Opinion
Obama et son
Vietnam au Proche-Orient
Mohamed
Bouhamidi
Mercredi 27 mars 2013
Le pays du Sham – ou grande Syrie –
concentre une extraordinaire diversité
humaine tant au plan ethnique qu’au plan
des confessions et des langues. Des
églises donnent encore la messe dans la
langue de Jésus et en Syriaque. C’est
vous dire la précieuse diversité humaine
de cette région (et de ses connexions
méditerranéennes) qui dit les origines
et les péripéties de la formation de la
pensée et de l’imaginaire du Monde
Occidental. Croyances, écriture et
Ecritures, mythes et Raison,
cosmogonies, géométrie et arithmétique,
philosophie, concepts et modèles
politiques, tout ou presque de la
culture occidentale vient de cette
région, musée vivant qu’aucun incendie,
y compris les croisades et le
Sykes-Picot, n’a pu détruire.
Un monde sensé et une humanité
intelligente auraient témoigné au pays
du Sham la même attention respectueuse
manifestée à la biodiversité sans
laquelle rien ne peut se régénérer. La
dispersion des Chrétiens d’Irak montre
le désastre infligé à cette diversité
par les politiques des USA, d’Israël et
de leurs auxiliaires wahhabites. Un
jour, il faudra bien rajouter aux crimes
de l’impérialisme l’atteinte à l’« homo
diversité » au même titre que l’atteinte
à la biodiversité.
En réglant les petits et les grands
problèmes de ses auxiliaires turcs et
israéliens, en redonnant de l’éclat à un
Erdogan bien terni par ses déceptions
syriennes, en anesthésiant avec quelques
dollars un roi jordanien effrayé par son
inexorable départ au profit d’une
nouvelle entité islamiste
jordano-palestinienne qui soulagera
Israël de ses Palestiniens de
Cisjordanie, en ordonnant la démission
d’un Mikati, qui a tout fait pour
faciliter les activités de l’ASL et d’El
Qaïda, et en donnant ipso facto le
signal d’une offensive généralisée
contre la Syrie et contre les positions
du Hezbollah, Obama vient de mettre de
l’ordre dans ses troupes. Cette
offensive sera sans merci.
La concentration de troupes
mercenaires et djihadistes au Liban, en
Turquie, en Jordanie paraît suffisante
pour donner l’estocade à l’armée
syrienne. Obama a mis dans cette annonce
tous les signes d’une lutte pour la vie
ou pour la mort. En réaffirmant que le
minimum est le départ d’El Assad, il
brûle ses vaisseaux et s’interdit toute
retraite. Il avertit ses troupes
qu’elles jouent leur survie. La
formation de ce gouvernement sous
chefferie américaine porte le même sens.
Que reste-t-il à négocier si ce
gouvernement d’une faction politique –
car il existe d’autres oppositions en
dehors de la coalition et notamment
celle de Manaâ – occupe le siège de
toute la complexe Syrie et sous ce
nouveau-ancien ?
En Côte d’Ivoire, en Libye,
aujourd’hui en Syrie et au Mali, la
ligne de conduite invariable des
puissances coloniales reste le refus de
toute issue négociée. En imposant cette
ligne de conduite, les USA poussent
sciemment à l’irréparable pour préparer
dans les têtes le recours à un refuge
communautaire et à un état confessionnel
ou ethnique. Voilà le crime que commet
en ce moment Obama en mettant en bon
ordre de marche Netanyahu, Erdogan,
Abdallah II, le Qatar, l’Arabie saoudite
et des forces libanaises agglomérées
autour de Hariri. Il doit aboutir à la
mort de la nation syrienne et libanaise,
à la mort de la vie commune, dans une
identité nationale et humaine commune de
cette extraordinaire diversité. Le
meurtre d’El Bouti par son message de
terreur et de promesse de nettoyage
participe de cet ordre de guerre.
Obama a échoué les trois premiers
plans offensifs. Il en est au quatrième
avec la même obstination, car il mesure
ce qu’un échec américain en Syrie
signifierait pour sa force de dissuasion
déjà mise mal par Chavez, par l’Iran et
moins spectaculairement par les Brics.
Il ne s’agit plus de l’hybris d’une
Clinton survoltée par l’audace de la
volonté adverse syrienne, mais de la
froide évaluation qui a investi l’hybris
dans la nécessité de la guerre de
destruction de toute la région.
Pour réussir sa guerre, qui devait
rester circonscrite à la Syrie, Obama
est obligé de l’élargir au Liban pour
frapper le Hezbollah tenu pour facteur
essentiel de la résistance syrienne, de
mobiliser encore plus de forces incluant
Israël et la Jordanie, de faire encore
plus de place au Qatar et aux
djihadistes et, donc, faire peser plus
de menaces à cette diversité humaine qui
n’aura plus que le choix de la
résistance. Quand ils organisent le 2 et
le 4 août 1964 la provocation du Golfe
du Tonkin, les USA ne doutaient pas de
leur victoire au Vietnam. La même hybris
les aveugle aujourd’hui.
Publié sur
Reporters.dz
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