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Opinion
De Sanaa à
Hadramaout le monde s'effondre
Malao Kanté
Sanaa - Photo: RIA
Novosti
Mercredi 2 mars 201
Les événements qui se déroulent actuellement dans le monde arabe
interpellent pour moult raisons le monde entier sur la question
des régimes totalitaires ou monarchiques. Depuis le sacrifice de
Sidi Bouzid (élément détonateur), la contagion de la colère
semble grandir de jour en jour dépassant ainsi d’une frontière à
l’autre. La leçon à tirer de ces tollés, c’est que plus un
dictateur n’est à l’abri ; et que seul le peuple détient le
monopole de la puissance légitime voire absolue. Autrement dit,
une dictature ne peut régner qu’en entretenant les masses dans
la peur et l’intimidation. Ce système dure aussi longtemps que
l’alimentation de la dite peur perdure. Mais lorsque la
population devient consciente de sa force et de son pouvoir
alors plus rien ne pourra l’arrêter. Ce que le peuple veut, dieu
le veut. C’est ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte.
Le même scénario est attendu ailleurs comme en Algérie, au
Yémen… Compte tenu de la nature de ces deux régimes, on peut
d’emblée affirmer que les dés sont joués en ce qui concerne ces
gouvernements. Ils présentent les mêmes caractéristiques que les
deux précédents régimes déchus tant sur le plan de la gestion du
pouvoir qu’au niveau du système même. S’ajoute le fait que ces
Etats sont tous dirigés par des hommes issus de l’armée. Toutes
ces similitudes font qu’on peut s’attendre à ce que le vent de
la révolte secoue ces pays à leurs tours.
En revanche, le cas de la Jordanie, du Maroc et de l’Arabie
saoudite semble être plus complexe. Car, ces trois Etats sont
dirigés par des hommes qui revendiquent une certaine identité.
En d’autres termes,
ces derniers s’appuient sur leurs légitimés historiques pour
exercer et incarner l’autorité. Au Maroc par exemple, le statut
du dirigeant est perçu différemment contrairement aux autres
contrées du Maghreb. Ici, l’exercice du pouvoir ne se limite pas
aux seules raisons politiques. C’est aussi une affaire divine.
Le « Roi », c’est le chef des musulmans (amir al mouminin). Il
représente d’une certaine manière Dieu sur terre. De surcroit,
il bénéficie du privilège d’être le petit fils du prophète.
Toutes ces raisons,
font que la question du pouvoir, de l’autorité est finalement
entouré par un taboue sans limite. Vouloir opérer une révolution
donc dans un tel cas signifie éradiquer d’abord toute la
mystification faite autour de la magistrature suprême.
Ceci n’est guère facile car seul un travail de longue
haleine peut préparer les masses à cet état de fait. Et le Maroc
comme la Jordanie (du moins leurs dirigeants) bénéficie de cet
avantage. Quant à l’Arabie saoudite, la donne est moins
compliquée. La royauté n’est ni divinisée, ni liée à la
prophétie, ceux qui incarnent le pouvoir s’appuient uniquement
sur leur légitimé historique : une forme de pouvoir
traditionnel.
Mais en dépit de toutes ces différences notées d’un Etat à
l’autre, ce qui demeure sûr, c’est que le dernier mot revient au
peuple. Un peuple conscient et organisé peut renverser n’importe
quel type de régime fusse t-il une monarchie de mille ans armée
jusqu’aux dents. Le cas de l’Iran, n’est ce pas une belle
illustration ?
La joie notée dans tous les cœurs (arabes ou pas) ces derniers
temps témoigne au moins d’une chose, c’est que
la dictature est en soi une chose détestable quelque soit
l’argument qui le justifie. Ainsi, les chutes de ces monstres
qui s’accrochaient au pouvoir permettent non seulement aux
dirigeants qui faisaient nourrir de tels projets de se
désillusionner mais aussi et surtout aux peuples opprimés de
retrouver un espoir : l’espoir d’un jour de paix et de gloire.
Car, comme disait Oumar Sankharé, aussi longue, aussi noire que
soit la nuit, il arrivera toujours une heure où enfin le soleil
se lève. Et comme l’avait prédit le prophète arabe à savoir
qu’il arriverait un jour où le musulman pourra marcher de Sanaa
à Hadramaout sans craindre qui que ce soit ni quoi que ce soit
si ce n’est Dieu lui-même ; aujourd’hui, de Sanaa à Benghazi,
l’heure est venue où les dictateurs sont terrorisés et
tétanisés. Malheur à eux car point d’échappatoire pour eux.
Malao Kanté, Sociologue et doctorant en Philosophie, Nice
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