrorisme aveugle, divise
le front intérieur sur des bases artificielles et affaiblit les
chances d’une solidarité internationale conséquente.
Aujourd’hui, même les acteurs stratégiques qui devraient compter
parmi les alliés objectifs et naturels du mouvement de
libération arabe, comme la Russie et la Chine, restent dans
l’expectative. Et pour cause. Eux aussi ont affaire à des
mouvements sécessionnistes d’obédience musulmane sunnite qu’ils
considèrent, à tort ou à raison, comme une menace pour leur
sécurité nationale. Ils craignent par-dessus tout que ces
mouvements soient manipulés par les Américains directement ou
indirectement via l’Arabie saoudite.
Même les syndicats européens semblent passifs
face à la tragédie de Gaza, travaillés de l’intérieur par de
puissants courants pro-israéliens, liés notamment à
l’Internationale socialiste. Or ces courants n’auraient jamais
influencé ces organisations avec l’aisance actuelle sans les
provocations stupides des courants « salafistes » qui
développent en Europe un discours réactionnaire qui se retourne
finalement contre les peuples musulmans en butte au
sous-développement et à la dictature et contre la communauté
musulmane d’Europe qui souffre d’un climat de racisme et
d’islamophobie croissant.
Nul n’est besoin de chercher à savoir si les
groupuscules de la mouvance pseudo-salafiste sont ou non
manipulés par le Mossad et la CIA même si plusieurs indices ont
montré dans un passé récent que pareille hypothèse n’est pas une
vue de l’esprit. Il suffit de savoir qu’ils font objectivement
le jeu des stratèges américains et israéliens et constituent le
pain quotidien de la propagande des médias occidentaux pour les
dénoncer et les combattre ! Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza
augure malheureusement de jours encore plus sombres pour toute
la région. Si, en plus de notre incapacité à venir en aide à nos
frères de Gaza, nous ne voulons pas insulter leur mémoire, ayons
au moins le courage de comprendre d’où provient la force de nos
adversaires, non pas pour capituler devant elle, mais pour mieux
la démonter pierre après pierre.
Mohamed Tahar Bensaada,
enseignant-chercheur.
Publié le 31 décembre 2008
avec l'aimable autorisation d'Oumma.com
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