RSF
RSF
et les douze salopards
Maxime Vivas
Maxime Vivas
14 mars 2008
Le 12
mars 2008, le directeur de la Division de la liberté d'expression, de la
démocratie et de la paix de l'UNESCO
(organisation
de l'ONU pour l'éducation, les sciences et la culture),
a notifié en termes
diplomatiques
que l’UNESCO retirait
son patronage à
la Journée
pour la liberté sur Internet, organisée par Reporters sans
frontières.
Il s’agit
là d’un refus cinglant
de s’associer aux activités
envisagées par RSF, dont l’UNESCO
« n’a
pas eu connaissance et qu’elle ne peut reprendre à son compte »,
assorti d’une dénonciation de l’utilisation abusive
« du logo de l’UNESCO ».
RSF en tribunal de
l’inquisition.
Selon l’agence Prensa Latina citant des sources diplomatiques de
l’ONU, la conduite de RSF n’est pas conforme au positionnement
de l’UNESCO ; elle démontre son intérêt pour le sensationnalisme
et son objectif de s’ériger en tribunal de l’inquisition contre
des nations en voie de développement.
Toujours selon l’agence, des diplomates de l’ONU, qui ont
demandé à conserver l’anonymat, tiennent pour définitive la
rupture des relations avec RSF. l’UNESCO exclurait
« tout type de
collaboration dans le futur ».
Bizarrement, ont confié les diplomates, la liste noire de RSF ne
compte aucun pays occidental, mais seulement des pays du Tiers
monde.
Incroyable
partialité.
S’il fallait donner un seul exemple de l’incroyable partialité
de RSF, prenons celui-ci :
Les Etats-Unis, qui exercent un contrôle mondial sur Internet,
interdisent à Cuba de se connecter par câble. Le coût des
communications, par satellite, s’en trouve quadruplé. Ce pays
pauvre assure une intense activité de formation de tout son
peuple en informatique mais, s’agissant d’Internet, accorde une
priorité (pas une exclusivité !) aux besoins vitaux (liaisons
entre administrations, secteurs de santé, défense, éducation,
recherche…).
Cette pénurie est en grande partie la conséquence d’un blocus
des USA contre la petite île des Caraïbes, mesure condamnée
chaque année par l’ONU. Le 30 octobre 2007, 184 pays (contre 4)
ont voté pour sa levée.
Au mois d’octobre dernier, un voyagiste européen organisant des
séjours à Cuba a constaté que 80 de ses sites Internet ont cessé
de fonctionner. Ils avaient été placés dans la liste noire du
Département du Trésor (US) et son hébergeur de nom de domaine
avait dû les désactiver. L’Office of Foreign Assets (OFAC) est
un bureau de contrôle US qui peut faire clore des sites hors des
USA. Cette censure est une des mesures visant à accroître le
blocus.
Posons maintenant que le niveau de liberté des Internautes
cubains n’est pas suffisant. Ne faudrait-il pas, en le disant,
dire aussi que quiconque les muselle depuis l’extérieur est
liberticide ? RSF ne le fait pas, pas plus qu’elle ne tient
compte, pour condamner d’autres pays pauvres, de la situation
économique, politique, militaire, etc. On ne peut imposer aux
pays du tiers monde, en vrac, même à ceux qui sont ruinés, sans
infrastructures, menacés sur leurs frontières, confrontés à la
guerre civile, qu’ils usent d’Internet comme le fait la France, grande puissance,
pays riche aux frontières sûres et dotée de l’arme atomique.
L’absence de mise en perspective, la décontextualisation,
traduisent un parti pris et condamnent à l’impuissance les
partisans d’une libéralisation nécessaire, lesquels ne sont pas
tous absents des gouvernements des pays condamnés par RSF.
Le camouflet infligé par l’UNESCO n’est pas une première.
Ci-dessous, on en trouvera d’autres de différentes natures, à
imputer à des entités ou individus qui pourraient entrer dans la
catégorie des
« salopards », pour reprendre une terminologie Rsfienne
(voir plus bas) qui reproche avec élégance à l’UNESCO, sa
« lâcheté » pour
s’être « déculottée ».
Les douze salopards.
1- Carl Gershman, le premier président de la NED (qui finance RSF) avouait en 1986
«
Il serait terrible
pour les groupes démocratiques du monde entier d’être vus comme
subventionnés par la CIA [….]. C’est parce que nous
n’avons pas pu continuer à le faire que la fondation (la NED) a été créée ».
2 - Allen Weinstein, qui a travaillé à la rédaction des statuts
de la NED, déclarait en 1991 :
«
Beaucoup de ce que
nous faisons maintenant a été fait en secret par
la CIA il y a 25 ans ».
3- En 1994 Rony
Brauman, un des fondateurs de RSF dénonçait le
« climat pourri » qui règne dans l’association, notre dépendance
à l’égard de
la Commission
européenne… ». Brauman déplorait également l’autoritarisme
de Robert Ménard et la « dictature domestique qu’il fait
régner sur RSF ».
4- l’hebdomadaire
Marianne du 5/11 mars 2001 qualifie sarcastiquement de
« formidable» et de « courageux » les propos de
Ménard : Nous avons décidé de dénoncer les atteintes à la
liberté de la presse en Bosnie et au Gabon et les ambiguïtés des
médias algériens ou tunisiens…mais de ne pas nous occuper des
dérives françaises. »
5- Le 20 mai 2003,
l’ONU, a pris des sanctions sans précédent contre
Reporters sans
frontières, suspendue pour une période d'un an du Comité des
Organisations Non Gouvernementales, organe du ECOSOC chargé de
superviser le travail des ONG qui jouissent de relations
consultatives dans le domaine économique et social des Nations
unies.
6 - Le 9 juillet 2003, RSF a été condamnée par la Justice française pour
détournement de la célèbre photo du Che par Korda. Le 10 mars
2004, RSF a été à nouveau condamnée pour non respect de la
décision judiciaire.
7- En décembre 2003, RSF a été déclarée persona non grata lors
des Sommets Mondiaux sur
la Société
de l’Information (SMSI) à Genève, puis en novembre 2005 à Tunis.
Ces sommets sont organisés par l'Union internationale des
télécommunications (UIT), agence spécialisée des Nations unies.
« Je suis furieux » déclare alors Robert Ménard. Et
d’ajouter : « J'attends
que ces faux culs des Nations unies prennent leurs
responsabilités » (Agence France-Presse, 16 novembre 2005).
Au Club de la presse Suisse, il a alors traité les chefs d’Etats
visés par RSF de
« salopards ».
8- le 15 janvier 2004, la famille du cameraman espagnol José
Couso, assassiné par un tir délibéré d’un char US contre son
hôtel à Bagdad, exige que RSF se retire du dossier pour clause
de flagrante complaisance envers les tueurs. Après enquête, RSF
avait conclu que les trois militaires impliqués n’étaient pas
coupables.
9- Le 16 janvier 2007, le juge
madrilène Santiago Pedraz a émis un mandat d’arrêt international
pour l’«assassinat » de José Couso à l’encontre de trois
militaires américains acquittés par RSF.
10- le 13 avril 2006, le Figaro écrivait :
« L'économie
vénézuélienne est depuis deux ans la plus dynamique d'Amérique
latine. Le produit intérieur brut (PIB) a crû de 17,9% en
2004... », contredisant
un abrupt jugement politicien de Ménard à Miami (Nuevo
Herald, 21 janvier 2004) :
« Le gouvernement de Hugo
Chávez est un échec, une catastrophe économique de promesses non
tenues ».
11- Le 2 avril 2007, Miguel Angel
Moratinos, ministre espagnol des Affaires étrangères était en
visite à Cuba. C’est le plus haut responsable gouvernemental de
l'UE à se rendre sur l'île depuis cinq ans. L’Espagne se
moque ainsi de la proposition de Robert Ménard, rapportée par El
Nuevo Herald du 20 janvier 2004 :
« N’a-t-on pas bloqué
l’accès aux comptes que les terroristes avaient dans les banques
européennes. Pourquoi ne peut-on pas faire cela dans le cas de
Cuba ?»
12- Et l’UNESCO (voir plus haut).
Heureusement il y a
les amis.
Il reste à RSF la complicité de la quasi-totalité de la presse
française, la générosité des oligarques qui la contrôlent et de
quelques officines écrans de
la CIA ainsi que
les encouragements des Colin Powell qui, dans son rapport
« Commission for
Assistance to a free Cuba « (458 pages) remis à Bush
en mai 2004, en appelle à chaque page aux ONG et n’en cite
qu’une en exemple (dès la page 20), le bon élève : Reporters
sans frontières (associating Reporters Without Borders).
Maxime Vivas
(Une partie des informations de cet article est puisée dans mon
dernier livre : « La face
cachée de Reporters sans frontières. De
la CIA aux Faucons du Pentagone » Editions
Aden).
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