RIA Novosti
Moscou
dans la course effrénée pour le marché libyen
Maria Appakova
Photo RIA Novosti
27 décembre 2007
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a
terminé ses négociations en Libye dans le cadre de la préparation
de la visite de Vladimir Poutine dans ce pays. Le voyage du
ministre a eu lieu au plus fort de l'activité internationale de
Tripoli en Occident. Deux visites historiques (pour la première
fois depuis plus de trente ans) effectuées par le leader libyen
Mouammar Kadhafi en Europe (en Espagne et en France, à la mi-décembre)
promettent à ces pays des contrats de 15 milliards de dollars à
chacun. La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice est
attendue à Tripoli en janvier. Quelle est la place de la Russie
dans cette lutte pour le marché libyen?
La Libye, qui possède de grandes réserves de pétrole et de
gaz et qui a engagé des réformes économiques, est un pays très
prometteur en matière de coopération. Les pays occidentaux sont
en train de rattraper énergiquement ce qu'ils ont perdu pendant
le blocus international.
Rappelons qu'en 1999 le Conseil de sécurité de l'ONU a
suspendu les sanctions contre la Libye. En 2004, les Etats-Unis
ont levé leur embargo économique imposé au pays. En 2006, ils
l'ont rayé de la liste des pays qui soutiennent l'activité
terroriste. Il en a résulté que le chiffre d'affaires des échanges
commerciaux américano-libyens, bien que les Etats-Unis ne
figurent pas parmi les cinq principaux partenaires économiques de
la Libye, dépasse 2 milliards de dollars par an et ne cesse de
s'accroître. En 2002, cet indice ne constituait que 18,3 millions
de dollars. Citons, à titre de comparaison, que la même année
le chiffre d'affaires des échanges commerciaux entre la Russie et
la Libye était de 24,6 millions de dollars. En 2006, celui de
l'Amérique était d'environ 130 millions de dollars. Dans ce
contexte, on comprend l'importance de la visite de Sergueï Lavrov
à Tripoli, d'autant qu'elle avait également pour but de préparer
le sommet russo-libyen.
L'histoire des deux pays n'a pas connu de sommets depuis
longtemps. Mouammar Kadhafi s'est rendu la dernière fois à
Moscou en 1985. En 2000, après l'élection de Vladimir Poutine à
la présidence et peu après la levée des sanctions
internationales contre ce pays, la Russie et la Libye ont échangé
des invitations. Mouammar Kadhafi était attendu à Moscou,
Vladimir Poutine, à Tripoli. Leurs visites n'ont pas eu lieu.
Mais il reste encore un peu de temps avant l'achèvement du mandat
présidentiel de Vladimir Poutine, par conséquent, il est
"attendu avec impatience en Libye".
Sergueï Lavrov s'est entretenu à Tripoli avec son homologue
libyen Abdelrahman Chalgham et le secrétaire du Comité populaire
général (premier ministre) Baghdadi Mahmoudi. Le ministre russe
a été reçu par Mouammar Kadhafi. La coopération économique a
été le principal sujet de toutes les négociations.
Selon Sergueï Lavrov, la Russie et la Libye possèdent un
important potentiel de coopération, en particulier dans le
secteur énergétique, les transports, la construction de
logements et l'infrastructure ferroviaire.
"Toute une série de contrats ont déjà été signés. Il
y en aura d'autres. Tout cela complète le travail effectué par
les gouvernements des deux pays en vue d'élaborer des accords
visant, entre autres, à éviter une double imposition et
concernant la coopération technico-militaire. Bref, ce potentiel
implique l'attention soutenue des deux parties", a indiqué
Sergueï Lavrov.
Effectivement, les possibilités de coopération bilatérale
sont assez vastes. Ce n'est pas par hasard si un Conseil
d'affaires russo-libyen a été fondé en avril dernier et si le
forum "Possibilités d'exportation de la Russie" s'est
tenu par la suite en Libye. A l'époque de l'URSS, le chiffre
d'affaires de la coopération commerciale et économique avec la
Libye constituait environ un milliard de dollars. A cette époque,
le Centre de recherches nucléaires Tadjoura et un gazoduc long de
570 km ont été construits grâce à l'assistance de Moscou, 130
puits de pétrole ont été forés, des schémas de développement
de l'industrie gazière, des constructions mécaniques et des réseaux
de lignes HT ont été élaborés. Cependant, les sanctions prises
à l'égard de la Libye et la désintégration de l'Union Soviétique
ont provoqué la cessation de cette coopération.
En 2001, la Libye a reçu pour la première fois dans
l'histoire un ministre russe des Affaires étrangères (Igor
Ivanov). La cinquième réunion de la Commission
intergouvernementale pour la coopération commerciale, économique,
scientifique et technique s'est tenue cette même année.
L'important potentiel qui existe dans les rapports bilatéraux a déjà
été mis en évidence, des projets prometteurs ont été cités:
entre autres, un contrat portant sur la constitution du dossier
d'opportunité de la création du satellite polyvalent Libsat,
l'achat de matériel aéronautique et d'automobiles de fabrication
russe, la participation à la construction de centrales
thermiques, la coopération dans le secteur pétrogazier, etc.
Cependant, la réalisation de ces projets avance très lentement,
certains d'entre eux sont toujours considérés comme des projets
à long terme. Selon les experts, la coopération est également
entravée par les barrières bureaucratiques existant en Russie et
la lenteur des compagnies russes à la différence de celles de
l'Occident. Le problème du règlement de la dette de Tripoli
envers Moscou reste en suspens. Selon les estimations russes, elle
s'élève à 4,6 milliards de dollars.
Il n'est pas exclu qu'après la fondation du Conseil d'affaires
russo-libyen et la visite de Sergueï Lavrov, le règlement de ces
problèmes s'accélérera. Le ministre russe des Affaires étrangères
a exprimé l'espoir que le problème de la dette serait réglé,
car il s'agit de la principale question de la préparation du
sommet Poutine-Kadhafi. De nouveaux contrats ont été signés
dans le cadre de la visite de Sergueï Lavrov.
Plusieurs compagnies russes se sont déjà implantées sur le
marché libyen. Gazprom et Tatneft ont commencé à mettre en
valeur des gisements tandis que d'autres compagnies participent
activement aux appels d'offres. La coopération entre Moscou et
Tripoli dans le secteur pétrogazier est si attrayante que la récente
arrestation d'Alexandre Tsygankov, représentant de Lukoil
Overseas, accusé par les autorités libyennes d'espionnage
industriel, n'a pas dissuadé les Russes. Moscou n'y a vu qu'un
malentendu et les autorités libyennes ont assuré à Sergueï
Lavrov qu'Alexandre Tsygankov serait prochainement libéré.
Le nucléaire civil est un autre domaine prometteur. La Russie
promet d'aider la Libye à faire valoir son droit inaliénable de
s'initier aux bienfaits du nucléaire civil. En 2004, après l'arrêt
du programme nucléaire militaire libyen, l'uranium hautement
enrichi du Centre de recherches nucléaires Tadjoura a été
transféré en Russie. Pour assurer le fonctionnement du réacteur
expérimental, la Russie a fourni de l'uranium faiblement enrichi
à la Libye. Un intense dialogue est mené sur la coopération
technico-militaire. Ce n'est pas par hasard si Rosoboronexport
(agence d'exportation d'armes russes) a récemment déclaré que
la compagnie rattachait ses principales perspectives au
Proche-Orient et en Afrique du Nord à deux pays de la région:
l'Arabie Saoudite et la Libye.
Certes, on ne peut espérer que la Russie figure parmi les
principaux partenaires commerciaux et économiques de la Libye.
Elle ne l'était même pas à l'époque de l'URSS. Mais il est
parfaitement possible de revenir au niveau de coopération de l'époque
soviétique.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA
Novosti
Publié le 28 décembre 2007
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