L'art de
la guerre
« Solution »
égyptienne pour la Tunisie ?
Manlio
Dinucci
Mardi 30 juillet 2013
En Egypte, le général Abdel Fattah al-Sisi
–homme du Pentagone, nommé il y a un an
par le président Morsi chef d’état-major
et ministre de la défense- ordonne
d’ouvrir le feu sur les Frères musulmans
qui protestent à cause de la déposition
et de l’arrestation de Morsi et appelle
les forces laïques, en descendant dans
la rue, à lui donner « le mandat pour
affronter la violence et le
terrorisme ». Appel reçu aussi en
Tunisie. « Ce qui arrive en Egypte
nourrit nos espoirs et pourrait avoir
une influence sur la Tunisie, parce que l’ennemi
commun sont les Frères musulmans »,
déclare Basma Khalfaoui, veuve de Chokri
Balaid, le leader du Front populaire
assassiné en février dernier (il
manifesto, 23 juillet). Et conclut :
« Ce qui est arrivé en Egypte n’est pas
un coup d’état, c’est la continuation de
la révolution ». Grâce à cette caste
militaire formée et financée par les
USA, qui a garanti pendant plus de
trente ans le régime de Moubarak, puis
la « transition pacifique » quand le
soulèvement populaire a renversé
Moubarak ; puis l’ascension de Morsi à
la présidence pour neutraliser les
forces laïques, et enfin la déposition
de Morsi quand se sont soulevées contre
lui les oppositions laïques. Face à la
sanglante répression du Caire, la Maison Blanche a
diplomatiquement déclaré « ne pas avoir
l’obligation légale de déterminer si les
militaires égyptiens ont accompli un
coup d’état en déposant le président
Morsi », formule qui permet aux USA de
continuer à fournir au Caire une aide
militaire de 1,5 milliards de dollars
annuels. Continuant ainsi à renforcer la
caste militaire, principal levier de
l’influence étasunienne et occidentale
en Egypte. Comme elle l’est en
Tunisie.
La Tunisie
–informe l’ambassade USA- est un « allié
stratégique de longue date pour les
Etats-Unis », qui ont formé, entraîné et
équipé ses forces armées. Confirmé par
le fait que c’est « un des rares pays au
monde qui ait des cadets dans toutes les
académies militaires des Etats-Unis »,
où se sont formés environ 5mille hauts
gradés tunisiens. Cette caste militaire,
qui est aussi de formation française,
après avoir soutenu pendant 24h
le dictateur Ben Ali, l’a officiellement
déposé quand désormais il avait été
renversé par le soulèvement populaire.
Aujourd’hui, alors que
l’affrontement se fait plus aigu entre
les islamistes et les laïcs, certains
dans la gauche tunisienne en appellent à
cette caste militaire pour une
« solution » de type égyptien,
c’est-à-dire une intervention armée
contre le parti islamique, « l’ennemi
commun ». Position suicidaire. Comme le
démontre ce qui arrive en Egypte, où les
puissantes forces extérieures et
intérieures opposées à la révolution ont
favorisé la fracture du mouvement
populaire qui a renversé la dictature de
Moubarak, avec comme résultat
l’affrontement aujourd’hui entre des
masses musulmanes appauvries et des
masses laïques appauvries. Au profit de
la caste militaire, laquelle renforce sa
position et ainsi celle des puissances
–au premier rang desquelles les USA- qui
tiennent l’Egypte sous le joug de leurs
intérêts politiques, stratégiques et
économiques.
Au profit d’Israël, qui renforce
son siège contre Gaza : les militaires
égyptiens ont détruit ou fermé environ
80% des tunnels, vitaux pour
l’approvisionnement en nourriture et en
carburant et donc pour la survie de la
population palestinienne. Et pendant
que, dans le sillage des USA, l’Union
européenne inscrit la branche militaire
du Hezbollah islamique libanais dans la
liste des « organisations terroristes »,
des groupes terroristes islamiques
continuent à être infiltrés en Syrie par
les USA et par les alliés européens.
Et certains à gauche continuent à
définir cela aussi comme une
« révolution ».
Edition de mardi 30 juillet 2013 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130730/manip2pg/14/manip2pz/343816/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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