|
RIA Novosti
Israël: le futur dans le passé ?
Maria Appakova
Photo RIA Novosti
30 octobre 2008
Le coup d'envoi a été donné à la campagne électorale en
Israël, alors que Tzipi Livni, nouveau leader du parti au
pouvoir, n'a pu former une coalition gouvernementale. Il ne
reste qu'à fixer la date des élections anticipées.
Mais ce n'est là qu'une question d'ordre technique: une
semaine plus tôt ou plus tard, cela n'a pas d'importance.
L'important est ailleurs: le règlement de tous les problèmes
fondamentaux, y compris la poursuite des négociations avec les
Palestiniens et les Syriens, est reporté à des temps meilleurs.
Le rêve du président américain George W. Bush de réconcilier
Israéliens et Palestiniens avant la fin de son mandat
présidentiel ne s'est pas réalisé. Son successeur aura peut-être
plus de chances dans sa quête des lauriers de "faiseur de paix".
Un nouveau maître de la Maison Blanche aux Etats-Unis, une
nouvelle Knesset et un nouveau premier ministre en Israël: le
moment est, semble-t-il, on ne peut plus propice à une
intensification du processus de paix. Mais est-ce que les
élections en Israël pourront effectivement changer radicalement
la situation dans la région?
Les élections législatives anticipées sont loin d'être une
chose rare en Israël. Depuis 1988, la Knesset n'a plus réussi à
aller au bout de son mandat de quatre ans. Les chassés-croisés
gouvernementaux dans l'Etat hébreu sont d'ailleurs encore plus
fréquents.
Mais cela n'apporte pas toujours des changements radicaux
aussi bien dans les affaires intérieures d'Israël que dans ses
rapports avec le monde qui l'entoure, avant tout avec ses
voisins arabes. Les prochaines élections mettront en évidence
cette tendance d'une manière particulière. La modification du
nombre de sièges de tel ou tel parti à la Knesset ne changera en
rien la situation, et si l'on parvient à mettre en place une
coalition, elle ne sera probablement pas stable. Et si tel ou
tel gouvernement réussit toutefois à se maintenir, cela n'aura
lieu qu'au prix d'un renoncement à toute décision pouvant
susciter d'âpres débats.
Les paramètres des accords de paix figurent parmi ces
problèmes "névralgiques". Rares ont été les premiers ministres
israéliens à avoir réussi à arriver à leurs fins en manoeuvrant
habilement entre les différents blocs politiques. Ariel Sharon
était à ce titre une exception. On dit que le rôle de leader
charismatique pourrait également être joué par Tzipi Livni,
ministre des Affaires étrangères dans le dernier gouvernement
israélien, et nouveau leader du parti Kadima au pouvoir. Mais,
pour cela, elle doit remporter les élections et essayer à
nouveau de former un gouvernement. Sa première tentative en ce
sens a échoué en raison des exigences démesurées du parti Shass
en matière d'amendement du budget.
Le rapport des forces à la nouvelle Knesset sera-t-il à
l'avantage de Tzipi Livni? D'après les sondages, il est peu
probable que le parti Kadima parvienne à devancer
considérablement son rival le Likoud, parti dirigé par Benjamin
Netanyahu. Par conséquent, on ne sait pas encore qui pourra
former le gouvernement. Mais, même en cas de réussite, Tzipi
Livni n'a pas beaucoup de choix: Avoda, son allié potentiel le
plus proche, parti dont les points de vue sur le processus de
paix sont les plus semblables, devrait perdre un grand nombre de
sièges à la Knesset. Hélas, le sort des négociations dépendra à
nouveau de petits partis, dont les appétits budgétaires ne
changeront probablement pas beaucoup. Bien plus, de nombreux
partis de ce genre ne semblent pas du tout prêts à faire des
compromis, et leurs points de vue se rapprochent plus de ceux de
Benjamin Netanyahu.
Le leader du Likoud s'est déjà lancé dans la campagne
électorale en exposant à la Knesset sa vision du processus de
paix. M. Netanyahu dit aspirer à la paix aussi bien avec les
Palestiniens qu'avec les Syriens, mais il juge impossible de
restituer les hauteurs du Golan à la Syrie et la plus grande
partie de la Cisjordanie à la Palestine, sans parler du partage
de Jérusalem. En fait, cela signifie la fin du processus de
négociations actuel et l'anéantissement de tout ce qui a été
fait par le précédent premier ministre Ehud Olmert, avec Tzipi
Livni, qui a participé à tous les pourparlers avec les
Palestiniens. L'examen des détails du processus de paix a déjà
atteint la ligne rouge que Benjamin Netanyahu promet pourtant à
ses électeurs de ne pas franchir. Cela revient à perdre encore
quelques années.
En ce qui concerne le dossier syrien, il n'y aura rien à
débattre si le sort des hauteurs du Golan est exclu de l'ordre
du jour, bien que, semblait-il, ces négociations aient
dernièrement bougé du point mort pour la première fois depuis
huit ans. D'ailleurs, Benjamin Netanyahu n'est pas un exemple de
fermeté. Il a déjà connu l'expérience de la signature d'accords
avec les Palestiniens à l'époque où il était premier ministre
(1996-1999). Bref, en cas de victoire du Likoud, le processus de
paix ne devrait pas être entièrement gelé. Mais il pourrait
revenir quelques années en arrière, reproduire le chemin
récemment parcouru, pour en arriver finalement au même point
qu'aujourd'hui: ou bien les décisions radicales et les compromis
douloureux, ou bien, au mieux, un piétinement et, au pire, une
nouvelle aggravation de la situation en matière de sécurité.
Les Israéliens se trouvent enfermés dans un cercle vicieux:
des dirigeants prêts à tels ou tels compromis, mais n'ayant
aucune chance de faire adopter leurs promesses par la Knesset
sont remplacés par d'autres, plus réservés au cours des
négociations, mais qui, en fin de compte, cédant à la pression
des circonstances ou des Etats-Unis (le plus souvent), en
arrivent à la nécessité de rechercher des compromis. Le nouveau
leader israélien parviendra-t-il à rompre ce cercle vicieux?
Personne ne le sait vraiment.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2008 RIA
Novosti
Publié le 31 octobre 2008
|