L'art de la guerre
Les hologrammes de
la politique
Manlio
Dinucci
Mardi 12 mars
2013
On parle de tout dans le débat
politique, sauf d’une chose : la
politique extérieure (et donc militaire)
de l’Italie. Comme par une entente
tacite entre les adversaires, on évite
toute référence au rôle de l’Italie dans
l’Otan, à la métamorphose de l’Alliance,
au projet de l’Otan économique, aux
rapports avec les Usa, aux guerres en
cours et en préparation, et au scénario
de la nouvelle confrontation Ouest-Est
dans la région Asie/Pacifique. Chaque
jour on martèle les télé-électeurs avec
les répercussions de la « crise », en la
faisant apparaître comme une calamité
naturelle, en se gardant bien d’en
rechercher les causes, qui sont
structurelles, c’est-à-dire congénitales
du système capitaliste dans l’ère de la
« globalisation » économique et
financière. On crée ainsi un
environnement virtuel, qui restreint le
champ visuel au pays dans lequel nous
vivons, en faisant disparaître le monde
dont il fait partie. Mais quelque chose
nous est montré, en fabriquant des
hologrammes idéologiques partagés par
tout l’arc politique, y compris les
partis et mouvements qui se présentent
comme alternatifs. Avant tout celui du
« modèle étasunien ». Nous avons donc
Bersani qui, en présentant le programme
du Pd[1],
déclare à
America 24 (le 18 février) que « la
politique européenne devrait un peu plus
ressembler dans le domaine économique et
social à celle des Etats-Unis ». Dont la
validité est démontrée par les 50
millions de citoyens Usa, dont 17
millions d’enfants, qui vivent dans des
conditions d’ « insécurité
alimentaire », c’est-à-dire sans
suffisamment de nourriture, par manque
d’argent. Nous avons ainsi Ingroia qui,
en présentant le programme de Révolution
civile[2],
déclare à
America 24 (le 14 février) qu’il est
« favorable à l’augmentation des
investissements américains (étasuniens,
Monsieur le Juge, NdT) en Italie ».
Emblématique notamment l’investissement
de l’Aluminium Company of America (la
multinationale qui a les mains pleines
du sang des plus terribles coups d’Etat
en Indonésie et au Chili) : après avoir
pressé jusqu’à la dernière goutte le
site de Portovesme, en obtenant des
dégrèvements sur les factures
d’électricité pour des milliards d’euros
(payés par les utilisateurs), elle s’en
est allée en laissant derrière elle
chômage et dégâts environnementaux.
Ingroia, en outre, définit le système
étasunien comme « un système qui même du
point de vue de la justice est
certainement le plus efficient », dans
lequel « il y a un tel respect de
l’activité judiciaire de la part de la
politique qu’on ne pourrait pas penser à
un conditionnement de la magistrature ».
La preuve : la population carcérale
étasunienne (la plus grande du monde
avec plus de 2 millions de détenus) est
composée aux deux tiers de noirs et
d’hispaniques, les habitants les plus
pauvres qui ne peuvent pas se payer
d’avocats ni de cautions ; autre preuve,
l’enlisement d’importantes enquêtes
comme celle sur l’assassinat de Kennedy.
Et nous avons enfin Grillo[3]
qui, alors qu’il refuse en bloc les
media italiens en les définissant
comme mensongers, accorde des interviews
à
Cnn et à la revue
Time du groupe étasunien Time Warner
qui, avec plus de 300 sociétés, est
l’empire multimédia le plus influent du
monde. Le message subliminal qui en
dérive (Casaleggio[4]
docet) est que le système multimédia
étasunien est fiable.
Avec les remerciements du Grand
Frère.
Edition de mardi 12 mars 2013 de
il manifesto.
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130312/manip2pg/14/manip2pz/3372
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[1]
Partito
democratico,
qui a obtenu la majorité
relative aux dernières
élections.
[2]
Revoluzione civile :
coalition électorale de gauche,
présidée par le magistrat
Ingroia, qui n’a pas obtenu
suffisamment de voix pour entrer
au parlement.
[3]
Beppe
Grillo, comique satyrique, chef
du
Movimento 5 Stelle qui a
obtenu aux élections les voix
des nombreux mécontents de tous
bords.
[4]
Casaleggio,
le « gourou » du Movimento 5
Stelle, artisan de la campagne
sur Internet.
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