L'art de la guerre
Commerce des
armes,
le Traité paravent de l'Onu
Manlio
Dinucci
Jeudi 4 avril
2013
Après sept années de laborieux efforts,
l’Assemblée générale des Nations Unies a
donné le jour au Traité sur le commerce
des armements. L’objectif déclaré n’est
pas de limiter les exportations et
importations d’armes
« conventionnelles », lourdes et
légères, mais de les réglementer. Parmi
les principes sur lesquels se fonde le
Traité se trouve en effet celui du
« respect des intérêts légitimes des
Etats à acheter des armes
conventionnelles pour exercer le droit à
l’autodéfense et pour les opérations de
peacekeeping, et de produire,
exporter, importer et transférer des
armes conventionnelles ».
Les cent plus grandes industries
guerrières du monde, dont 78 sont basées
aux Etats-Unis et en Europe occidentale,
pourront ainsi continuer à accroître
leurs ventes, dont la valeur annuelle
estimée approche les 500 milliards de
dollars. Les principaux exportateurs
sont les Etats-Unis, suivis par
la Russie, l’Allemagne, la France et la Chine, qui a dépassé la Grande-Bretagne. Les
principaux importateurs sont l’Inde, le
Pakistan et les monarchies du Golfe.
Forte croissance aussi pour les
importations d’armes en Afrique du Nord,
qui ont augmenté de 350% en 2007-2012.
Personne par contre ne connaît la valeur
réelle des transferts internationaux
d’armes, dont certains adviennent sur la
base de transactions politiques. Parmi
ceux-ci, par exemple, les 20 véhicules
blindés de combat Puma, donnés par
l’Italie aux gouvernants libyens « à
titre gracieux » (c’est-à-dire payés
avec l’argent public par les
contribuables italiens).
A quoi sert alors le Traité ? Il
faut dire avant tout que, bien qu’ayant
été approuvé à une large majorité, il a
fait l’objet d’abstentions
significatives, surtout celles de
la Russie, de
la Chine et de l’Inde.
En outre, même après avoir été ratifié
par les parlements nationaux (chose qui
n’est pas du tout acquise, notamment aux
Etats-Unis), le Traité ne sera pas
contraignant mais constituera une sorte
de code de conduite auxquels les
gouvernements devraient se tenir. La
norme fondamentale est que les armes ne
doivent pas être fournies à des Etats
qui « minent la paix et la sécurité et
commettent des violations du droit
humanitaire international ». Comme
l’assure le secrétaire d’Etat étasunien
John Kerry, le Traité contribuera à
« réduire le risque que les transferts
internationaux d’armes conventionnelles
ne soient utilisés pour accomplir les
pires crimes du monde, y inclus
terrorisme, génocide, crimes contre
l’humanité et crimes de guerre ».
En d’autres termes, le Traité
autorise la fourniture d’armes aux
« gentils » mais interdit strictement de
les fournir aux « méchants ». Reste à
voir qui sont les uns et les autres. Si
le Traité par exemple avait été approuvé
par l’Onu en 2011, que ce serait-il
passé ? Il aurait été employé pour
justifier l’embargo draconien contre la
fourniture d’armes au gouvernement
libyen accusé de crimes contre
l’humanité. En même temps il aurait
servi à rendre légales la fourniture de
bombes étasuniennes aux alliés (Italie
comprise) qui avaient épuisé les leurs
dès les premières semaines de
bombardements.
Aujourd’hui, souligne la
responsable d’Oxfam International pour
le contrôle des armements, se faisant le
porte-parole d’une idée répandue dans
l’éventail pacifiste qui défend le
Traité, il peut contribuer à réduire la
tragédie de la guerre civile en Syrie,
puisque « la Russie soutient que les
ventes d’armes au gouvernement sont
autorisées car il n’y a aucun embargo ».
Elle oublie cependant le flux croissant
d’armes, confirmé par la récente enquête
du
New York Times (il
manifesto 27 mars), qui sont livrées
au « rebelles » à travers un réseau
international organisé par
la Cia, qui implique
la Turquie,
la Jordanie
et
la Croatie. Dans
cette logique, un autre des principes
sur lesquels est fondé le Traité, à
savoir « le droit de tous les Etats à
l’autodéfense individuelle et collective
reconnu par l’article 51 de la Charte des nations unies », peut être interprété
de manière à justifier l’embargo des
armes au gouvernement syrien et, en même
temps, leur livraison aux « rebelles »,
en assurant que ceux-ci les utilisent
pour l’ « autodéfense ».
Différents défenseurs du Traité
affirment que sont bannies les ventes
d’armes non seulement aux Etats mais
aussi aux groupes qui les utilisent dans
des actions qui violent les droits
humains, mais qu’elles peuvent être
fournies ouvertement et légalement aux
« mouvements de libération qui luttent
contre des gouvernements abusifs ».
Comme, précisément, le gouvernement
syrien que les Usa et l’Otan considèrent
comme illégal, pendant qu’eux-mêmes
arment et entraînent le « mouvement de
libération », en grande partie infiltré
de l’étranger.
Les industries guerrières
pourront ainsi continuer à faire des
affaires en or : il suffit qu’ils
vendent les armes à ceux qui les
utilisent pour « le droit à
l’autodéfense et pour les opérations de
peacekeeping ».
Edition de jeudi 4 avril de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130404/manip2pg/09/manip2pz/338381/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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