1 - Une nation de philosophes?
La semaine
dernière j'annonçais la suite des réflexions d'un jeune
Abélard de notre temps sur notre système d'enseignement de
la philosophie. Sans doute les lecteurs ont-ils remarqué
avec quelle habileté dialectique cet adolescent mettait sur
le gril le modeste signataire de ces lignes. En vérité, je
pressentais qu'un élève aussi prometteur n'allait pas tarder
à me conduire au cœur de la question des relations ambigües
et flottantes que la France académique et la crème de notre
intelligentsia entretiennent avec la philosophie botulique.
Un étudiant
anglais entre à Oxford ou à Cambridge sans avoir seulement
entendu les noms de Locke, de Hume ou de Kant. En revanche,
toute notre classe dirigeante a passé un baccalauréat dans
lequel la réflexion philosophique occupe une place
prépondérante, ce qui devrait avoir transformé la France en
une nation de philosophes, donc l'avoir élevée au rang de
tête pensante et de gouvernail cérébral de la planète.
Pourquoi ce prodige ne s'est-il pas produit ? Et pourtant,
nos journalistes se présentent en familiers de la
philosophie, ce qui ne se rencontre au sein de nul autre
peuple de la terre. Mais aucun journal ne juge les
philosophes comme les critiques littéraires jugent un roman,
une pièce de théâtre, un poème, les critiques musicaux une
musique, les critiques d'art un tableau. Il faut bien qu'il
existe un vice caché au sein de l'enseignement de l'histoire
de la philosophie dans nos lycées pour que les "professeurs
de philosophie", comme on dit, se soient constitués en
régiments serrés de philosophes attitrés, comme Nietzsche
s'en estomaquait déjà.
-
Voir la section Les penseurs
et les pédagogues
2 - Le singe raisonneur
Un article de
Mme Ségolène Royal paru dans Le Monde du 28 février 2010
nous a fait gentiment l'éloge du talent littéraire
indubitable et des compétences philosophiques réputées
suréminentes de Bernard-Henry Lévy, mais dont le critère
serait la "curiosité d'esprit", ce qui souligne à point
nommé les contradictions internes dont souffre notre culture
prétendument cartésienne. La France du "bac philo" n'a pas
encore appris à distinguer ce qui est philosophique de ce
qui ne l'est pas.
Il est vrai
que toutes les disciplines scientifiques ont commencé par
embrasser un champ erratique et hétéroclite et qu'elles
n'ont précisé leurs contours qu'à l'épreuve des siècles. La
philosophie de Platon demeurait fâcheusement confondue à la
mythologie cosmologique de Pythagore, celle d'Aristote
tentait de donner à la physique sa vocation propre. Puis les
quinze siècles d'obscurantisme philosophique de l'Europe
chrétienne ont ramené la pensée européenne à une mixture et
à un salmigondis auxquels Descartes n'a réussi que
partiellement à mettre un terme. Enfin Kant est parvenu à
occuper un carrefour stratégique où la philosophie a
commencé de délimiter son territoire, mais sans avoir réussi
pour autant à conquérir son autonomie pleine et entière.
C'est que,
contrairement à la chimie ou à la physique, la philosophie
ne cesse d'étendre son espace défrichable à paraître
s'entourer de barrières solidement plantées. La chimie se
féconde à quitter l'alchimie, la physique à quitter les
cosmologies mythiques, tandis que la philosophie trouve son
élan et son souffle à la faveur même de l' appauvrissement
apparent qui la conduit à observer à la loupe la boîte
osseuse du singe raisonneur. Voyez comme elle grandit à
interpréter la révolution darwinienne, à approfondir les
découvertes de l'inconscient, à inaugurer une spectrographie
des idoles, à descendre dans les abysses du politique, voyez
comme elle en vient à paraître limiter l'étendue de son
empire à se situer au cœur de toute connaissance rationnelle
du genre simiohumain.
3 - Le
décryptage de l'encéphale simiohumain
En vérité,
son retrait expansionniste s'appliquerait également à la
chimie ; car cette discipline pourrait fort bien s'adjoindre
un jour toute l'embryogenèse - mais la science du vivant
n'en est qu'aux balbutiements. La philosophie, en revanche,
fait des pas de géante dans le décryptage de l'encéphale
transanimal depuis que l'étude du subconscient qui commande
la prétendue "raison" des peuples et des civilisations fait
alliance avec l'interprétation psycho biologique de
l'évolution cérébrale de notre espèce et avec la
spectrographie critique des univers imaginaires. Mais les
progrès mêmes de la raison philosophique augmentent le
risque de faire dévier la science de l'animal spéculaire des
chemins d'un véritable enrichissement de cette discipline et
de la renvoyer vagabonder sur des arpents étrangers,
tellement le danger est grand d'une multiplication
artificielle de ses routes et chemins.
C'est ainsi
que le monde entier en est venu à traiter de philosophes des
auteurs dont les œuvres demeurent entièrement allogènes au
recul anthropologique qu'appelle l'analyse et la pesée
propres à la distanciation philosophique. Car celle-ci est
désormais focalisée, centralisée et canalisée par sa
vocation à peser un encéphale habile à sécréter
"l'intelligible" en tant que croyance.
Quelles sont les composantes
imaginaires du "sens" quand Mme Agacinski ou Mme Badinter
traitent de la condition des femmes et passent pour des
philosophes à ce titre? On sait que l'auteur du Contrat
social est tenu pour un philosophe dans tous ses
ouvrages, du seul fait que le XVIIIe siècle a été baptisé de
"siècle des philosophes", alors que l'Emile ou la
Nouvelle Héloise ressortissent à la pédagogie, même si
la Confession du vicaire savoyard sert de fleuron
théologique commun aux deux ouvrages.
4 - La raison
théologisante
Pis que cela:
tout agrégé de philosophie est censé produire de la
philosophie comme un pommier donne des pommes. Pis encore:
la confusion entre l'histoire de la philosophie et la pensée
philosophique proprement dite a été dénoncée par Descartes
plus de deux siècles et demi avant Nietzsche, Schopenhauer
ou Jaspers. C'est que ce travers est viscéralement lié à la
raison théologisante: on était adoubé par la corporation des
docteurs de la foi si l'on avait commenté doctement le credo
de saint Ambroise, saint Augustin ou saint Jean Chrysostome.
Les démocraties messianisées par le mythe de la liberté ne
pouvaient que perpétuer la tradition des orthodoxies
ecclésiocratiques. On devient philosophe à s'exprimer
sacerdotalement sur Descartes ou sur Kant, on devient
philosophe pour seulement avoir compris un philosophe selon
un modèle clérical à peine laïcisé. Je connais un professeur
au Collège de France dont le seul titre est de connaître
Wittgenstein comme personne.
C'est que la
philosophie scolaire repose sur des autorités doctrinales -
il faut transmettre le "corpus" le plus cohérent possible
d'un penseur, afin de fonder, non point un questionnement
inachevable, mais une magistrature doctorale. Mais si l'on
n'est plus un philosophe à boire dans son verre, mais
seulement boire dans le verre des autres, donc à partager
l'honorabilité qui suinte de leurs citations d'un évangile
commun, comme les théologiens s'exercent unanimement à
démontrer l'existence de Dieu, textes à l'appui, le
botulisme n'est assurément qu'une expression parmi d'autres
de ce vice originel des pédagogues réconfortants.
C'est
pourquoi l'étude du botulisme professoral est devenue
tellement décisive ; car si l'on est consacré philosophe
pour avoir mis tous les philosophes en conserves dans sa
tête, il devient intéressant d'observer comment les penseurs
ainsi scellés se métamorphosent sur leurs étagères. Il
serait donc profitable d'analyser les recettes de Mme
Ségolène Royal, qui prend M. Bernard-Henry Lévy pour un
philosophe sous prétexte qu'il a publié pêle-mêle sur Romain
Gary, Alberto Moravia, Althusser, Levinas, ou Rosenzweig.
Mais
comment se fait-il que personne ne traite du botulisme en
tant que maladie mentale contagieuse et dont les bactéries
se développent au cœur du champignon géant qu'on appelle "la
philosophie scolaire" ? Socrate n'a-t-il pas enseigné que la
philosophie ne s'enseigne pas au même titre que la
botanique? Pourquoi le maître de Platon renvoyait-il au
sophiste Prodicos les jeunes gens dont l'âme, disait-il,
n'était "grosse de rien"? Si la connaissance anthropologique
du botulisme conduisait la philosophie française à se
demander de quoi l'âme des accoucheurs est enceinte et
pourquoi une maïeutique n'est pas une "matière
d'enseignement", comme on dit, ma minusculité trouverait sa
récompense d'avoir seulement tenté de poser la question de
la nativité du "Connais-toi".
1 - Un professeur maïeuticien
2 - Suite du discours d'un pédagogue de nos
droits cérébraux
3 - Le problème de la connaissance
4 - A la recherche d'une morale universelle
5 - Le courage philosophique
6 - L'impératif catégorique de Kant
7 - L'honnêteté de la logique
8 - Kant aujourd'hui
9 - La France de la pensée
10 - L'épouvante créatrice
1 -
Dans la joute précédente entre l'Abélard en
herbe d'une République de la raison de demain et un professeur
de philosophie aussi imaginaire que bien décidé à échapper à la
scolastique dont M. Béhachel illustre la sophistique, nous
étions sur le point d'aborder la question de l'apprentissage
démocratique du tragique de l'Histoire et de démontrer que la
philosophie bien racontée s'en révèle le creuset ; car dès les
bancs de l'école, l'éducation nationale est censée initier la
jeunesse à la morale socratique; et il se trouve que cette
ignorance-là exige une spectrographie préalable du cerveau
botulique de notre espèce.
Et pourtant, si
l'on se montre assidu à apprendre cette discipline, elle devient
le plus riche des savoirs, parce que le socratisme qu'attend le
troisième millénaire engendrera une distanciation entièrement
nouvelle de l'humanité à l'égard de la boîte osseuse des
ancêtres. De plus, ce recul fournira la clé de la lente évasion
de notre espèce de la zoologie, puisqu'il sera demandé aux
Théétète sacrilèges d'aujourd'hui de s'enquérir de l'identité
cérébrale d'une humanité en devenir et de la chercher ailleurs
que sur les places publiques où le botulisme simiohumain trouve
son fourrage. C'est pourquoi notre questionneur présocratique de
la semaine dernière demandait instamment à notre éducation
nationale quelle est l'identité philosophique de Kant et comment
il deviendra possible de découvrir la place que ce penseur
occupe dans une histoire raisonnée de la pensée mondiale.
Pour soutenir une telle ambition, il faut s'interroger en tout
premier lieu sur la composition des faux savoirs dont la
philosophie s'est allégée en cours de route ou dont elle a perdu
les besaces en chemin. Ses bagages bien empaquetés la divisaient
depuis des siècles en trois fagots. On se demandait d'abord si
l'axe fondamental du réel était la nature, la vie
ou l'esprit, ce qui produisait force philosophes
matérialistes, vitalistes ou spiritualistes.
Mais depuis que la physique moderne permet à nos laboratoires
d'enregistrer la trace fugitive des particules dites
"élémentaires" dont l'existence brévissime rend les relations de
la matière avec la durée plus mystérieuses que jamais, et depuis
que le vitalisme primaire des Anciens nous conduit au
déchiffrage de notre code génétique, et depuis que le prétendu
spiritualisme des sorciers du cosmos nous mène au décryptage
anthropologique des idoles grossièrement taillées que vénéraient
nos ancêtres, puis, dans la foulée, à une autopsie accélérée de
nos trois magiciens des nues encore activité dans les têtes,
Socrate laisse aux seuls physiciens la tâche de ficeler un
univers fort artificiellement triphasé. Certes, l'homme à la
ciguë avait déjà renvoyé les Anaxagore de son temps aux futurs
atomes de Démocrite; mais maintenant nous savons tous que la
prétention explicatrice qui faisait se dresser nos dieux anciens
sur les ergots du causalisme nous enferrait dans une
interprétation totémique des redites du monde et que nous ne
différions encore des primitifs qu'en ce que notre sorcellerie
causative rendait oraculaires les répétitions énigmatiques du
cosmos. Mais nos nominalistes du Moyen Age le savaient sans s'en
douter, puisqu'ils évoquaient les "habitudes de la matière",
ce qui soulignait le mutisme dans lequel elles tombaient sitôt
que personne ne s'avisait de les faire parler haut et fort au
sein de la logique d'Aristote.
2 - Suite
du discours du pédagogue de la République : la morale
Alors, notre Abélard adolescent de la semaine
dernière reprendra la parole avec vaillance.
-
Monsieur, dira-t-il, si je vous ai bien écouté, la seconde
partie de la philosophie d'autrefois était la morale. Mais, plus
de cinq siècles après Christophe Colomb, il y a longtemps que
nous savons tous qu'il n'a jamais existé de Bien et de Mal armés
de la majuscule parathéologique et pseudo planétaire de Béhachel
et de ses maîtres d'outre-Atlantique. Nous ne sommes pas dupes
du vocabulaire de l'impérialisme démocratique du Nouveau Monde
et de ses alliés en rodage parmi nous. Mais l'éthique se
réduit-elle pour autant à une affaire d'ethnologues des
religions? Peut-on les réduire à une généalogie critique de
l'imagination religieuse et des fonctions que les autels
exercent au sein des sociétés simiohumaines? Existe-t-il une
morale qui transcenderait la diversité des mœurs et qui
fournirait à notre génération privée de repères les clés d'une
analyse anthropologique, donc politique des concepts faussement
universels de Bien et de Mal?
On
voit à ce discours de logicien-né combien il est difficile de
mettre la République à l'école du "Connais-toi" des
dialecticiens de demain - celui que le jeune Nietzsche
préconisait dans son essai sur la réforme nécessaire de
l'enseignement scolaire de la philosophie dans l'Université
allemande de son temps. Comment la Ve République initiera-t-elle
ses bacheliers à radiographier l'ignorance proprement
simiohumaine dont souffre notre espèce, comment notre éducation
nationale initiera-t-elle la jeunesse au scannage de l'encéphale
des pseudo-philosophes qui règnent en maîtres sur notre temps,
comment mettrons-nous nos lycéens en mesure d'observer des
malades porteurs des banderoles du Bien et du Mal
et blasonnés d'une majuscule révérentielle et théologale? De
plus, l'éducation politique des adolescents est devenue
parallèle à leur formation philosophique, parce que les cohortes
serrées des Tartufes du Bien et du Mal ont
clairement choisi le camp de leurs dévotions intéressées, de
sorte que le Bien dont ils ont fait le drapeau de leur
infiltration dans nos rangs n'est autre que l'arme de guerre du
vieux Manès ressuscité au cœur de la démocratie mondiale et au
profit de l'expansion politique et militaire du Nouveau Monde.
De plus, le catéchisme que les nouveaux
papimanes de Rabelais portent en bandoulière leur permet de
frapper leurs adversaires d'une pestifération aussi instantanée
que celle qui a précipité les moutons de Panurge à la mer.
Comment vaincre une ignorance armoriée et qui nous ramène aux
Croisades? Ces porte-croix d'un vieux mythe avaient disparu
jusqu'au dernier du champ de la pensée européenne ; mais ils
sont revenus en masse et en force dans les fourgons d'un empire
étranger; et ils se font une gloire de leur vocation et de leur
mission de serviteurs et d'agents d'influence d'un Empire. Il
faut donc rappeler à la jeunesse française d'avant-garde que
l'ignorance et la sottise ont toujours fait bon ménage avec la
barbarie des philosophes au service d'un maître étranger.
Pour tenter d'y
parvenir, il faudra enseigner dans nos lycées que les démagogues
de la démocratie messianisée du Nouveau Monde ne sont jamais que
de vieux rhéteurs et que leur fausse éloquence est la fidèle
héritière des sophistes grecs, puis des scolastiques chrétiens.
Ces deux espèces de pastorats de leur propre servitude ont-elles
jamais seulement abordé l'ombre d'un problème proprement
philosophique ? Les sorbonagres et les sorbonicoles d'hier sont
devenus les jargonneurs domestiqués d'une histoire aveugle de la
philosophie dans l'Europe vassalisée. Comment enseigner le rire
de Rabelais et le sourire socratique à leur livrée si la pensée
occidentale asservie a oublié ses sources dans une raison en
demi teinte et qui clouait les défroqués de la sottise au pilori
d'une dialectique d'ironistes?
3 - Le
problème de la connaissance
- Monsieur,
demandera le lycéen, si je résume votre enseignement de la
liberté, seule la troisième partie de la philosophie cuirassée
d'autrefois, celle de la pesée des armoiries cérébrales,
demeurera fécondable de génération en génération; mais, par
bonheur, les progrès d'une éthique universelle se trouveront
liés aux progrès de la raison socratique, donc de la pensée
critique, et cela jusqu'au sein de la théorie scientifique .
C'est pourquoi vous traitez du problème de l'intelligibilité de
la connaissance dite rationnelle de l'univers à l'école d'une
radiographie du langage inconsciemment immoral qui sous-tend les
signifiants tout humains, donc subjectifs par nature censés
valider les preuves dites expérimentales de l'intelligible et du
signifiant. Que devrons-nous donc entendre par la notion
immorale de "vérité naturelle" et de ses fausses démonstrations
d'une fausse compréhensibilité du monde ? Autrement dit, la
hiérarchie des âmes détermine le niveau du questionnement
philosophique.
C'est pourquoi
L'anthropologie critique fait progresser, dites-vous, un
"Connais-toi" capable de démasquer l'infirmité native de notre
encéphale. Celle-ci serait donc guérissable et c'est dans un
sens thérapeutique que nous devons rendre notre cervelle de plus
en plus observable de l'extérieur. Mais s'il existait
nécessairement une intelligence plus haute que celle
d'aujourd'hui, qu'en sera-t-il de la capacité native ou apprise
de cette raison-là de contempler de haut et de loin l'immoralité
et la sottise de l'humanité d'autrefois et d'aujourd'hui et
comment démontrerons-nous les progrès d'une intelligence devenue
inséparable des progrès de la morale au sein de notre espèce?
Tout cela fait
difficulté dans mon esprit, Monsieur, parce que je me demande
comment vous construirez les télescopes géants qui nous
permettront d'inspecter les allées et les couloirs de notre tête
dichotomisée et divisée de naissance entre les séquelles de
notre animalité cérébrale si illusoirement divinisée et les
promesses d'avenir d'une raison terrestre relativement
prometteuse. Quelles clartés futures nous permettront-elles de
percer un jour les secrets des fabricants de signifiants
magiques du monde qu'égarait l'entendement rudimentaire de nos
ancêtres? Comment décrypterons-nous les signes ou les signaux
trompeurs qu'émettaient autrefois nos cerveaux et que nous
continuons d'émettre?
Je vois
clairement que vous voudriez faire descendre notre espèce dans
les souterrains de la signalétique leurrée et flottante dont
accouchait l'éthique des premiers hommes-singes et que nous
persévérons à engendrer. Mais comment apprendrons-nous jamais à
observer les relations tordues que la vérité dite morale
entretient avec l'immoralité des religions du profitable, donc
avec les signifiants inconsciemment intéressés dont nos ancêtres
nourrissaient leur vieille Pythie? Si je vous ai bien compris,
l'espèce de raison oraculaire qu'ils qualifiaient bêtement
d'expérimentale, "expérimentait" tout autre chose que ce que
leurs utilisateurs s'imaginaient constater; et seule la
prévisibilité exploitable que véhicule la nature prêtait sa voix
aux "vérifications" de "l'intelligible" auxquelles leur pseudo
entendement procédait inlassablement. Mais il se trouve que nous
ne comprenons toujours rien au logiciel rentable d'Einstein,
même si nous avons appris à nous servir efficacement de la
quadridimensionnalité de l'univers; et nous vivons désormais
dans un monde dont les "dimensions" multipliées, comme on dit,
ne cessent de nous égarer dans le vide du cosmos. Comment
quitterions-nous un univers fallacieusement branché sur trois
dimensions seulement?
4 - A la
recherche d'une morale universelle
On
voit que la génération actuelle des lycéens a d'ores et déjà
parcouru un long chemin. Elle sait d'instinct que la modernité
n'a que faire d'une physique naturelle dont il ne reste pierre
sur pierre; elle sait d'instinct qu'elle se trouve précipitée
dans un cosmos qui a fait table rase de la logique d'Euclide et
d'Archimède. Mais ne reste-t-il rien non plus, se dit-elle, de
l'éthique universelle que Kant fondait encore sur un "impératif
catégorique" et qu'il plaçait prudemment entre les mains de
"Dieu"? Certes, nous savons, dit-elle, que les morales hyper
vertueuses se trouvaient astucieusement vassalisées en sous-main
par des religions du profitable que pilotait une idole avide de
gloire et que cette idole se voulait complice de la servitude
catéchisée à laquelle les Etats soumettaient leurs sujets,
certes, nous savons maintenant, dit-elle, que les gouvernements
religieux se mettent pieusement au service d'un souverain des
châtiments infernaux, certes nous savons, dit-elle, que tous les
dieux sont engagés au service des Etats qui les placent aux
commandes de leur propre musculature et nous avons inspecté les
souterrains des tortures auxquelles les divinités s'exercent
pieusement depuis les origines.
Mais il lui
semble que si le mensonge, par exemple, se trouvait interdit en
toutes circonstances, la raison vertueuse d'Emmanuel Kant se
trouverait armée à son tour du sceptre d'une universalité
contrefaite et qui la contraindrait de livrer à la police de la
France d'aujourd'hui l'hôte en détresse qu'elle aurait
imprudemment accueilli, puisque telle est désormais "l'éthique"
que leur commande l'immoralité de la République des dévots de la
démocratie. Mais, se dit-elle, si l'éthique véritable n'est plus
fondée sur les commandements absolus d'une idole juive,
chrétienne ou musulmane, elle se demande sur quelles balances il
lui faudra peser le degré de sauvagerie de l'humanité, tellement
la barbarie du genre simiohumain demeure fort inégale selon les
temps et les lieux.
Et puis, se
dit-elle, on prétend maintenant nous enseigner un
panculturalisme tellement acéphale qu'il met à égalité l'éthique
de Kant et celle des mères Patandjara, par exemple, qui tuent
leur premier né afin que la seconde pousse de la tribu soit plus
vigoureuse ou l'éthique des Trobriandais, chez lesquels un
meurtre sert de ticket d'entrée à tout adulte dont le rang sera
celui d'un bon et honnête guerrier.
Et pourtant, un
vrai éducateur voudrait transformer ses élèves en lanternes
diogéniques, en semeurs de signes, en décrypteurs socratiques
d'eux-mêmes, en stoïciens de leur décodage des conserves
avariées de la philosophie.
5 - Le
courage de la philosophie
Que répondra la France des éducateurs de la nation à notre
Abélard adolescent? M. Béhachel a soutenu que l'auteur de la
Critique de la raison pure ne méritait pas le titre
de philosophe et qu'il s'agissait seulement d'un petit forcené
qu'il aurait mieux valu enfermer tout de suite dans un asile
d'aliénés.
Alors, notre
professeur de philosophie prendra son courage à deux mains.
- Je sais, dira-t-il, qu'il n'y a plus de
sots pour laisser un serviteur parmi d'autres de l'empire
dominant d'aujourd'hui donner le change à tout le monde sur sa
véritable fonction dans l'Etat. Mais la question se pose
désormais à la philosophie mondiale d'apprendre à se connaître
elle-même à l'école du courage qui lui est propre Ce n'est pas
la faute de nos éducateurs, ajoutera-t-il, si, depuis 1882, la
France de Jules Ferry a fait de nos "professeurs de philosophie"
des éveilleurs de la vaillance de la pensée, ce n'est pas leur
faute, si depuis vingt-quatre siècles, la philosophie est la
science des héros de l'intelligence.
Puis notre vaillant pédagogue demandera à ses
élèves de s'interroger sérieusement sur les causes qui
conduisent la Vè République à leur remettre des cierges, des
ciboires et des ex-votos entre les mains. Car l'Etat de M.
Sarkozy trouve grand intérêt à contrôler les encéphales de plus
près. Pourquoi tous les Etats du monde ont-ils si grand peur de
leurs philosophes? Serait-il périlleux de rappeler au monde que
la pensée est une substance explosive? L'heure est venue,
dira-t-il où il nous faudra exiger de la jeunesse de notre temps
de se servir bien davantage et bien plus dangereusement de sa
raison qu'il n'était demandé à la génération de 1882.
Certes, ajoutera,
notre pédagogue transbotulique, voici cent trente ans que la
République essaie de catéchiser la philosophie et de convertir
la laïcité elle-même à une mission parareligieuse et rédemptrice
à laquelle le mythe de la Liberté servirait d'hostie. Mais la
philosophie n'est pas au service des abstractions pseudo
salvatrices de la démocratie. L'heure est proche où cette
discipline sonnera le tocsin. Alors, cette hostie-là ordonnera à
tous les lycéens de France de choisir entre deux autels, celui
de Tartuffe et celui de Molière, parce que la question de la
nature et de la vocation d'une morale dans l'Histoire se situera
au cœur de la politique internationale. Pourquoi cela ? Parce
qu'elle hiérarchisera les civilisations de demain à l'école des
progrès de leur raison.
Quelle
immoralité, dira la philosophie de demain, que celle d'un animal
arc-bouté à son refus de radiographier l'inconscient du semblant
d'entendement qui lui fait proclamer rationnelles et commandées
par le ciel les habitudes muettes de la matière, quelle
immoralité, dira la philosophie de demain que celle d'une espèce
prosternée devant l'illusion d'un faux "sens rationnel" du monde
, quelle immoralité, dira la philosophie de demain que celle du
singe dont la logique prosternée se nourrissait d'une
sorcellerie du profitable seulement plus astucieuse que celle
des autres animaux, quelle immoralité, dira la philosophie de
demain, que celle d'une science calquée sur les encéphale que
nourrissait leur picotin!
6 -
L'impératif catégorique de Kant
Puis l'éducateur transbotulique de la France expliquera en
classe que "l'impératif catégorique" de Kant ne s'applique
qu'aux Etats respectueux du droit, non aux Etats corrompus et
prévaricateurs, non aux classes dirigeantes domestiquées par une
puissance étrangère, non aux Etats spécialisés dans le rapt du
territoire de leurs voisins, non aux Etats oppresseurs et
conquérants. La morale de l'impératif catégorique kantien
n'est-elle pas plus actuelle que jamais à l'heure où la
fondation Emmanuel Kant de Freiburg a le courage de rappeler
solennellement au gouvernement allemand qu'il trahit l'âme et
l'esprit de l'auteur de la Critique de la raison pure?
Voici ce que cette fondation écrivait le 16 janvier 2010:
"Madame
la Chancelière, Mesdames et Messieurs les membres du Cabinet
fédéral,
En
ma qualité de Président de la Fondation Kant de Freiburg,
je me permets de vous faire part, ainsi qu'à vos Ministres, de
notre stupéfaction devant votre interprétation des devoirs
attachés à votre charge et de la manière dont vous représentez
ceux de vos concitoyens que vous vous êtes engagée par serment à
"servir en votre âme et conscience".
Je
parle de la réunion commune des cabinets israélien et allemand
prévue pour le 18 janvier à Berlin. Vous-même et votre cabinet
devriez être au courant tant du contenu du rapport Goldstone,
commandé par le Conseil des droits humains de l'ONU à ce juge
respecté par la communauté internationale que de la
transformation de Gaza en ghetto et de la colonisation des
territoires palestiniens, dont l'occupation s'appuie sur la
supériorité militaire d'Israël. Le fondamentalisme sioniste est
machiavélique. Il se fonde sur le mépris des conventions du
droit international dans l'ordre humanitaire. Nous ne
pouvons croire qu'un cabinet ministériel allemand se rallie
en toute connaissance de cause à une politique perverse. (…)
Car Israël ne peut durer sous la forme d'un État converti à la
pratique de l'apartheid et qui ferait régner la Palestine sur
quelques bantoustans. (…). Nous ne pouvons imaginer que, vingt
ans après la réunification allemande, une Chancelière originaire
de l'Est ait si mal compris les leçons de l'Histoire qu'elle se
montre prête à sacrifier les principes moraux universels qui
régissent la politique sur l'autel des retrouvailles du monde
avec les Nibelungen."
Mais ce combat-là
de la morale n'est-il pas celui d'une raison et d'une pensée en
guerre contre la barbarie du monde ?
7 - L'
honnêteté de la logique
Qu'est-ce donc, au plus secret, que le botulisme qui fait écrire
à M. Béhachel: "Kant, le prétendu sage de Königsberg, le
philosophe sans vie et sans corps par excellence, dont
Jean-Baptiste Botul a montré au lendemain de la Seconde guerre
mondiale, dans sa série de conférences aux néo-kantiens du
Paraguay que leur héros était un faux abstrait, un pur esprit de
pure apparence -et cela à deux titres au moins : le concept de
monde nouménal où s'entend l'écho d'une jeunesse spirite (sic),
vécue parmi les ombres et les limbes dans un royaume d'êtres
énigmatiques et accessibles par la seule télépathie… "?
Ne nous y trompons pas, au plus profond du
reproche fait à Kant de se révéler un produit peu appétissant et
une viande insuffisamment saignante, il y a l'appel au
nivellement des esprits. Il est vrai que les philosophes d'un
grand génie ne sont pas des plats aisément consommables; il est
vrai que les visionnaires de l'avenir moral de l'humanité nous
offrent un spectacle peu rassurant. Mettre leur message éthique
en conserves hautement comestibles, voilà l'ultime secret du
botulisme.
Mais il se trouve
que telle est également l'ultime question que pose à la
République l'appel à enseigner une histoire raisonnée de la
philosophie. Car il s'agit de savoir en quoi le génie propre à
la pensée est fondateur de l'éthique des démocraties. En ceci
que les Platon, les Descartes, les Kant, les Hume demandent au
cerveau humain de faire preuve de droiture à l'égard de l'esprit
de logique qui commande l'honnêteté de l'encéphale humain, en
ceci qu'il est interdit à la raison de tricher avec ses devoirs,
en ceci qu'elle doit se plier aux verdicts qu'elle se trouve
contrainte de prononcer quand elle se met à l'écoute et à
l'école de sa propre loyauté. C'est cela, le cœur de l'éthique.
Qu'est-ce que la sophistique, la scolastique, la casuistique,
sinon les bouées flottantes d'une logique démantibulée? Les
grands philosophes sont les guides et les redresseurs de la
raison elle-même. Est-il une source plus proche de toute éthique
que le gouvernail cérébral de l'humanité?
C'est pourquoi il est dramatique qu'un bon
écrivain, mais un danseur de corde dans l'ordre philosophique se
substitue au sein d'une république de la raison à l'autorité de
plusieurs centaines de professeurs de philosophie qui ont
connaissance de la spécificité de leur discipline et de la
nécessité, pour elle, d'étendre ses frontières dans la fidélité
à sa propre mâture. L'éducation nationale affiche sa vaillance
et sa noblesse à situer Kant dans l'histoire et de le comprendre
à l'école de la formation réfléchie de l'esprit de raison qu'il
convient d'enseigner à la jeunesse des aristocrates de
l'intelligence de la France.
8 - Kant
aujourd'hui
Pour tenter de peser la morale du monde sur
la balance de l'impératif catégorique de Kant, il convient, en
tout premier lieu, de garder présent à l'esprit que l'humanité
se partage entre deux éthiques, celle du compromis et celle de
la rigueur, donc celle de la lâcheté et celle du courage. La
première se fonde sur une sophistique dont la casuistique des
jésuites illustrait les dérobades craintives et la servitude
masquée.
-
Certus odor dictaturae, Lettre ouverte aux Français
juifs de mon pays,
1er septembre 2009
De
la Compagnie de Jésus, Bossuet le guerrier disait, qu'elle "mettait
des coussins sous les coudes des pécheurs".
La seconde des deux éthiques rappelle que
tout Etat bâti sur le reniement des principes fondateurs de la
civilisation se voue à sa destruction prochaine, parce que notre
espèce porte de naissance un masque derrière lequel elle a grand
intérêt à se cacher le plus discrètement possible à elle-même et
qui lui interdit du moins de le rendre trop spectaculairement
visible sur toute la surface du globe.
C'est pourquoi ce sera à l'échelle des cinq continents que les
prochaines années illustreront la profondeur d'esprit dont
témoigne un "impératif catégorique" de Kant, qui ne
semble absurde que si l'on tient à l'appliquer à la gestion au
petit pied des Etats, mais qui débouche sur le tragique de
l'histoire universelle sitôt qu'on en mesure la portée
anthropologique. Car depuis que le langage a fait de nous une
espèce spécularisée et avide de se refléter dans des miroirs
valorisants, l'espoir politique du monde repose sur des images
idéalisées de l'humanité. Comment bafouer cette image
embellissante aux yeux de six milliards d'yeux et d'oreilles en
quête d'un modèle à imiter?
Aussi le conflit israélo-palestinien interdira-t-il aux mots
mêmes de démocratie et de liberté de se trouver
seulement prononcés: sitôt qu'on ouvrira la bouche pour
glorifier ces vocables narcissiques, le monde entier butera sur
le ridicule de prétendre légitimer en droit international et aux
yeux de la conscience universelle le transfert d'un peuple sur
le territoire d'un autre, sur le ridicule d'accorder à un Etat
qu'on proclamerait souverain le droit d'en planter le drapeau
déchiré sur une portion minuscule du territoire qui lui aura été
volé le plus démocratiquement du monde, sur le ridicule de
sanctifier un rapt au nom, de la sainteté de sa justice et de la
liberté.
Deux cent trente ans après la parution de la Critique de
la raison pure, Kant se placera plus que jamais au cœur
de l'histoire du monde et de son éthique ascensionnelle, parce
qu'une civilisation armée de l'ubiquité de sa propre image et
visible jour et nuit sur tous les écrans du monde ne saurait se
rendre tartuffique au vu et au su du globe oculaire de
l'humanité ressuscitative. Si un accord gangrené et fatalement
éphémère se trouvait conclu entre les deux parties et si la "communauté
internationale", comme on dit, apposait momentanément le
sceau d'une justice et d'un droit contrefaits sur une caricature
de démocratie, Kant n'en serait rendu que plus présent dans la
conscience des barbares, tellement les valeurs universelles qui
donnent au genre simiohumain sa vocation trans-tartuffique
rendrait non viable la parodie la plus titanesque du genre
humain que l'histoire aurait enregistrée.
9 - La
France de la pensée
Mais Kant se révèle à son tour un paradigme
saisissant de la bancalité de la condition simiohumaine ; car
l'alliance boiteuse qu'il demandait à la matière de sceller avec
un principe de causalité censé se trouver branché sur l' absolu
divin, donc pourrissant à l'école de la bâtardise
anthropologique de la théorie scientifique tridimensionnelle de
son temps, cette alliance, dis-je, jurait avec l'éthique de feu
qui soustrait l'éternité de l'impératif catégorique au montage
épistémologique passager d'une physique euclidienne trépassée.
L'impérissable n'est pas dans les sciences, mais dans les
consciences.
C'est pourquoi la déclaration de la Fondation Kant citée
ci-dessus, s'inscrit dans le droit fil de la "logique
spirituelle" interne à la Critique de la raison pure
- mais cette logique proprement politique ne s'éclaire à son
tour et en profondeur qu'à la lumière d'une histoire
anthropologique et critique de l'esprit de transcendance de la
pensée philosophique. Car il s'agit maintenant d'une pesée
"spirituelle" de l'alliance que le principe mythologique de
"causalité expliquante" avait conclue en catimini avec
l'immoralité de la politique internationale: nous savons
maintenant que le vieux principe d'une causalité censée parlante
et que véhiculeraient les autels ne disposait en rien des
prérogatives d'un tribunal assermenté soit par une divinité,
soit par le cosmos "en personne", si je puis dire. Un monde dont
les "causes et les effets" constituaient les redites muettes de
la matière en interlocutrices patentées de "Dieu" demeure
étranger au véritable impératif catégorique, qui se fonde
exclusivement sur le feu intérieur et dérélictionnel qu'on
appelait autrefois "l'espri ". Deux siècles et demi après
Rabelais, Kant donne à décrypter l'adage de Pantagruel "Science
sans conscience n'est que ruine de l'âme".
10 -
L'épouvante créatrice
Socrate se
demandait ce que pouvaient bien signifier les mots "âme" et
"conscience". Je doute que la réduction de l'éducation nationale
à la consommation de plats faciles à cuisiner à l'école de
l'abaissement de la culture française facilite l'intelligence de
ces vocables à la jeunesse lycéenne! Mais que pense le monde
entier d'un pays dont les agrégés de philosophie ne connaissent
de Kant qu'une ombre, une apparence, un concept?
Puisse la France de la raison rappeler un
jour au monde que le vrai Kant est celui dont le génie enseigne
aux civilisations pensives les féconds secrets de l'échec
apparent des prophètes et des philosophes de la science, puisse
la France de la pensée rappeler un jour que le vrai Kant est
celui qui enseigne l'échec des Anaxagore de la philosophie,
puisse l'école normale supérieure enseigner un jour que le vrai
Kant n'est pas une pâle copie d'Althusser, mais un pôle de
l'histoire raisonnée de l'encéphale de l'humanité, puisse le
vrai Kant enseigner un jour aux petits fils de Descartes à
regarder de plus loin et de plus haut que l'idole dont Nietzsche
disait qu'elle périrait de son immoralité.
Si la pensée
philosophique se nourrit de génération en génération d'une
lecture de plus en plus raisonnée de sa propre histoire, c'est
parce que sa vocation est celle d'un apostolat de l'intelligence
morale. C'est pourquoi la peur de la pensée n' a cessé de
terroriser les Etats depuis les Grecs . Puisse la sauvegarde de
l'épouvante créatrice appeler au courage de tendre à l'humanité
les pièges dans lesquels tomberont les trompeurs et les couards
de l'intelligence.