Opinion
La nouvelle
conquête coloniale de la Libye
Manlio Dinucci
Franco Frattini
Vendredi 10 juin
2011
Le ministre italien des affaires
étrangères Frattini, avec le
gouvernement émirati, a coprésidé
orgueilleusement le 9 juin, à Abu Dhabi,
la troisième réunion du Groupe de
contact sur la Libye. L’Italie donc,
comme dit le président de la république
Napolitano, joue « son rôle pour
qu’avance dans le monde la cause de la
paix, des droits humains et de la
démocratie ». Les Emirats arabes unis
-monarchie absolue dans laquelle la
représentation démocratique n’existe
pas- ont envoyé récemment des troupes au
Bahrein pour écraser dans le sang la
demande populaire de démocratie, et ils
sont en train de préparer, avec la
compagnie militaire privée Xe Services
(ex-Blackwater), une armée secrète de
mercenaires à employer aussi dans
d’autres pays du Moyen-Orient et
d’Afrique du Nord.
C’est sur cette solide base
démocratique qu’on prépare la « phase
post conflit » en Libye.
Tandis que l’OTAN démolit
systématiquement les bases matérielles
de l’Etat libyen, en larguant des
milliers de bombes sur Tripoli et
d’autres localités, le Groupe de contact
soutient avec des millions de dollars et
euros le Cnt de Benghazi. Celui-ci,
représentant une partie minoritaire de
la population, n’arrive pas à gagner du
terrain même si l’OTAN entraîne et arme
ses troupes et lui ouvre la voie avec
des bombardements. A Abu Dhabi, il a été
décidé d’adopter le « modèle italien »
dans la fourniture des « aides » au Cnt.
L’Italie, qui a joué les « ouvreurs »,
fournira au Cnt des fonds d’une valeur
de 300-400 millions d’euros en cash et
en crédit disponible, et 150 autres
millions en carburant (voir
appendice pour la version française, NdT).
Les fonds seront « garantis par les
biens congelés en Italie et par le
pétrole extrait et raffiné dans l’avenir
par le nouveau gouvernement libyen ». De
cette manière les principaux pays du
Groupe de contact (Etats-Unis, France,
Grande-Bretagne, Italie, monarchies du
Golfe) posent une lourde hypothèque sur
l’avenir de la Libye. Si un gouvernement
obséquieux était installé, ces pays
auraient en main l’économie du pays, en
gérant les fonds souverains libyens
congelés et en contrôlant la production
et l’exportation du pétrole.
Pendant ce temps, comme garantie pour
l’avenir, Washington a placé la gestion
des finances et du pétrole du Cnt dans
les mains de son homme de confiance, Ali
A. Tarhouni, enseignant à l’université
de Washington. Les résultats ne se sont
pas faits attendre : le premier contrat
pour l’exportation de pétrole libyen, de
1,2 millions de barils, le Cnt l’a
conclu avec une compagnie étasunienne :
Tesoro. Et, alors que Tarhouni annonce
que le Cnt produira rapidement 100 mille
barils de pétrole par jour, le
Département d’Etat annonce « le
soutien américain (étasunien, NdT) pour
des ventes ultérieures de pétrole par le
Cnt ». Le gouvernement italien, qui
a servi d’ouvreur, ne veut cependant pas
être de reste. Il appuie donc aussi le
Cnt avec « une assistance humanitaire et
de coopération au développement » pour
un montant de plusieurs millions
d’euros. Un de ses projets les plus
significatifs, géré par l’Istituto
agronomico delle l’oltremare (Institut
agronomique de l’outremer) prévoit l’ «
amélioration du palmier dattier de
l’oasis d’Al Jufra ». Fierté de l’Italie
: alors qu’elle largue sur la Libye des
bombes d’une tonne à l’uranium appauvri,
elle rend plus douces les dattes
libyennes.
Edition de vendredi 10 juin 2011 de il
manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110610/manip2pg/08/manip2pz/304686/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Appendice pour la version française (NdT)
: Dépêche Reuters et AFP du 09/06/2011 |
Mise à jour : 16:25
«
Juppé: 290 M€ pour les rebelles libyens
»
La France est prête à débloquer une aide
de 290 millions d'euros aux rebelles
libyens du Conseil national de
transition (CNT), a annoncé le ministre
français des Affaires étrangères, Alain
Juppé, lors de la réunion du groupe de
contact sur la Libye à Abou Dhabi.
Plus tôt dans la journée, Abdel Hafidh
Ghoga, vice-président du Conseil
national de transition, avait déclaré
que le fonds international d'aide aux
rebelles libyens était
désormais "opérationnel".
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