Opinion
L'exception
sénégalaise ! Pour combien de temps
encore ?
Malao Kante
Jeudi 23 juin 2011
Pour beaucoup, le Sénégal est un pays
profondément ancré dans une culture
dialogique, de paix. Ce qui n’est pas
faux. Depuis son indépendance (et bien
avant encore), la jeune république a su
surmonter de grandes difficultés tant
sur le plan politique que social. Donc,
ce n’est point l’absence de crises
majeures qui constitue la particularité
sénégalaise. Comme la plupart des pays
africains, la terre de la teranga s’est
confrontée à des problèmes de natures
très complexes dont un seul suffisait
pour la métamorphoser en poudrière. De
la crise de la fédération du Mali à
l’assassinat de Mr Sèye en passant par
la grande grève de 1988 (sans oublier
les affaires du Président Dia, de
Blondin Diop…), le Sénégal a connu au
cours de sa « petite histoire » des
bouleversements sociopolitiques de
grandes envergures. En 2000, tous les
observateurs, s’accordaient à dire que
ça y est : le pays a atteint son point
culminant dans sa méthode de
« diplomatie sociale ». Et cette fois-ci
(comme les autres fois d’ailleurs), le
pays s’en est sorti encore plus grand.
L’exception sénégalaise s’explique,
d’après certains spécialistes, par trois
facteurs que sont la langue, la religion
et l’éducation. La langue joue un rôle
capital dans le maintien de la cohésion
sociale. Son poids dans la gestion des
conflits n’est pas sans importance. Au
Sénégal, les circonstances ont fait
qu’une langue prime sur les autres. Sans
se départir des leurs, les autres
ethnies acceptent d’utiliser le Wolof
comme moyen de communication sociale.
Une chance rarissime en Afrique noire.
Aussi, la religion a plus ou moins
réussi à cimenter les liens sociaux. Le
modèle confrérique (source de division
ailleurs) a toujours assuré son devoir
de « normalisateur » en cas de
contentieux. Sans doute, cela s’explique
par les rapports amicaux
qu’entretiennent les différentes
autorités califales. Si les disciples
spéculent (avec véhémence parfois) quant
à la supériorité de leurs guides, les
marabouts eux préfèrent la voix de la
prudence et de la sagesse. Cette
attitude a beaucoup contribué à purifier
l’atmosphère sociale sénégalaise. A ces
deux facteurs, s’ajoute l’éducation. A
la différence de beaucoup de pays
pauvres, le Sénégal bénéficie d’une
bonne politique dans ce domaine. Les
hasards de l’histoire ont fait que le
pays a très vite eu des contacts avec de
grandes civilisations arabes ou
occidentales. Et fort heureusement, cet
héritage culturel est transmis voire
conservé de génération en génération. De
Fouta à Salimata, on note une forte
présence intellectuelle (arabisant comme
produit de l’école européen ou même
traditionnelle). Un peuple instruit
n’est-il pas un peuple guéri ?
Toutes fois, les politiques semblent
prendre pour argent comptant ces
donnes : ce qui est très dangereux. Par
le passé, des peuples qui ont partagé
une langue commune, une même religion et
ayant une vaste culture intellectuelle
ont sombré dans le chaos le plus total.
Aujourd’hui encore on assiste à de tels
scénarii. Ces facteurs ne sont que de
simples moyens et non des fins. Combien
de fois on entend souvent dire : « Le
sénégalais est un poltron par
excellence » ou que « ceci n’arrive
qu’aux autres » ? Mais qui aurait pu
croire que des jours sombres, comme on
en assiste ces derniers temps,
arriveront ; des jours où des sénégalais
s’aspergent de l’essence pour s’immoler
et donc mourir dans la douleur. En dépit
des appels au « bon sens », on continue
quant même d’assister, la mort dans
l’âme, à des scènes d’immolations
terribles, aux invitations sans cesse à
l’insurrection. Faut-il y voir la main
du diable ou le malaise de tout un
peuple ?
Malao Kante,
CRHI
Nice.
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