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Opinion
Le Yémen sur la voie
de la Tunisie ?
Mekioussa Chekir
Photo: La Tribune
Samedi 29 janvier 2011
La «révolution du Jasmin» n’en finit pas de faire des
émules dans le monde arabe : après l’Egypte qui connaît en ce
moment un tournant décisif, c’est au tour des Yéménites de
vouloir écrire leur histoire en revendiquant non seulement
l’amélioration de leurs conditions socio-économiques mais une
véritable rupture avec le système en place, incarné en la
personne de leur président en exercice depuis 32 ans, Ali
Abdallah Saleh. Des milliers de personnes ont ainsi manifesté,
jeudi dernier, à Sanaa, la capitale, à l’appel de l’opposition
pour exprimer leur volonté d’en découdre avec l’actuel régime,
ont constaté des correspondants de l’AFP sur place. Le président
tunisien «est parti après 20 ans, 30 ans au Yémen, ça
suffit !» ; «non au renouvellement du mandat, non à la
transmission héréditaire du pouvoir» ; «L’heure du changement a
sonné !», scandaient les contestataires en référence au
mouvement populaire sans précédent en Tunisie qui a fait partir,
sur la pointe des pieds, le président Zine El Abidine Ben Ali.
L’opposition s’organise
Les manifestants yéménites s’étaient rassemblés à
l’appel de la «Rencontre commune», une coalition de
l’opposition qui a organisé quatre manifestations distinctes
dans la capitale yéménite pour «disperser les forces de police»,
selon l’un des organisateurs.
La police n’est pas intervenue contre les manifestants mais le
Congrès populaire général (CPG), parti au pouvoir) a organisé
quatre meetings qui ont rassemblé des milliers de
personnes dans la capitale pour faire contrepoids aux
manifestations de l’opposition, selon la même source. Pour
empêcher l’étendue de la manifestation, le ministre de
l’Intérieur yéménite, Mtahar Rachad El Misri, avait affirmé
jeudi que «l’Etat ne tolérera pas l’anarchie et les atteintes à
la sécurité nationale… Le Yémen ne ressemble pas à la Tunisie»,
a-t-il déclaré à l’AFP, affirmant que le Yémen «est un
pays démocratique» et que les manifestations sont pacifiques. Au
moins cinq personnes ont été blessées et des dizaines d’autres
arrêtées, mercredi, à Shabwa, Nord du Yémen, par les forces
armées qui ont tenté de disperser les centaines de manifestants
qui revendiquant des réformes sociales et économiques, a indiqué
un conseiller local. Au pouvoir depuis 1978, M. Saleh a
été élu pour la première fois en 1999 au suffrage universel
direct pour un mandat de sept ans. Il a été réélu pour la
deuxième fois en 2006 pour un mandat qui arrive à expiration en
2013.
La Constitution en débat
Un projet d’amendement de la Constitution, en
discussion au Parlement malgré le refus de l’opposition,
pourrait ouvrir la voie à une présidence à vie pour l’actuel
chef de l’Etat. Ali Abdallah Saleh préside aux destinées
d’un des pays arabes les plus pauvres et l’unique république de
la péninsule arabique. L’opposition accuse en outre le président
Saleh, 68 ans, de vouloir transmettre la présidence à son fils
aîné Ahmad, chef de la garde républicaine, unité d’élite
de l’armée, à l’image de ce qui se passe en Egypte. Mais le chef
de l’Etat s’en est défendu, dans un discours télévisé dimanche
soir : «Nous sommes une république, et je suis contre la
transmission du pouvoir», a-t-il déclaré. Les manifestations de
jeudi s’inscrivent dans le cadre d’un programme de protestations
de l’opposition, à l’approche des élections législatives prévues
le 27 avril. Le CPG et les partis de l’opposition avaient
décidé d’engager le dialogue pour faire évoluer le Yémen vers un
régime parlementaire avant ces élections, rappelle l’AFP. Outre
l’imposante manifestation de jeudi dernier, les Yéménites
étaient déjà sortis dans la rue, les jours précédents, pour
dénoncer leur mal-vivre et le phénomène de l’immolation n’a pas
épargné les plus désespérés d’entre eux. Mercredi, le pays avait
connu son quatrième cas, dont un décès, lorsqu’une jeune fille
de 28 ans a tenté de mettre fin à ses jours par ce violent moyen
à Aden, dans le Sud. Le gouvernement avait annoncé, la semaine
dernière, une augmentation des salaires, une mesure
destinée à apaiser la tension sociale.
La scission menace
A noter que le vent de contestation qui gagne le Yémen
survient sur fond d’appel au retour à la scission du pays.
Première réaction de l’étranger, celle venue des Etats-Unis qui
ont déclaré «soutenir le droit des Yéménites à s’exprimer et à
se rassembler librement».
Dans une déclaration faite au moment des manifestations, le
département d’Etat a déclaré par la voix de son porte-parole,
Philip Crowley : «Nous coopérons de façon importante avec le
Yémen contre le terrorisme. Mais une partie de la solution
à l’extrémisme violent tient dans les réformes économiques
et politiques. Une dynamique est à l’œuvre dans la région.» Tout
en relevant les différences entre les pays, ce dernier a
réitéré son appel aux gouvernements arabes en vue de «trouver
les moyens de répondre» à l’attente des manifestants. La
secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton avait été, le 11
janvier, la première chef de la diplomatie de son pays à se
rendre au Yémen en 20 ans, dans le but déclaré d’aider ce pays à
faire face à El Qaïda par des réformes politiques et sociales
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