Courrier de Maxime Vivas
Cher
Régis Debray ...
Ou comment refuser un prix littéraire
Maxime Vivas
« Ils
sont trop verts, dit-il, et bon pour les goujats ».
Toulouse,
le 12 février 2008
Régis
Debray
xxxxxxxxxxxx
75006
Paris
(Courrier
de Maxime Vivas)
Cher
Régis Debray,
Mon
livre, « La face
cachée de Reporters sans frontières, de
la CIA
aux Faucons du Pentagone »
(éditions Aden) a été sélectionné pour le prix 2008 « Lire
la politique ».
Vous
présidez le jury composé de journalistes notoires de la presse
influente.
Je
vis aux portes de Toulouse, à
600 kilomètres
de Saint-Germain des Près. Il en résulte que je suis encore
bouffi d’idéalisme et de romantisme, c’est-à-dire d’une naïveté
génératrice d’une distorsion entre ma pensée provinciale et
celle de Paris. Naïveté qui étale sa laideur verdâtre dès que
j’aborde la question de la lecture de la politique. Peut-être
une léthargie de mes neurones, non vivifiés par les ondes magnétiques
germanopratines, aggrave-t-elle ma balourdise ? Toujours
est-il que, neuf fois sur dix, je rougis de penser bêtement le
contraire de ce que disent les médias. La honte sur moi !
Mais
il advient aussi que, submergé par une vague mégalomaniaque, je
me frappe le front : « C’est
moi que j’ai raison » (l’apposition brutale de la
paume de la main sur mes os crâniens suffit à me faire parler
comme au sortir de l’école de journalisme de Lille).
Dans
ces moments euphoriques, je clame : « J’suis
l’seul qui l’mérite, ce bon Gu d’prix ».
Et
d’argumenter : je contribue plus que tout autre « à
l'analyse, à la réflexion et à la valorisation du discours et
de la pensée politiques. ». Le
mot important est « pensée », dont les
antonymes, dans le cas qui nous occupe, sont psittacisme et écholalie.
Puis
vient le doute : Bourdieu n’était-il pas un âne basque avec
sa théorie sur la « circulation circulaire de l’information » ?
Aurait-il fait le poids, face à des récipiendaires antérieurs comme
Alexandre Adler (Bourdieu, indécrottable stalinien !) ou Fadela
Amara (Zi-va ! Rien à fout’ de vot’ Bourre-Dieu !) ?
Puis,
s’impose un inquiétant constat :
·
Sur
8 livres
que j'ai publiés, celui-ci est le seul (à une exception près, mais
avec troncature du titre et donc de mon argument principal) qui n'a
pas été chroniqué par l’un ou l’autre des médias qui chroniquèrent
mes précédents ouvrages.
·
C'est
le seul des
34 livres
sélectionnés qui n’a été chroniqué par aucun autre média.
·
Ce
silence prévaut donc dans les 17 médias où des journalistes participent
au choix du livre à primer.
·
Si
deux quotidiens ont évoqué le livre (en France et en Suisse) c’était
pour permettre à RSF de diffamer l'auteur dans leurs colonnes (sans
argumenter sur le contenu).
Puis
vient le sursaut d’orgueil : le
livre a été référencé sur une centaine de sites Internet
et va paraître bientôt au Venezuela. Projets pour d'autres pays
en 2008.
Las !
Ces réflexions heurtées me poussent au cri bravache : « Gardez-le
votre prix. Point n’en veux !». Je n’ai pas oublié
la mésaventure de mon quasi-voisin Marcellin Albert, porte-parole
des viticulteurs à qui Clemenceau donna 100 francs pour payer son
billet de train et qui, pour cela, faillit être pendu par ses frères
à son retour.
Cher
Régis Debray,
Dans
toute la brochette des personnalités qui vont attribuer le prix,
vous êtes celui que je respecte le plus. Pour de vrai !
Alors,
par pitié, si, lors de votre prochaine réunion, vous entendez ces
mots : « Et la gagnante
est : Michèle Cotta », souriez en pensant à mon
soulagement. Mais si (comme il serait logique) vous ouïssez :
« Et le gagnant est :
Maxime Vivas », dites à haute et intelligible voix :
« Malheureusement, il
refuse le prix. Cette année, les bouseux de Toulouse se prennent
pour Sartre ».
Pour
finir, cauchemardons. Quelqu’un vous rétorque : « Maurice
Vivace ne fait pas la loi. Un prix « Lire
la Politique
» ne se refuse pas. C’est Maurice Vivace, point barre ! ».
Dans
ce cas, je vous conjure de virer les 5500 euros qui me reviennent
sur le compte du grand reporter soudanais Sami Al-Haj
encagé et torturé depuis 2002 à Guantanamo pour avoir refusé d’espionner
son employeur pour le compte de l’US Army. Et pour rien
d’autre.
Je
vous remercie de votre aide et je vous exprime ma sympathie.
Maxime Vivas
Par virement direct. Pas via RSF, par Dieu : il faut que l’argent
lui parvienne Par
courriel du 18 février, Régis Debray, rassure l’auteur : il
« croit savoir »
que La face cachée
de Reporters sans frontières, de
la CIA
aux Faucons du Pentagone »
n’est plus en lice pour la finale. Mais il communiquera le message
au jury.
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