RIA Novosti
Proche-Orient:
le retour en 1967 impossible
Marianna Belenkaïa
Photo RIA Novosti
6 juin 2007
Le 5 juin dernier a marqué les quarante ans du début de la
guerre arabo-israélienne de 1967, connue comme la Guerre des Six
jours. Cet anniversaire est l'occasion d'analyser les répercussions
de cette guerre sur la situation actuelle au Proche-Orient. En
effet, tous les problèmes de la région, qu'il s'agisse des réfugiés
palestiniens, des territoires occupés ou de l'islamisme radical
plongent leurs racines dans l'année 1967.
Au milieu des années 60, tant les Arabes qu'Israël se préparaient
à une guerre, estimant sans doute qu'elle seule pourrait trancher
le noeud gordien d'innombrables problèmes et contradictions de la
région. Rappelons qu'en 1947, l'Assemblée Générale de l'ONU
avait approuvé le plan de partage de la Palestine, alors
territoire sous mandat britannique, en deux États, l'un juif,
l'autre arabe. Les Juifs ont exercé leur droit, alors que les
Palestiniens ne l'ont pas fait et ce, pour beaucoup par la faute
des pays arabes. Les territoires palestiniens sont provisoirement
passés sous la juridiction de l'Egypte et de la Jordanie.
Les nationalistes et radicaux arabes ne voulaient guère
reconnaître à Israël le droit d'exister. De leur côté, les
Israéliens espéraient pouvoir obliger les Arabes à changer
d'attitude, en portant un coup préventif et en remportant une
victoire militaire. Par ailleurs, l'avantage stratégique était
évident, car l'occupation de territoires arabes augmentait la
profondeur du territoire contrôlé par Israël.
Quoi qu'il en soit, nul ne contestera aujourd'hui qu'aucune
solution militaire n'est en mesure de mettre fin au conflit
arabo-israélien.
Le processus de paix au Proche-Orient tourne autour de la
restitution par les Israéliens des territoires occupés, de la création
d'un Etat palestinien indépendant et de la reconnaissance par les
pays arabes du droit d'Israël à l'existence, droit assorti de
garanties de sécurité pour l'Etat hébreu. Toutes les négociations
se focalisent invariablement sur la question des frontières
d'avant le 5 juin 1967. Mais le problème est que la carte du
Proche-Orient a changé depuis, et en premier lieu politiquement.
Au cours de la guerre de juin 67, Israël a occupé les
territoires qui se trouvaient sous la juridiction de la Jordanie,
de l'Egypte et de la Syrie. A ce jour, les Israéliens ont signé
des accords de paix avec les Jordaniens et les Egyptiens, alors
qu'aucune avancée dans ce sens ne s'annonce toujours sur le volet
syrien. Mais le problème de la restitution des territoires occupés
ne se limite pas aux négociations avec Damas. Une nouvelle entité
politique - l'Autorité palestinienne - est venue remplacer dans
la discussion la Jordanie et l'Egypte. Qui plus est, la partie des
territoires que les cartographes de l'ONU avaient autrefois affectée
à la Syrie est désormais revendiquée par le Liban.
Pourtant, le problème ne se limite pas à la seule question
territoriale, bien que celle-ci soit extrêmement compliquée. Le
radicalisme islamique, les problèmes de la résistance
palestinienne et l'actuelle situation très embrouillée au Liban,
tout cela est le résultat, dans différentes mesures, de la
guerre de 1967.
"Tant il y a quarante ans qu'aujourd'hui, l'absence
d'avancées politiques effectives est la cause première de
nouvelles guerres et de nouveaux conflits, cette absence de progrès
crée aussi des conditions propices aux agissements des forces
extrémistes", a indiqué à RIA Novosti Valentin Iourtchenko,
expert à l'Institut du Proche-Orient (Russie).
Par ailleurs, a rappelé l'expert, la guerre a largement
contribué à l'essor de la Résistance palestinienne qui est
devenue, à la charnière des années 1960 et 1970, l'un des
facteurs clés déterminant la confrontation arabo-israélienne.
Depuis lors, les Palestiniens se sont mis à ambitionner avec de
plus en plus de persévérance un rôle indépendant dans le
conflit. Néanmoins, il n'était même pas question, à l'époque,
d'un Etat palestinien indépendant, et cette absence de toute
perspective a eu pour effet que les extrémistes politiques ont
pris pour longtemps le dessus au sein de la Résistance
palestinienne. La terreur est devenue leur arme principale.
Comme l'a fait remarquer l'expert, la débâcle humiliante dans
la guerre de 1967 a sérieusement atteint la foi des populations
dans les idées du nationalisme arabe, de l'unité arabe et du
socialisme arabe. Aussi les gens se sont-ils tournés vers les
mosquées. "La guerre a donné la première impulsion
puissante à l'intensification de l'islam politique, y compris à
ses manifestations extrémistes", a souligné Valentin
Iourtchenko.
Tout cela a compliqué encore plus la situation. Comme l'ont démontré
les événements ultérieurs, Israël a réussi à trouver un
compromis avec certains Etats arabes, mais n'y est jamais arrivé
avec la "rue arabe", contaminée par les idées
radicales.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître dans ce contexte,
ainsi que compte tenu de tous les conflits arabo-israéliens ultérieurs,
les experts supposent que c'est justement à la suite de la Guerre
des Six jours qu'une impulsion a été donnée à la recherche de
moyens politiques de normaliser les relations arabo-israéliennes.
"C'est justement après la débâcle foudroyante de juin
1967 que les Etats arabes ont dû, malgré eux, accepter de fait
l'existence d'Israël. Il est devenu parfaitement évident qu'il
serait impossible de "le rejeter à la mer" (ou, comme
on dit aujourd'hui, en citant le président iranien, "de le
rayer de la carte")", a noté l'expert.
Il va sans dire qu'on n'en parlait pas à l'époque au niveau
officiel, ni d'autant plus dans les médias arabes. Cependant,
dans tous les conflits armés qui ont suivi, les Arabes ne
s'assignaient plus pour objectif d'anéantir Israël, mais
cherchaient seulement à faire pression sur l'Etat hébreu afin de
le pousser à un accord qui les arrange, et pour récupérer ce
qui avait été perdu en 1967. Qui plus est, le conflit avec Israël
restait pour bien des leaders arabes un moyen de manipuler la
situation politique intérieure dans leurs propres pays. Et là
encore on trouve les origines des problèmes d'aujourd'hui,
quarante années de mensonge ont formé une nouvelle génération
de la haine.
La voie de la paix dans la région s'est en fait avérée très
longue et difficile. L'Egypte a été la première à se décider
à conclure un accord de paix avec Israël, ce qui a été qualifié
d'entente séparée par d'autres pays arabes. Dès 1991, des négociations
arabo-israéliennes multilatérales se sont engagées, mais seules
les négociations bilatérales ont abouti. Ainsi, en 1994, Israël
a signé la paix avec la Jordanie, un an après l'avoir fait avec
les Palestiniens.
La mise en application des accords de paix israélo-palestiniens
est finalement restée lettre morte. Pire, parallèlement au volet
palestinien, tout le processus de paix au Proche-Orient s'est
retrouvé dans l'impasse. A signaler que la question palestinienne
reste toujours un détonateur pour l'ensemble des forces extrémistes
non seulement dans le monde arabe, mais aussi dans le monde
islamique dans son ensemble.
Il a fallu une quarantaine d'années à la plupart des
dirigeants arabes pour se déclarer ouvertement prêts à la paix
avec Israël à condition qu'on revienne aux frontières de 1967
et qu'on règle le problème des réfugiés.
Faudra-t-il donc qu'encore quarante ans passent pour que la vérité
soit dite: le retour en 1967 n'est plus possible?
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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