FOCUS -
GEOPOLITIQUE
Yémen : le projet
américain de « Grand Moyen-Orient » en
action ...
Luc
Michel
Mardi 9 juillet 2013
Pour comprendre la crise yéménite,
retour sur une descente aux enfers …
2e édition 2013 07 07 (1ère
édition 2012 02 25) /
PCN-SPO / Focus /
Focus : Le fait du jour décrypté
par Luc MICHEL
pour le Service de Presse du PCN /
PCN-SPO
Lu sur le fil AFP (Paris)
Ce 25 février 2012 :
« Yémen/présidentielle: Abd Rabbo
Mansour Hadi élu à 99,8% des voix … »
# Encore une des ces élections
virtuelles organisée par l’Occident et
ses alliés. Mais les mêmes critiquent
sans fin la Démocratie dirigée russe …
CES ELECTIONS VIRTUELLES QUE L’OCCIDENT
AVALISE …
L'unique candidat à la présidentielle
yéménite de ce mardi, celui des USA et
de l’OTAN, de ses alliés
fondamentalistes arabes du Qatar et
d’Arabie saoudite, le vice-président Abd
Rabbo Mansour Hadi, issu de l’aile du
régime yéménite proche des américains, a
été élu à 99,8% des voix, a annoncé
vendredi soir la commission électorale
nationale à Sanaa. Selon les résultats
définitifs, 6.635.192 électeurs sur les
10.243.364 ont pris part au scrutin,
soit un taux de participation de 66%.
Sur les votes validés, 99,8% sont allés
à M. Hadi, selon la même source.
M. Hadi était le seul candidat pour
succéder à Ali Abdallah Saleh dans le
cadre d'un accord de transition élaboré
par les monarchies du Golfe, et dont le
Qatar était le maître d’œuvre.
Le nouveau président "prêtera serment
devant le Parlement samedi 25 février et
sera investi lundi 27 février lors d'une
cérémonie au palais présidentiel au
cours de laquelle Ali Abdallah Saleh lui
remettra officiellement le pouvoir", a
indiqué la commission électorale dans un
bref communiqué. Jeudi, la commission
avait indiqué qu'elle continuait de
rassembler les résultats du scrutin et
expliqué le retard par des difficultés
logistiques et le fait que dans le Sud,
le vote avait été perturbé par des
autonomistes.
Une « élection », avec un candidat
unique, qui est boycottée dans le Sud et
non organisée dans le nord, dans la
province de Saada qui a proclamé son
autonomie, et dans les villes contrôlées
par Al-Qaida, est évidemment une
élection virtuelle. Ceci d’autant plus
qu’elle est censée « amorcer un
processus de réconciliation » (sic).
« Dans le sud du Yémen, le mouvement
séparatiste a toutefois multiplié les
violences, entraînant la mort de
plusieurs personnes et la fermeture de
nombreux bureaux de vote. Le rôle des
services de sécurité dans cette escalade
n'était pas clairement établi. Dans le
nord du pays, l'appel à un boycottage
lancé par un groupe rebelle aurait été
suivi », reconnaît le très pro
occidental MONDE.
… QUAND ELLES RENTRENT DANS LES PROJETS
GEOPOLITIQUES DES USA !
Mercredi, un proche de M. Saleh, le
vice-ministre de l'Information Abdo
Janadi, avait assuré que le président
sortant, parti aux Etats-Unis pour des
soins médicaux, serait de retour à Sanaa
pour la cérémonie d'investiture de son
successeur. L'élection de M. Hadi pour
une période transitoire de deux ans fait
du Yémen le premier pays arabe où un
soulèvement aboutit à une solution dite
« négociée ». Ce soulèvement était
appuyé et organisé précisément par le
Qatar, avec le soutien discret de
l’Occident.
Après l’Egypte et la Libye, c’est un
nouveau régime (agonisant) issu du
Nationalisme arabe (de type nassérien)
qui est remplacé par le système
politique prôné par les USA dans le
cadre de leur projet dit du « Grand
Moyen-Orient » : l’association de
militaires pro occidentaux (verrouillant
le système) et d’un parlement sous
contrôle ouvert aux islamistes radicaux.
Le but étant de dissocier l’aile
parlementariste des islamistes (Frères
Musulmans, Salafistes, etc) de sa base
radicale djihadiste (liée à Al-Qaida ou
AQMI, son aile nord-africaine).
LE YEMEN : UN PAYS ECLATE ET EN GUERRE
CIVILE
Cette élection virtuelle ne résout rien
dans un pays profondément divisé entre
Nationalistes arabes (les partisans du
président sortant qui a capitulé – en
échange d’une immunité et du maintien de
ses partisans dans l’armée et l’appareil
d’état - et de son « Congrès Général du
Peuple », l’ex parti dirigeant),
fondamentalistes soutenus par le Qatar
et les USA (ceux du parti islamiste Al-Islah,
hégémonique au sein de l'opposition), et
Djihadistes d’Al-Qaida (qui contrôlent
plusieurs villes et mènent une
insurrection islamiste radicale
puissante). « Cette étape suscite un
certain optimisme chez les différents
acteurs locaux et internationaux (ndla :
entendez les Occidentaux). Elle met fin
à six mois d'une lente désagrégation du
pouvoir politique qui a fait craindre
que le pays ne bascule à nouveau dans la
guerre civile. Pourtant, rien n'est
encore joué et la tâche qui attend Abd
Rabbo Mansour Hadi est titanesque.
Pendant les deux ans que durera son
mandat transitoire, l'homme aura à
manœuvrer habilement pour relever les
nombreux défis qui s'imposent à ce pays
miné par des années de guerre civile et
une situation socio-économique
explosive », commente LE MONDE (Paris).
Mais cela n’est pas tout, car s’y ajoute
encore une rébellion islamiste, chiite
cette fois (et discrètement soutenue par
Téhéran). Et qui a proclamé une
république autonome dans le Nord Yémen !
« L'élection présidentielle a mis en
lumière l'assise des deux principaux
mouvements sécessionnistes yéménites
ayant appelé au boycottage. Au nord, à
quelque 150 km de la capitale Sanaa, la
rébellion chiite du mouvement houthi,
entrée dans un cycle de violences contre
l'Etat depuis 2004 » et qui « a profité
de la contestation pour installer une
République au nord, dans la province de
Saada, qui est un quasi-Etat houthi de
facto », explique Dominique Thomas
(spécialiste du Yémen et des mouvements
islamistes dans la péninsule arabique à
l'Ecole des hautes études en sciences
sociales).
Ils ont appelé au boycottage de
l'élection, dénonçant "un processus de
transition imparfait" et réclamant "un
système fédéral et une autonomisation".
Leur constitution récente en parti
politique pourrait amorcer un
changement. Leur force de mobilisation
est grande face à la frustration de la
population locale et le revivalisme
religieux.
Mais la descente aux enfers du Yémen ne
s’arrête pas encore là ! Car le Sud, où
existait la République démocratique
populaire du Yémen (1970-1990), veut
aussi reprendre son autonomie. Car
jadis, comme en Allemagne, existait deux
Yemen, dont la RPDY ayant pour capitale
ADEN, soutenue par Nasser, Etat marxiste
arabe qui avait des liens étroits avec
l’URSS (la disparition de l’URSS ayant
été évidemment suivie de celle de la
RDPY). La réunification s’étant faite
définitivement par la force en 1994,
avec une guerre civile sanglante imposée
par Saana.
« Le Mouvement sudiste, un groupe
autonomiste, a appelé au boycottage du
scrutin de mardi qui doit porter le
vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi à
la tête de l'Etat (…), dit l’AFP. L'aile
dure du Mouvement sudiste, conduite par
l'ancien vice-président yéménite Ali
Salem Al-Baid, qui vit en exil, a invité
ses partisans à empêcher le déroulement
du scrutin, au risque de provoquer des
actes de violence. Elle a appelé à "la
désobéissance civile" mardi dans le Sud,
Etat qui est resté indépendant jusqu'en
1990 ». « A Aden et dans les provinces
environnantes, le Mouvement sudiste a
adopté depuis la guerre civile de 1994
une forme d'action non violente pour
promouvoir son projet fédéraliste. Très
divisé entre mouvances idéologiques, il
est entré dernièrement dans une phase
active, bénéficiant d'un soutien
populaire qu'alimente un véritable
malaise social », commente LE MONDE.
« Le Mouvement sudiste est aujourd'hui à
la croisée des chemins et pourrait
s'orienter vers un militantisme plus
actif et militarisé, comme le montrent
les attaques contre les bureaux de
vote », explique M. Thomas.
AL-QAIDA A AUSSI CHOISI LE YEMEN COMME
BASE DJIHADISTE
Cerise sur un gâteau yéménite pourri, le
sud est aussi un des bastions de la
Guerilla d’Al-Qaida, qui au Yemen n’en
est plus au stade du terrorisme mais à
celui d’une insurrection sur le modèle
afghan. « Les djihadistes sont les
derniers arrivés sur la scène yéménite
en 2009. Après la restructuration des
branches saoudienne et yéménite d'Al-Qaida
dans la péninsule arabique et profitant
de la déliquescence de l'Etat, ils sont
entrés dans une phase active de contrôle
du territoire », note Dominique Thomas.
« Fort de quelques milliers de
combattants, ils ont pris le contrôle
d'une demi-douzaine de villes et
considérablement augmenté leur capacité
de mobilisation dans le sud et l'est du
pays et au nord de Sanaa. Leur bras
social, les Ansar Al-Charia, imposent
dans ces villes la loi islamique »,
commente LE MONDE.
L'Etat yéménite est incapable de
reprendre le contrôle de ces zones, y
compris en se servant des milices des
tribus. « Il est possible que la
solution militaire ne soit pas adaptée,
estime M. Thomas, alors que le dialogue
entamé par certaines tribus avec Ansar
Al-Charia pour libérer la ville de Radah
par exemple s'est avéré payant. L'Etat
pourrait ainsi négocier la libération
des villes et le retour des populations
déplacées contre la libération des
combattants djihadistes, une gestion
partagée des affaires civiles et une
application plus stricte de la Charia ».
LE NOUVEAU PRESIDENT YEMENITE : L’HOMME
DES AMERICAINS
L’actuel vice-président du Yémen, Abd
Rabbo Mansour Hadi, qui accédera demain
à la présidence, est un militaire de
carrière sans base populaire ou tribale,
et dépendant totalement de ses soutiens
extérieurs américain et qatari, mais qui
a su se révéler comme un homme de
consensus. Agé de 57 ans, discret, il
s’est imposé durant les quatre mois
d’absence du président Ali Abdallah
Saleh, grièvement blessé lors d’un
attentat en juin dans la guerre civile
rampante qui frappe le Yémen. Il a
notamment peaufiné son image d’homme
jouissant du respect de l’ensemble des
acteurs politiques, opposition comprise.
L’homme est en effet « tenu » par un
passé marxiste qu’il a du faire oublier.
Au sein de l’armée, il a su gravir les
échelons sous la République démocratique
populaire du Yémen (1970-1990), seul
Etat marxiste arabe qui avait des liens
étroits avec l’URSS. Nommé ministre de
la Défense en 1994 après la
réunification, il secondera ensuite sans
état d’âmes le président Saleh
aujourd’hui démissionnaire.
« Son image trône déjà dans toutes les
rues du Yémen depuis le 15 février. Jour
où l'ancien président Ali Abdallah Saleh
a demandé d'enlever ses portraits et de
mettre à la place ceux du vice-président
Abd Rabbo Mansour Hadi, unique candidat
à l'élection présidentielle anticipée du
21 février. Une élection-plébiscite à
laquelle les Yéménites ont participé en
nombre, mardi. Le processus est
toutefois conforme à l'accord de sortie
de crise proposé par les pays du Golfe
et signé par toutes les parties
impliquées dans le soulèvement. Après le
départ de l'ancien président Saleh,
l'arrivée au pouvoir de M. Hadi
constitue une nouvelle étape du
processus de transition politique »,
commente LE MONDE (Paris).
Précisons que le terme « processus de
transition » est une notion complexe qui
envisage la transformation des régimes
socialistes en « démocratie de marché »
occidentales. Au départ dans l’Est
européen post-soviétique, aujourd’hui,
où le terme est remis à l’ordre du jour,
au Proche-Orient.
Selon l’envoyé du président américain
Obama, John Brennan, qui l’a rencontré
ce samedi, Mansour Hadi s’est engagé à
poursuivre la lutte contre Al-Qaeda et à
«détruire» le réseau
extrémiste…
LM
http://www.lucmichel.net/2013/07/07/luc-michel-focus-geopolitique-yemen-le-projet-americain-du-grand-moyen-orient-en-action/
Photo : tank de
l’Armée yéménite avec des affiches
électorales du Vice-Président Abed Rabbo
lors de la présidentielle 2012 …
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