L'art de la guerre
Méditerranée, pont
de guerre
Manlio
Dinucci
Mardi 19 mars
2013
« Les nombreux, trop nombreux morts sans
nom que notre Méditerranée garde » : à
Montecitorio, c’est Laura Boldrini[1]
qui s’en est souvenue en faisant
référence au drame des réfugiés. La Méditerranée, a-t-elle
déclaré, « devra de plus en plus devenir
un pont vers d’autres lieux, d’autres
cultures, d’autres religions ». Jusqu’à
présent, cependant,
la Méditerranée a de
plus en plus été un pont de guerre.
Partant des bases italiennes,
l’Otan a démoli l’Etat libyen, en
provoquant la désagrégation du pays et
l’exode de millions d’Africains qui y
avaient trouvé un travail.
Elle fait la même chose en Syrie,
qu’elle essaie de démolir avec des
forces infiltrées et des méthodes
terroristes, en provoquant de nouvelles
victimes et vagues de réfugiés.
Donc « un parlement largement
rénové » ne suffit pas. Il faut une
nouvelle politique extérieure. Celle de
l’Italie, indépendamment de la couleur
des gouvernements, suit par contre
toujours le même cap. Le gouvernement
Monti, à ses derniers jours,
est en fait en train d’accomplir
d’importants actes de politique
étrangère qui passeront dans les mains
du prochain gouvernement.
Dans une série de rencontres à
Washington les 11 et 12 mars, la
Farnesina[2]
a garanti l’adhésion de l’Italie à
l’ « accord de libre-échange Usa-Ue »,
c’est-à-dire à l’ « Otan économique ».
Dans un séminaire international, le 14
mars à Rome, a été établie la
contribution de l’Italie à « une Défense
européenne forte », que le Conseil
européen décidera en décembre pour
« favoriser la satisfaction des
exigences de l’Alliance atlantique ».
Rien que pour l’achat d’armements,
prévoit une recherche publiée à New
York, l’Italie dépensera en 2012-2017
plus de 31 milliards de dollars. Ces
mêmes jours, le ministre des Affaires
étrangères Terzi s’est rendu en Israël
pour une série de rencontres et
participer à la conférence
internationale de Herzliya sur la
« sécurité du Moyen-Orient ». Sur
la Syrie, l’Italie
s’engage à « accroître les mesures et
les équipements qui permettent aux
forces sur le terrain
de
protéger la population des attaques
inouïes de l’aviation syrienne » (ce
n’est pas un hasard si les Usa
s’apprêtent à officialiser, après la France et la Grande-Bretagne, la
fourniture d’armes aux « rebelles »).
L’Italie renforce aussi son engagement
contre « les risques, pour la sécurité
globale, d’un Iran nucléaire » : à
Herzliya on
a parlé du moment où il faudra
passer « de la diplomatie à l’épée ».
Ces initiatives, et quelques
autres, de la Farnesina reçoivent le
consensus ou le silence-assentiment de
la totalité de la classe politique. La Ville de Milan participe à
l’unanimité à la marche internationale
de « solidarité avec le peuple syrien »
car, dit le maire Pisapia, « il est
temps de sortir du silence ».
C’est-à-dire de soutenir ouvertement la
déstabilisation de la Syrie, que les puissances
occidentales opèrent à des fins
stratégiques et économiques. Et quand le
gouvernement Monti, violant les
engagements et compromettant les
relations entre les deux pays, ne
renvoie pas en Inde les
maro’ qui ont tué les pêcheurs[3],
la présidente de la « commission paix »
de la Ville de Florence, Susanna
Agostini (Pd), exulte parce que l’Italie
a pris une « position de protagoniste ».
Edition de mardi 19 mars 2013 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130319/manip2pg/14/manip2pz/337582/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[1]
Laura Boldrini, élue présidente
de la Chambre des députés à l’initiative du Pd (Partito
democratico, de PL Bersani,
centre-gauche),
a été porte-parole de l’UNHCR.
[2]
Siège à Rome du ministère des
Affaires Etrangères
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