Opinion
Gaz de schiste: 3
permis abrogés, il en reste 61!
Maxime Combes
Lundi 3 octobre
2011
Le gouvernement français
vient d'annoncer avoir saisi
« le Conseil général de l'industrie, de
l'énergie et des technologies (CGIET) en
vue de l'abrogation des trois permis
suivants : Nant (détenu par la société
Schuepbach), Villeneuve-de-Berg (Schuepbach)
et Montélimar (groupe Total) », effaçant
ainsi la signature de Jean-Louis Borloo
par laquelle ces permis avaient été
attribués en mars 2010 dans l'opacité la
plus totale.
C'est
d'abord une victoire pour tous ceux qui
se sont évertués à dévoiler l'ensemble
des risques environnementaux, sanitaires
et économiques que comporte l'extraction
des gaz et huiles de schiste.
En moins de 9 mois, des
milliers de réunions publiques, tracts,
panneaux d'information, communiqués,
groupes Facebook etc. ont été les
supports d'un véritable mouvement
d'éducation populaire et citoyen,
se réappropriant un sujet jusqu'ici
confisqué. L'abrogation des trois permis
résulte de ce rapport de force construit
dans la société.
C'est
ensuite un désaveu cinglant pour tous
ceux qui ont affirmé que l'exploitation
des gaz et huiles de schiste ne posaient
pas de problèmes spécifiques. Ou bien
qu'il était possible d'exploiter « à
la française » sans engendrer
les mêmes conséquences qu'aux
Etats-Unis. Rappelons-nous qu'au
printemps dernier, ministres et
gouvernement ont été tentés par ce
discours imprudent soufflé
par les industriels pour « ne pas
fermer définitivement la porte au gaz de
schiste ». La porte vient de
leur claquer sur les doigts.
C'est
aussi un véritable camouflet infligé à
l'administration du ministère de
l'énergie. Lui demandant d'abroger des
permis qu'elle a étudiés, validés et
soutenus, le gouvernement démontre par
l'absurde que quelques
hauts-fonctionnaires du corps des mines
ne doivent plus avoir la main sur la
politique énergétique française. Et qu'à
l'inverse, nous sommes collectivement en
capacité de déterminer quelles doivent
en être les grandes orientations.
C'est
enfin l'occasion d'interpeller le
gouvernement et sa ministre de
l'Environnement :
- 61 autres « permis exclusifs
de recherches de mines
d'hydrocarbures liquides ou gazeux »
restent valides ; comme le montrent
les dossiers de demande, nombre
d'entre eux font appel à la
fracturation hydraulique ; ainsi en
est-il des permis du bassin parisien
visant l'exploration et
l'exploitation d'huiles de schiste ;
le communiqué du gouvernement
précise que les détenteurs de ces 61
permis « n'ont pas prévu de
rechercher des gaz et huiles de
schiste ou y ont renoncé » et
ont pris « l'engagement formel de
ne pas recourir à la fracturation
hydraulique » ; qu'attend-donc
le gouvernement pour abroger des
permis dont les détenteurs se
contredisent entre leur dossier de
demande et le rapport qu'ils
viennent de transmettre à
l'administration suite au vote de la
loi du 13 juillet 2011 ?
- si la fracturation hydraulique
est dangereuse et interdite en
France, pourquoi ne le serait-elle
pas en Europe ? Quelle est la
cohérence politique d'un président
de la République dont le
gouvernement abroge trois permis en
France et
promet à la Pologne de ne
pas « lui créer de difficultés
sur les gaz de schiste » ? A
quand un projet de directive
européenne soutenue par le
gouvernement français pour interdire
la fracturation hydraulique en
Europe ?
- le permis attribué à Total ayant
été abrogé, pourquoi cette
compagnie, dont le siège est situé
en France, pourrait-elle poursuivre
ses explorations et extractions de
gaz de schiste dans d'autres coins
de la planète, en
Pologne, en
Argentine et aux Etats-Unis
ou encore en
Chine ? Si la
fracturation hydraulique est nocive
ici,
ne l'est-elle pas ailleurs
?
Première
victoire, l'abrogation de ces trois
permis en appelle d'autres.
Oeuvrant
pour faire de l'énergie un bien commun
de l'humanité, un mouvement pour une
véritable transition énergétique s'est
constitué en France.
Il n'est
pas prêt de s'arrêter.
Laisser
le gaz et le pétrole dans le sol, voilà
une idée à creuser.
Ici et ailleurs.
Publié sur Médiapart
Maxime
Combes, membre d'Attac
France et de l'Aitec,
et engagé dans le projet Echo des
Alternatives
(www.alter-echos.org).
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