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Oumma.com
Les 6 premiers jours
d'une vie ordinaire à Gaza...
6 jours de crimes de guerre...
Mireille Fanon-Mendès France
© Photo PCHR
Mardi 6 janvier 2009 6 interminables
journées de 24 heures pour les Palestiniens de la Bande de Gaza.
6 jours sans répit à ramasser les quelques 400 personnes
assassinées par l’armée d’occupation, à mener les 2 000 blessés
dans les hôpitaux ou dispensaires, à courir après les
médicaments de première nécessité pour que ces blessés ne
s’ajoutent pas à la déjà trop longue liste des morts.
6 jours pour les survivants à tenter
de trouver un endroit qui ne risque pas d’être bombardé par les
F16 et les Apaches qui envahissent le ciel. ’Gaza
has become a collection of isolated areas, where people are
trapped in their homes for fear of being out on the streets.
And, as it turns out, even homes are not safe. There is nowhere
safe in Gaza.’ ainsi
que le souligne Jaber Wishah du Palestinian Centre for Human
Rights, basé à Gaza City.
6 jours de mobilisation spontanée
dans de nombreux pays, du Sud au Nord.
6 jours où la communauté
internationale montre une fois encore son incurie et autorise,
par son silence et son incapacité à prendre la seule résolution
nécessaire qui justifierait le rôle du Conseil de sécurité de
l’ONU, la violation par l’Etat d’Israël de ses obligations au
regard du droit humanitaire et plus précisement de la 4e
Convention de Genève de 1949 qui assure protection aux personnes
civiles en temps de guerre, signée par ce même Etat.
6 jours pendant lesquels la France,
membre du Conseil de sécurité, ne trouve rien de mieux à faire
que de demander à l’Etat attaquant une trêve de 48 heures pour
acheminer de l’aide humanitaire. Certes, il faut de l’aide mais
ce besoin est, ne l’oublions jamais, le résultat de l’occupation
militaire illégale, réprouvée par de nombreuses résolutions de
l’ONU, que subit depuis 60 ans le peuple palestinien. La France,
dans ce cas présent, aurait été bien inspirée de respecter ses
obligations au regard du droit international en proposant au
Conseil de sécurité une résolution pour la condamnation de
l’invasion israélienne en territoires palestiniens occupés.
Les enfants, les femmes et les hommes
vivant dans la Bande de Gaza méritent mieux qu’une trêve de 48
heures. Ils méritent le droit à la vie, le droit de vivre
libres, libérés de l’occupation militaire et restitués dans
l’ensemble de leurs droits civils et politiques mais aussi
économiques, sociaux et culturels.
6 jours à entendre de nombreux medias
affirmer que l’Etat d’Israël a le droit de se défendre ou mieux
de s’autodéfendre pour reprendre les termes de GW Bush. Nouveau
concept introduit visant à faire bouger les lignes, déjà si
fragiles et si souvent agressées, du droit international et à
imposer dans les esprits de tout un chacun que l’auto defense
est non seulement légitime mais en congruence avec les normes
impératives du droit international dont le respect et
l’effectivité sont plus que jamais nécessaires pour assurer la
régulation des rapports de force dans les relations
internationales. En tronquant la réalite, parce vue à travers un
prisme eurocentré ou occidentalisé, de nombreux medias font
retourner leurs auditeurs vers l’âge de pierre et GW. Bush
entraine le monde vers un état sauvage renouvelé à la lumière du
libéralisme imposé par le modèle capitaliste. Il y a tout à
craindre de ces errements irresponsables et de ces affirmations
mensongères. La Charte des Nations unies, quant à elle, article
51, mentionne le droit naturel à la légitime défense et
non à l’autodéfense.
6 jours au cours desquels il a fallu
entendre Ehoud Barak –ministre de la défense- déclarer qu’avec
cette attaque il y avait aussi le but de ramener Gaza des
décennies en arrière. N’est ce pas sans rappeler la fameuse
menace de Dan Haloutz, chef d’Etat Major, qui voulait faire
revenir le Liban de 20 ans en arrière, dès le début de la guerre
de l’été 2006 ?
Ce qui est sûr et commun avec la
guerre de 2006 au Liban c’est que l’Etat d’Israël commet, depuis
60 ans dans les territoires palestiniens occupés, crimes de
guerre sur crimes de guerre et cela en toute impunité puisque la
communauté internationale ne répond pas à ses obligations,
réaffirmées par la Cour pénale internationale dans l’avis donné
à propos de la construction illégale du mur de la honte.
Pourtant, c’est très clair, les Etats, qui sont hautes parties
contractantes à la 4e Convention de Genève, ont non
seulement l’obligation de respecter le droit international
relatif aux droits humains ainsi que le droit humanitaire
applicables erga omnes mais aussi de les faire
respecter. Tous ces Etats sont loin du compte.
Des faits, rien que les faits
Le statut de Rome définit le crime de
guerre ainsi –ne seront retenues que les précisions concernant
les bombardements meurtriers sur Gaza.
a) Les infractions graves aux
Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque
des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens
protégés par les dispositions des Conventions de Genève :
iv) La destruction (…), non
justifiée par des nécessités militaires et exécutée sur une
grande échelle de façon illicite et arbitraire
Les destructions occasionnées par les
attaques militaires israéliennes sur l’ensemble du territoire de
la Bande de Gaza sont causées par des opérations militaires
menées, par air, terre et a partir de la mer, à grande échelle.
Ces attaques répétées ont détruit des immeubles d’habitations,
des maisons, des ateliers, des commerces, de très nombreux
véhicules, des entrepôts, des cafés, des garages
b) Les autres violations graves
des lois et coutumes applicables aux conflits armés
internationaux dans le cadre établi du droit international, à
savoir, l’un quelconque des actes ci-après :
i) Le fait de diriger
intentionnellement des attaques contre la population civile en
tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas
directement aux hostilités
Parmi les victimes, des enfants, des
femmes, des hommes. La grande majorité d’entre eux ne sont pas
des combattants, entre autres, un prêtre, un imam, un médecin,
une infirmière et un avocat….La plupart des corps ont été
retrouvés totalement disloqués par la violence du bombardement
ii) Le fait de diriger
intentionnellement des attaques contre des biens de caractère
civil, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs
militaires
- des bâtiments gouvernementaux,
- les locaux de la compagnie du téléphone Jawal,
- des commissariats de police,
- un club de sport,
- le bureau d’information lié aux Comités de la Résistance
Populaire,
- l’immeuble du département du contrôle agricole, des
centres d’entrainement des services de sécurité,
- le poste de la police navale,
- le centre de police Arafat,
- le centre principal de la sécurité intérieure de al-Saraya,
- l’immeuble de la télévision al-Aqsa,
- plusieurs places du centre ville ou de villages,
- la prison située en plein centre de Gaza City,
- les réserves de gaz, ce qui entraîne la fermeture des
centrales produisant de l’élecricité
iii) Le fait de diriger
intentionnellement des attaques contre le personnel, les
installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés
dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de
la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant
qu’ils aient droit à la protection que le droit international
des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère
civil ;
iv) Le fait de diriger
intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera
incidemment des pertes en vies humaines dans la population
civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux
biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et
graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement
excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire
concret et direct attendu ;
- Des raids de bangs soniques ont eu lieu, causant des
traumatismes et une atmosphère de panique parmi les
habitants de Gaza,
- l’usage de Smart Bombs GBU 39 à l’Uranium appauvri,
- des commissariats de police,
- les attentats ciblés, entre autres celui perpétré jeudi
1r janvier contre un des principaux chefs du Hamas, Nizar
Rayan, dans le nord de la bande de Gaza. L’outrecuidance
israélienne va jusqu’à prévenir Monsieur Rayan que l’armée a
l’intention de le tuer et pour que cela soit "propre", il
lui est conseillé d’éloigner de la maison la vingtaine de
personnes présentes. 15 d’entre elles mourront. Ce meurtre
« en direct » a été commis avec le soutien juridique du
conseiller juridique du gouvernement, Benahem Mazouz.
Il y a aussi celui du mardi 30
décembre, lors du bombardement de l’ensemble des ministères du
mouvement islamiste, l’armee israélienne a blessé au passage 22
habitants.
Autant de mesures destinées à semer
la terreur parmi la population et visant à appliquer une
stratégie systématique de punition collective et de terrorisme.
Les responsables israéliens savent pertinemment que ces
operations vont causer des dommages excessifs, la mort de civils
et provoquer des blessures à une partie de la population civile
tout comme des dommages étendus, durables et graves à
l’environnement naturel qui seront manifestement excessifs par
rapport aux avantages militaires concrets et directs attendus.
v) Le fait d’attaquer ou de
bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages,
habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont
pas des objectifs militaires ;
ix) Le fait de diriger
intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à
la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à
l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et
des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à
condition qu’ils ne soient pas des objectifs militaires
- des mosquées,
- l’Université Islamique de Gaza (IUG),
- certaines écoles qui pourtant jouissent de la protection
du droit international humanitaire -protection consacrée par
le protocole additionnel, articles 52 et 57-. et même en cas
de doute, elles ne peuvent être prises pour cibles
militaires comme le dispose le même Protocole à l’article
52. 3.
Il est hors de doute que les écoles
ne peuvent, en aucun cas, être considérées comme des objectifs
militaires car les attaquer ne peut procurer aux combattants
israéliens des avantages militaires.
- les bureaux de l’association des prisonniers Wa’ed,
- les bureaux du Secours islamiste,
xii) Le fait de déclarer qu’il
ne sera pas fait de quartier
la déclaration de Ehud Barak mais
aussi celle de Tzipi Livni
xxiv) Le fait de diriger
intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le
matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et
le personnel utilisant, conformément au droit international, les
signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève
xxv) Le fait d’affamer
délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant
de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant
intentionnellement l’envoi des secours prévus par les
Conventions de Genève
Un million et demi de Gazaouis vit
sous blocus israélien depuis juin 2007. Les différents appels de
certains Etats mais aussi ceux de la société civile sont restés
lettre morte. Seule une centaine de camions a reçu
l’autorisation de passer depuis le 29 decembre. Les habitants de
la Bande de Gaza manquent de tout, alimentation, objets de
première nécessité, mais aussi de carburant, de gaz et
d’électricité. Les hôpitaux sont dans l’incapacité d’assurer les
soins nécessaires aux blessés et aux malades faute de matériel.
Cimes de guerre au Liban en 2006,
crimes de guerre dans les territoires palestiniens occupés
depuis 60 ans
Comme les attaques militaires
israéliennes au Liban, celles sur Gaza se placent aussi dans le
contexte d’une politique systématique et délibérée de
destruction massive des biens civils ainsi que dans celui d’une
politique qui a, volontairement, ignoré les obligations que lui
imposent le droit international général et le droit humanitaire.
Les opérations militaires israéliennes, dans le contexte des
déclarations et des prises de position publiques du premier
Ministre, du ministre des Affaires étrangères et du Chef d’Etat
major suggèrent une volonté explicite d’attaquer de manière
systématique la population civile, peu importe le nombre de
morts.
Tous ces actes sont considérés comme
constitutifs de crimes internationaux et visés par les Articles
7 et 8 du Statut de la Cour, à savoir des actes de violation
graves du droit international, notamment le bombardement et la
destruction.
Toutes les informations mentionnées
renvoient au travail de terrain fait par le Centre palestinien
des droits de l’homme de Gaza et sont autant d’infractions
commises contre des personnes civiles protégées en temps de
guerre aux termes des dispositions de la 4e
Convention de Genève. Faisant cela, l’Etat israélien viole les
lois ou coutumes de la guerre, y compris celles reconnues par
l’Article 3 de la Quatrième Convention de Genève du 12 août
1949, disposition qui a acquis le statut de règle du droit
coutumier.
Lutter contre l’impunité, une
obligation
En créant la Cour Pénale
Internationale, les Etats membres, reflétant largement l’intérêt
général de l’humanité, ont mis en place un mécanisme
institutionnel judiciaire et juridique dont le but déclaré est
de traduire en justice les personnes responsables de violations
graves du droit international humanitaire, de crimes de guerre,
de crimes contre l’humanité et de crime de génocide, de façon à
décourager la perpétration de futures violations, à contribuer
au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales
et au respect du droit et des valeurs humaines et à garantir que
les responsables de tels crimes internationaux ne jouiraient
plus d’aucune impunité.
En ce sens, les Etats considèrent,
dans le Préambule du Statut, que « ….les crimes les plus
graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale
ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être
effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre
national et par le renforcement de la coopération
internationale…. » se montrant déterminés « …à mettre un
terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir
ainsi à la prévention de nouveaux crimes… ».
Ainsi dans le Jugement Stakic,
la Chambre de première instance du Tribunal International pour
l’Ex Yougoslavie a pertinemment déclaré :
« dans le cadre de la lutte contre
les crimes internationaux, la dissuasion constitue une tentative
d’intégrer ou de réintégrer dans la société des personnes qui se
croyaient hors de portée du droit international pénal. Ces
personnes doivent être avisées qu’à moins de respecter les
normes universelles fondamentales du droit pénal, elles
s’exposent non seulement à des poursuites, mais aussi à des
sanctions de la part des tribunaux internationaux ». (Le
Procureur c/ Milomir Stakic, 31 juillet 2003, 902)
Si les responsables israéliens
continuent à jouir de l’impunité, ce fait pourrait être
interprété comme un message à d’autres responsables, non pas aux
fins de décourager la perpétration de futures violations du
droit international humanitaire, mais plutôt comme incitatif à
le faire, car il suffirait que les responsables soient les
nationaux d’un Etat tiers pour que l’ensemble des dispositions
du Statut de Rome deviennent ineffectives.
Si ces violations graves des normes
impératives de droit international et si les crimes
internationaux commis par les autorités israéliennes restent
impunis, c’est tout le système de protection des droits humains
qui sera radicalement détruit et discrédité. Si ces crimes qui
ébranlent la conscience humaine et la conscience de la
communauté internationale sont impunis, les victimes n’auront
d’autre choix que d’assister à « une parodie du droit »
et à l’impuissance structurel de la Cour Pénale Internationale.
Dès lors, il y a urgence
Mireille Fanon-Mendès France
Fondation Frantz Fanon.
Membre du Bureau national de l’Union Juive Française Pour La
Paix
Publié le 6 janvier 2009
avec l'aimable autorisation d'Oumma.com
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