Opinion
Le G8 :
l'Afrique devrait-elle encore compter sur les grandes puissances
?
Malao Kanté
Photo: L'Humanité
Mercredi 1er juin 2011
La politique de dépendance que les premiers dirigeants africains
avaient entamée, continue d’être appliquée et de plus belle
encore. Depuis les années des indépendances, l’Afrique a
toujours cru (et à tort) que les « autres » viendront lui porter
secours et redorer son blason.
Telle une jeune fille à la fleur de l’âge, à chaque
printemps, ses prétendants lui promettent la bague du seigneur
des anneaux ; malheureusement, elle y croît et patiente d’une
belle patience. Depuis combien de temps : sommets, réunions,
rencontres de toutes sortes ont été organisés en vue de sortir
le continent du gouffre ? Combien de plans de développement, de
coopérations ou de fédérations ont vu le jour ? Pourtant, on a
comme l’impression que le continent fait exprès de reculer comme
dirait la sociologue Axelle Kabou. Pauvreté, guerres civiles,
épidémies… les maux du continent sont endémiques. En dépit des
nombreux diagnostiques, il semble de nos jours que ceux-ci sont
incurables.
Mais l’un des grands obstacles du développement auquel fait face
le continent c’est-à-dire son plus grand piège : c’est le
recours sans cesse aux aides internationales. Jamais un pays ne
se développe à travers des aides. Les dirigeants africains sont
partout considérés comme des mendiants, ils sillonnent sommet
après sommet pour tendre la main. Ce fait déplorable résulte
néanmoins d’une veille politique économique élaborée par les
pays reconnus aujourd’hui comme de « généreux donateurs ». Il
s’agit de l’économie de la dépendance (voir Samir Amin…). Quatre
grands axes composent cette vision politico-économique à savoir
l’industrialisation périphérique, l’agriculture extravertie,
l’échange inégal et le blocage monétaire.
L’industrialisation périphérique
consiste à installer des usines en Afrique dont les
réglages et le système de fonctionnement dépendent entièrement
(d’un point de vue technique) des pays développés. Il s’agit
donc d’un transfèrement de matériels, d’un délogement
d’entreprises et nullement d’un transfert de technologie. C’est
pourquoi, on continue de faire toujours appel à des ingénieurs
et experts autres qu’africains pour résoudre les problèmes
scientifiques auxquels sont confrontées nos entreprises.
Par agriculture extravertie, il faut entendre le fait que les
pays africains n’ont pas choisi leur paysage agricole à l’heure
actuel. Les cultures développées dans certaines zones ne
faisaient que répondre aux besoins des puissances coloniales de
l’époque. C’est ce qui justifie d’ailleurs le fait que nous
continuons de lier une forte complicité commerciale avec ces
Etats car ils sont devenus après les indépendances nos « clients
naturels ». Par exemple, la culture de l’arachide au Sénégal a
été imposée et non voulue par les paysans. Il en est de même
pour le Cacao en Côte d’ivoire. Aujourd’hui, nos gouvernements
continuent de favoriser ses cultures sans véritablement
réfléchir sur la rentabilité de ces dernières à court ou long
terme.
En ce qui concerne l’échange inégal, il traduit le caractère
injuste de la relation commerciale Nord-Sud. Dans ce rapport,
les perdants sont naturellement les pays du tiers. Ils
produisent les matières premières (indispensables pour les
nations industrialisées) et les vendent à vil prix. Ces matières
une fois transformées en produits manufacturées par les
industriels nous sont revendues à des prix surélevés. Par
exemple, à cause de l’agriculture extravertie, nous sommes dans
l’obligation de vendre nos produits à certains pays qui ont
développé une technologie très avancée dans l’exploitation.
Ainsi, on se retrouve dans une sorte de troc où une des parties
perd à la fois le beurre et l’argent du beurre. Nous vendons
l’arachide et le cacao… mais avec ce profit, nous achetons chez
le client le triple de notre plus-value.
Enfin le blocage monétaire joue un rôle capital dans le
développement du sous-développement africain. Le fait que
certaines monnaies soient garanties par d’autres constitue une
erreur très grave ; et c’est de cela qu’il s’agit avec le FCFA
particulièrement. Depuis 1939 avec la création de la zone
« franc », cette partie du continent ne cesse d’être sous
surveillance monétaire. Or, il n’existe pas de blocage (à
l’essor économique) plus sévère que celui-ci. En contrôle la
monnaie, on contrôle aussi l’avenir économique.
Voilà de manière très résumée la situation économique actuelle
du continent. Et en aucun cas la politique de la main tendue ne
sera une alternative face à la pauvreté et au
sous-développement. L’Afrique doit savoir qu’elle a atteint la
maturité et qu’elle devrait dors et déjà apprendre à marcher
toute seule. N’est-il pas vraie que le maître ne doit pas porter
l’élève mais de l’élever afin que celui-ci puisse voler de ses
propres ailes ? Malheureusement le laxisme et la passivité sont
devenus des valeurs dans la plupart des pays et le travail, un
concept vide de sens (même chez les dirigeants). Il est grand
temps pour que l’on réentende la leçon d’Abraham Lincoln : « Le
capital est seulement le fruit du travail et il n’aurait jamais
pu exister si le travail n’avait tout d’abord existé. »
MALAO KANTE, Nice (France).
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