Ecologie
Nous devons
laisser deux tiers des énergies fossiles
dans le sol
Maxime
Combes
Lundi 19 novembre
2012 Publié sur
Le Monde.fr Dans son rapport annuel publié
le 12 novembre, intitulé World Energy Outlook 2012, l'Agence
internationale de l'énergie
(AIE) préconise de laisser dans
le sol plus des deux tiers des
réserves prouvées de
combustibles fossiles. L'AIE
écrit en effet que "notre
consommation, d'ici à 2050, ne
devra pas représenter plus d'un
tiers des réserves prouvées de
combustibles fossiles" afin de
ne pas dépasser les 2°C de
réchauffement global maximal
d'ici la fin du siècle. Rien
d'extraordinaire pour autant.
Ces résultats sont bien connus. Dans une étude de 2009, le
Potsdam Institute for Climate
Impact Research démontrait qu'il
ne fallait pas émettre plus de
565 gigatonnes de CO2 ou
équivalents CO2 d'ici à 2050
pour avoir quatre chances sur
cinq de ne pas dépasser la barre
fatidique des 2°C. Or, la
combustion de toutes les
réserves prouvées de pétrole,
charbon et gaz de la planète
engendrerait 2 795 gigatonnes de
CO2, soit cinq fois plus. Dit
autrement, selon ces données, 80
% des réserves d'énergies
fossiles actuelles ne doivent
pas être extraites et consommées
si l'on veut respecter les
objectifs de stabilisation du
climat fixés par la communauté
internationale. Soit la majorité
des réserves conjointes de
pétrole, de gaz et de charbon. En reprenant peu ou prou ces
données à son compte, l'AIE
confirme donc que l'humanité
fait face à un trop-plein
d'énergies fossiles d'ici 2050
et non à une pénurie. A moins
d'être climato-sceptique ou
complètement insensé, il y
aurait donc aujourd'hui trop de
pétrole, de gaz et de charbon.
Pour être tout à fait exact,
l'AIE suspend cette conclusion à
la possibilité "d'un déploiement
à grande échelle de la
technologie de captage et de
stockage du carbone (CSC)".
Comme ces techniques sont à ce
jour non maîtrisées, peu
fiables, et incapables de
s'occuper de l'essentiel des
émissions de CO2 liées aux
transports, au bâti et aux
petites unités de production
industrielle, etc., il est
raisonnable de les écarter,
comme le font la majorité des
experts du climat. En poursuivant le raisonnement
de l'AIE, il n'y aurait donc
aucune raison de poursuivre les
explorations et forages pour
extraire du pétrole, du gaz ou
du charbon toujours plus loin,
toujours plus profond.
Extrêmement coûteuses et
dangereuses, les explorations
d'hydrocarbures non
conventionnels, comme les gaz et
pétrole de schiste, ne sont donc
pas compatibles avec les
objectifs climatiques. La
communauté internationale et les
pays membres de l'ONU seraient
donc bien avisés de déclarer un
moratoire général sur toute
nouvelle exploration
d'hydrocarbures. Une telle
décision libérerait les
financements nécessaires à la
transition écologique des
modèles de production et de
consommation. Des politiques de
sobriété et d'efficacité
énergétiques pourraient voir le
jour, et les énergies
renouvelables, plutôt que
s'additionner aux énergies
fossiles et fissiles, pourraient
s'y substituer. Laisser les énergies fossiles
dans le sol, voilà qui serait
une belle feuille de route pour
le débat que veut ouvrir
François Hollande sur la
transition énergétique. Et
l'objectif que devraient porter
la France et l'Union européenne
lors de la prochaine conférence
sur le climat de Doha (Qatar). Maxime Combes, économiste,
membre de l'Aitec et d'Attac
France L'Aitec est l'Association
internationale de techniciens,
experts et chercheurs.
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