L'art de
la guerre
Derrière l'«
Africa Trip » d'Obama
Manlio
Dinucci
Mardi 2 juillet 2013
Il s’est fait photographier dans
la Maison des esclaves,
sur l’île de Gorée au Sénégal, le regard
pensif sur cet Atlantique à travers
lequel des millions d’Africains furent
transportés, enchaînés, aux Amériques.
Il s’est déclaré inspiré, en tant que «
président Afro-américain », par ce lieu
qui « me donne des motivations encore
plus grandes pour défendre les droits
humains dans le monde entier ». C’est
dans cette tonalité que le président a
commencé son voyage en Afrique. Mais, en
Afrique du Sud, il a été accueilli par
des milliers de travailleurs et
d’étudiants qui l’ont qualifié d’ «
esclavagiste », en l’accusant de
trahison de ses promesses électorales et
de crimes de guerre. Obama n’est même
pas arrivé à se faire photographier au
chevet de Nelson Mandela, image-symbole
à laquelle il tenait beaucoup. Tout ne
s’est donc pas déroulé pour le mieux
dans l’ « Africa Trip 2013 ». Tour de
propagande qui a coûté une centaine de
millions de dollars : avec le président
sont arrivés des Usa des centaines
d’agents des services secrets, avec 56
véhicules spéciaux dont 14 limousines
blindées et trois camions chargés de
vitres pare-balles, et un porte-avions
dont les chasseurs ont pris le contrôle
de l’espace aérien le long du parcours
présidentiel. La véritable raison du
voyage est apparue quand Obama a déclaré
que «
la Chine
porte beaucoup d’attention à l’Afrique »
et que c’est l’ « intérêt des Etats-Unis
d’approfondir et d’élargir les
partenariats avec les pays africains ».
Il y a pourtant un problème : les Usa
n’arrivent pas à rivaliser avec la Chine, dont les
investissements sont pour les pays
africains beaucoup plus utiles et
avantageux que les étasuniens, qui, eux,
visent le profit maximal en se
concentrant sur l’exploitation des
ressources énergétiques et minérales.
Pour parer à l’influence chinoise et
renforcer celle des Etats-Unis en
Afrique, l’administration Obama a
surtout recours à des instruments
politiques et militaires. Parmi ceux-ci,
« l’Initiative pour les jeunes leaders
africains », dont l’objectif est de «
développer un réseau prestigieux de
jeunes leaders dans des secteurs
fondamentaux et de cimenter des liens
encore plus forts avec les Etats-Unis ».
A travers des « forums de haut niveau »
et plus de 2mille « programmes pour la
jeunesse » financés par des millions de
dollars, Washington essaie de créer en
Afrique de nouvelles élites dirigeantes
pro-Usa. En même temps, par le biais du
Commandement Africa, on renforce la
présence militaire étasunienne sur le
continent. La principale base pour cette
opération est Sigonella (Sicile). C’est
là qu’a été déployée la Special-Purpose Marine
Air-Ground Task Force (Magtf) du Corps
des marines, qui, dotée de convertibles
(rotors
basculants, Ndt) MV-22 Ospreys et
d’avions-citernes C-130, envoie des
escadrilles en Afrique, par roulement.
Depuis janvier, partant de Sigonella,
elle a entraîné des forces spéciales
africaines en Ouganda, Burundi,
Cameroun, Ghana, Burkina Faso,
Seychelles, Mozambique, Tanzanie,
Sénégal et Libéria. La task force de
Sigonella collabore aussi au Military
Intelligence Basic Officer Course-Africa,
dans lequel sont formés des officiers
des services secrets africains au Kenya,
en Ethiopie, Soudan du Sud, Nigeria et
autres pays. Le cours Miboc-A est défini
comme « une des centaines d’activités
pour la sécurité réalisées par les
militaires Usa en Afrique ». Ainsi
s’étend sur l’Afrique le réseau
militaire étasunien, qui à travers de
multiples liens recrute officiers et
forces spéciales locales. Opération
dirigée par le Commandement Africa, qui
a installé il y a quelques jours, auprès
de
la Task
force conjointe pour
la Corne
d’Afrique et Djibouti, son premier «
poste de commandement avancé » sur le
continent. Nouvelle version des vieux
instruments de domination coloniale.
Mais qu’Obama fasse attention :
comme il l’a lui-même dit, « l’Afrique
est en train de se soulever ».
Edition de mardi 2 juillet 2013 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130702/manip2pg/14/manip2pz/342575/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Le sommaire de Manlio Dinucci
Les dernières mises à jour
|