L'art de la guerre
Le puits afghan
sans fond
Manlio Dinucci
Mardi 10 juillet
2012
« C’est merveilleux d’entendre les
oiseaux saluer de leur chant cette belle
journée ici à Kaboul » : ce sont les
paroles romantiques par lesquelles
Hillary Clinton a ouvert la cérémonie
officielle au milieu des arbres du très
blindé palais présidentiel dans la
capitale afghane. Tandis qu’elle
parlait, d’autres oiseaux à la queue à
rayures et étoiles volaient dans les
cieux afghans : les chasseurs F/A 18
qui, ayant décollé du porte-avions
Stennis dans la Mer Arabique,
survolent l'Afghanistan. Une fois leur
proie choisie, ils l’attaquent avec des
missiles et des bombes à guidage laser
et la mitraillent avec leur canon de
20mm, qui tire à chaque rafale 200
projectiles à l’uranium appauvri. Ces
avions et d’autres, dont le prix dépasse
les 100 millions de dollars, coûtent 20
mille dollars l’heure de vol : chaque
mission durant environ huit heures, elle
emporte une dépense de plus de 150mille
dollars, auxquels s’ajoute celle des
armes utilisées. Et l’an dernier, selon
les chiffres officiels,
les avions Usa/Otan ont effectué
35mille missions d’attaque sur
l’Afghanistan. On ne s’étonnera donc pas
que les Etats-Unis à eux seuls aient
dépensé jusqu’ici, pour cette guerre,
environ 550 milliards de dollars. Un
puits sans fond, qui continuera à
engloutir des milliards de dollars et
d’euros. A Kaboul Clinton a annoncé la
bonne nouvelle : « J’ai le plaisir
d’annoncer que le président Obama a
officiellement désigné l’Afghanistan
comme plus grand allié non-Otan
des Etats-Unis ». Ceci signifie que ce
pays a acquis le statut dont jouit
Israël et que, sur la base de
l’ « Accord de partenariat
stratégique », les Usa s’engagent à
garantir sa « sécurité ». Selon des
fonctionnaires de l’administration, les
Usa conserveront en Afghanistan
10-30mille hommes, surtout des forces
spéciales, flanqués de compagnies
militaires privées. Et ils continueront
à utiliser en Afghanistan leur propre
force aérienne, y compris les drones
d’attaque. Le « plus grand allié
non-Otan » recevra de l’Otan une aide
militaire de plus de 4 milliards de
dollars annuels. L’Italie, qui s’engage
à verser 120 millions annuels,
continuera à fournir, selon les mots du
ministre de la défense Di Paola,
« assistance et support aux forces de
sécurité afghanes ». Le gouvernement
afghan recevra en outre, comme décidé à
la conférence des « donateurs » de
Tokyo, 4 autres milliards annuels pour
les « exigences civiles ». Et dans ce
domaine aussi, a déclaré le ministre des
affaires étrangères Terzi, « l’Italie
accomplira sa part ». Selon la
motivation officielle, on aidera de
cette façon la « société civile
afghane ». Selon l’expérience réelle,
chaque dollar et chaque euro, dépensé
officiellement à des fins civiles, sera
utilisé pour renforcer la domination
militaire Usa/Otan sur ce pays. Pays
dont la position géographique est de
première importance stratégique pour les
puissances occidentales et leurs groupes
multinationaux, qui avancent de plus en
plus vers l’est, en défiant
la Russie
et
la Chine. Pour
convaincre les citoyens étasuniens et
européens, lourdement touchés par les
coupes dans les dépenses sociales, qu’il
convient de prélever d’autres milliards
de dollars et euros des caisses
publiques pour les destiner à
l’Afghanistan, on raconte qu’ils servent
à apporter de meilleures conditions de
vie au peuple afghan, en particulier aux
femmes et aux enfants. C’est la fable
qu’Hillary Clinton a racontée,
accompagnée par le gazouillis des petits
oiseaux de Kaboul et par le chœur de
ceux qui jouissent de toute cette
largesse.
Edition de mardi 10 juillet 2012 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120710/manip2pg/14/manip2pz/325590/
Traduit de l‘italien par Marie-Ange
Patrizio
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