Opinion
SENEGAL : Le vent
avant l'ouragan
Malao Kante
Abdoulaye Wade
Samedi 25 juin 2011
Une pluie qui s’annonce se voit
aisément. Depuis belle lurette, les
seigneurs du désordre avaient prédit de
mauvais auspices pour le pays. Le
« jeudi noir » du 23 juin risque de ne
pas être la fin ni le commencement de la
fin mais peut-être la fin du
commencement comme dirait Winston
Churchill. Au bord du « gouffre »,
l’autodafé ne craint plus rien. Et le
peuple a atteint la rage du chien
innocent qu’on veut noyer. A force de
tirer et d’étirer le bouchon, les
dirigeants sénégalais ont fini par faire
perdre au peuple sa belle et longue
patience. Dors et déjà, les « gens de la
rue » ne reculent plus et n’ont plus
rien à craindre.
Le président a fait fi de tous les
conseils et recommandations. Des mois
durant, sénégalais et étrangers le
mettaient en gardent, ils n’ont eu de
cesse à l’appeler à la raison, à la
sagesse. Mais le plus célèbre locataire
du quartier de Plateau avait cru que sa
demeure lui appartenait. Tellement
tranquille dans son sommeil bercé par la
parfaite brise de mer, Abdoulaye Wade
préféra sillonner le monde pour régler
des conflits, négocier les départs des
mauvais dirigeants, promettre la paix
jusque dans la géhenne de Benghazi.
Pendant ce temps, sous sa fenêtre, les
laves du volcan annoncent la ruine de la
belle maison dont il est le simple
gardien. De génération en génération, ce
beau toit est bien entretenu et ses
différents gardiens ont tous refusé
qu’il s’écroule entre leurs mains allant
même jusqu’à démissionner là où ils
pouvaient demander une dérogation de
leur contrat. Quant à Wade tout porte à
faire croire qu’il ne se soucie guère de
sa réputation et celle de sa famille
pour les générations futures. S’il
s’obstine à s’entêter et à récidiver,
l’histoire retiendra son nom comme le
dernier des sénégalais, celui là même
qui a osé brûler
notre belle patrie mère.
A l’heure où nous sommes, plus rien ne
peut retenir l’ire du peuple. Car, les
canaux par lesquels les pouvoirs
politiques sénégalais passaient pour
canaliser la foudre de la rue sont tous
épuisés. C’étaient les guides religieux
qui apaisaient les tensions mais le
mutisme absolu de certains d’entre eux
sur les forfaitures du régime ont
gravement endommagé la foi et la
confiance que le peuple leur accordait.
La seule voix qui s’avère être la bonne
et qui donne résultat hic et nunc :
c’est la « rue ». Cette voix les
sénégalais l’ont découvert entre autre
le 23 juin. A coup sûr, ils n’hésiteront
plus à redescendre dans la rue pour se
faire entendre encore et encore.
L’histoire nous a démontré que toutes
les fois que la « rue » prenne
conscience de sa force magique, celle de
l’Etat s’agenouille. Il en était ainsi
en Afrique du Sud mais bien avant encore
car nous gardons toujours une mémoire
fraîche de la révolution française. Ce
sont ceux qu’on appelle les « traine-misères »,
les « va-nu-pieds », les « sans
culottes » qui ont bouté le Roi hors de
sa tanière. Récemment, le printemps
arabe ne nous montre pas le contraire.
Et le peuple sénégalais est plus que
jamais sûr de lui-même. Cette petite
victoire remportée n’est que le début
d’un long et dur combat. La rue a gagné
une bataille mais la guerre n’est pas
finie. Si De gaulle était vivant, il
nous dirait surement ça.
MALAO KANTE NICE.
Vive la rue.
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