La Plume à
gratter
Cantat en
Une des Inrocks : quand la gauche
branchée sert la soupe à un assassin
pour vendre du papier
Marc
Leroy
Vendredi 25 octobre 2013
Les salopards et les journalistes de
gôche, ça ose tout, c’est même à ça
qu’on les reconnaît ! Et on a beau
s’attendre à tout avec ces sempiternels
donneurs de leçons d’une morale qu’ils
se gardent bien évidemment et en toutes
circonstances de s’appliquer à
eux-mêmes, on est sûr avec de tels
gaillards de ne jamais être déçu.
Si le journal de la bande à Bonnaud
(1) nous avait et depuis des années déjà
habitué en maintes occasions au pire, il
franchit donc aujourd’hui une nouvelle
marche, pour cette fois plonger dans
l’abjection. Le journal hyper-branchouille
de la gauche parisienne a en effet
choisi de consacrer cette semaine sa
une et pléthore de ses pages à un
Bertrand Cantat qui se lance justement
en ce moment (quel heureux hasard !)
dans la promo de son tout dernier album,
promo d’ailleurs déjà relayée
abondamment par tous les médias
audiovisuels de France. Mais cela ne
suffisait apparemment pas à faire le
buzz, et il fallait donc frapper plus
fort.
C’est donc là que Les Inrocks
arrivent à la rescousse : un numéro
spécial Cantat, avec en une cette
photo pleine page de l’impétrant, genre
poète maudit, mal rasé, fort
soigneusement décoiffé, affichant une
expression mi-sourire mi-tristesse
(parce que faut quand même pas exagérer
non plus, il est tout de même très, très
malheureux, hein ?), une entrevue
fleuve, et évidemment le scoop des
scoops, des déclarations « exclusives »
au sujet de la mort (évitons
les mots qui fâchent) de Marie
Trintignant.
Cantat dans les Inrocks :
moitié-Rimbaud (de très loin), moitié-Caliméro
(de très près)
Lorsque l’on s’oblige à la lire, que
trouve-t-on dans cette entrevue ? Sur
des lignes et des lignes d’une lecture
on ne peut plus pénible, l’ex chanteur
de Noir Désir ne fait en réalité
que s’apitoyer sur lui-même, poète
maudit à la destinée lumineuse
assassinée, nous servant une logorrhée
pleurnicharde totalement égocentrée
d’une indécence sans doute rarement
atteinte. Morceaux choisis :
« Je ne suis pas dans le déni de
ce qui s’est passé, je sais que j’ai
commis l’irréparable… Je n’ai
jamais fui ma responsabilité. Sauf
peut-être en cherchant à mourir » (tout
premier épisode du suicide avorté, et il
y en aura d’autres)… « Je n’ai rien
compris à ce qui s’est passé dans
l’action. C’est la pire des
culpabilités. Après avoir accompagné
Marie à l’hôpital (savoureuse
présentation des faits, quand on sait
qu’il a bien laissé après l’avoir rouée
de coups Marie Trintignant agoniser
durant des heures sans même chercher à
la secourir), j’ai été viré et je
suis revenu à l’appartement. Pour me
flinguer. J’ai préparé mon suicide : en
faisant couler un bain, en y préparant
des lames de rasoir pour m’y trancher
les veines et en prenant des médicaments
pour m’abrutir » (suicide deuxième
édition ! Admirez le soin du détail, la
précision toute en pudeur de la
narration ! Tout est minutieusement
préparé, et puis… pfuittt ! Pas de
suicide)… Et ça continue :
« Je rêvais d’exploser pour qu’on me
fiche la paix, qu’on me laisse avec la
souffrance. J’étais désespéré par la
disparition de Marie, par ma
responsabilité… Rien ne pouvait
me soulager (suicide troisième
épisode, et toujours rien de concret… La
maladresse, sans doute ?)… Et
quand c’est fini, ça recommence : « En
prison, je tiens grâce à l’amour que je
reçois de l’extérieur. Sans les enfants,
sans cette responsabilité, je me serais
suicidé en prison (et de quatre !)…
J’aurais été bien plus tranquille si
on m’avait laissé le faire (une
fois qu’on est lancé, pourquoi s’arrêter
en chemin… Et de cinq !)… Je pétais
les plombs, je hurlais que je voulais
rejoindre Marie, je ne vivais que dans
la douleur, le vertige…. Je n’ai jamais
pu faire le travail de deuil, je n’en
avais pas le droit… Je n’ai
jamais cherché à fuir ma responsabilité.
Sauf peut-être en cherchant à mourir »
(et de six ! Mais quand Cantat
« cherche », il ne trouve pas : n’est
pas Picasso qui veut)… Evoquant enfin le
soutien de ses proches : « le vrai
cadeau ça aurait été de vouloir me
laisser partir (mourir quoi. Tout
devient clair : ce sont ses proches qui
ont empêché l’irréparable -enfin pour
lui, parce que pour Marie… et de
sept !). Mais je ne peux pas leur en
vouloir de m’avoir accompagné »
(Sic ! Il a sacrifié son suicide pour
eux, mais il ne leur en veut pas…trop
généreux Cantat, vraiment !)
Oui je sais, comme à moi sans doute,
cette lecture vous aura été
particulièrement fastidieuse. Mais ne
vous plaignez pas, vous n’avez eu à lire
que quelques extraits, vous ! Et désolé
chers lecteurs car il en reste tout de
même encore un peu pour la route. La
cerise sur le gâteau, en quelque sorte.
Accrochez-vous, car non content d’être
particulièrement maladroit ou
malchanceux dans sa volonté profonde
d’en finir (en fait, ne serait-ce pas
tout simplement un énorme problème de
burnes et/ou de sincérité, Bertrand ?),
le bougre est très, très en colère, et
même scandalisé par le
« parti-pris anti-lui » des médias à
l’époque de l’assassinat de Marie
Trintignant. Je cite encore : « Un
certain détachement ? Qui peut oser dire
une chose pareille ? Pour essayer de
faire croire quoi ? J’étais anéanti de
douleur en pensant à elle, mais aussi à
ses enfants, ses proches. Je n’ai jamais
voulu une chose pareille, il n’y a pas
de mots pour dire ce que je ressentais.
C’est ignoble, malhonnête. …
Dès la première seconde, j’ai été
dépossédé de l’histoire (sic… Marie
Trintignant a -elle- été dépossédée de
sa vie. Evidemment c’est beaucoup moins
grave… pour Bertrand Cantat). Ma
vision, mon témoignage n’ont pas eu
droit de cité (ceux de Marie non
plus, d’’ailleurs). J’ai su très
vite que je ne pourrais pas m’expliquer
(parce tuer une femme à coups de poings
et la laisser crever à même le sol
pendant des heures, ça s’explique ?).
Mes remords, ma souffrance, ma
sensibilité, ça ne marchait pas dans
cette histoire (ah, ça faut
reconnaître que ça marche effectivement
assez mal !). Je suis alors devenu
une caricature… Il fallait que
je sois condamné le plus lourdement
possible et qu’en sortant, je n’aie plus
la moindre chance d’exister »
(rappelons que Cantat a été condamné à
huit ans de prison pour ce meurtre, et
qu’il est sorti après avoir purgé
seulement la moitié de cette peine.
Comme condamnation la plus lourde
possible, on a déjà fait mieux).
Evoquant enfin le suicide de son
épouse (et mère de ses deux enfants)
Kristina Rady en 2010, pour lequel il a
été mis en cause par certains membres de
la famille, Bertrand Cantat déclare
encore : « les raccourcis et les
accusations délirantes me concernant
sont inacceptables…c’est
affreux, abject d’être devenu le symbole
de la violence contre les femmes ».
C’est en effet vraiment trop injuste,
Caliméro, mais force est de le
reconnaître : où Bertrand passe, les
femmes trépassent…
Ces jérémiades suicidaires sans cesse
non suivies d’effet de Bertrand Cantat
m’ont fait irrésistiblement penser
à l’un des dialogues du film Les
Malheurs d’Alfred du délicieux
Pierre Richard. Dans ce film, un
présentateur cynique et veule (un
mélange de Michel Drucker, Patrick
Sabatier et Cyril Hanouna, si vous voyez
le genre) incarné par le très regretté
Pierre Mondy, essaie de reconquérir la
speakerine qu’il a odieusement trahi et
qui de chagrin a tenté de se suicider
(Annie Duperey). Alors que pour la
ramener dans son lit il mène de front
une discussion avec cette dernière et un
entretien téléphonique avec un
technicien du plateau, Pierre Mondy
déclare à la belle, et faux-cul en
diable : « quand j’ai appris ce qui
t’était arrivé, j’ai pensé à mourir ! »
et l’on entend alors la voix du
technicien qui dans le combiné
téléphonique répond : « crève, peau
de vache ! ». Cette dernière
citation résume assez précisément ma
pensée du moment.
Allez, c’est fini pour le supplice « cantien »,
mais il faut bien, après avoir évoqué
cet artiste maudit de pacotille, parler
aussi un peu de ceux qui lui ont
pareillement servit la soupe.
En premier lieu, celui qui a mené
l’entrevue, le « journaliste »
Jean-Daniel… Beauvallet (ça ne s’invente
pas !) qui se prenant sans doute pour le
Zola de l’affaire Cantat nous sort,
grandiose : « il ne s’est
jamais défilé » (si mon gars, et au
moins sept fois, devant le suicide !)…
« On voulait lui parler non pas pour
le disculper, le poser en victime
(sic) : Bertrand Cantat, de ses
mains, avait commis l’irréparable,
l’indicible et avait été jugé pour cela.
Pas question, donc, de refaire son
procès – lui-même avait tout reconnu…
En vous fixant de son regard délavé
(défense de rire), il demande
juste le pardon de ceux que son geste de
folie a entraînés dans ce tourbillon de
malheur et de vies brisées. Il le sait,
de toutes les prisons, il en est une
dont il ne sortira jamais vivant :
Bertrand Cantat ». J’en pleurerais,
tiens ! Et pourquoi pas Sublime,
forcément sublime, Bertrand C.
pendant qu’on y est, Jean-Daniel ? (2)
Et puis il y a donc le journal
lui-même, avec ses journalistes, sa
ligne éditoriale, sa direction. Les
Inrocks… Ce torchon bienpensant qui
se pose sans cesse en arbitre des
élégances journalistiques, artistiques
et politiques parisiennes, qui distribue
des cartes de membre du « Club du Bien »
aux gugusses qui lui ressemblent et des
fatwas bouffies de haine aux
« crypto-nostalgiques des heures les
plus sombres de notre histoire » qui
osent aimer, penser et lire ailleurs que
chez lui. Ce journal « plus fat que moi
tu meurs ! » qui ne peut survivre et
satisfaire son famélique public de
cuistres que grâce à de continuelles et
fort généreuses subventions de l’état,
payées en réalité avec l’argent de ces
Français qui ne le lisent pourtant
jamais et que sa rédaction conchie et
raille à longueur de page. Ce journal
qui donne des leçons à tout le monde,
mais qui est donc capable, comme le pire
des tabloïds anglais, de mettre du
Cantat en Une, de se vautrer dans
le caniveau du fait-divers « people »
parce que ça va faire parler, que ça va
peut-être attirer le péquenaud un peu
pervers, le branché borderline,
parce qu’en un mot comme en cent ça va
faire vendre, coco ! Vous avez dit
obscène ?
Mais Les Inrocks n’ont
certes pas l’intention de s’arrêter là !
Et en exclusivité, après avoir fourni un
gros travail d’investigation, La
Plume à Gratter est aujourd’hui en
mesure de vous dévoiler ici les deux
prochaines couvertures de
l’hebdomadaire ! Les voici :
Alors, Bonnaud et Beauvallet : «
C’est pas rock, coco, ça, c’est pas
rock ? » (3)
Marc LEROY
– La Plume à Gratter
1) Frédéric Bonnaud est directeur de
la rédaction des Inrockuptibles
depuis janvier 2013. Il a succédé à ce
poste à Audrey Pulvar.
2) Sublime, forcément
sublime Christine V. est un
texte de Marguerite Duras publié le 17
juillet 1985 dans le journal
Libération à propos de l’affaire
Grégory.
3) T’es rock, coco !,
inoubliable Chanson de Léo Ferré
Publié le 26
octobre 2013 - Source
La Plume à Gratter
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