FOCUS -
GEOPOLITIQUE
Scénario somalien
pour le Yémen ?
Luc
Michel
Mardi 9 juillet 2013
PCN-SPO / Focus / 2013 07 08 /
Focus : Le fait du jour décrypté
par Luc MICHEL
pour le Service de Presse du PCN /
PCN-SPO
Lu sur le fil AFP (Paris)
Ce 7 juillet 2013 :
« Des milliers de Yéménites se sont
rassemblés dimanche à Moukalla,
chef-lieu du Hadramout (sud-est), pour
réclamer la sécession du sud du Yémen, à
l'occasion du 19e anniversaire de la fin
de la guerre civile remportée le 7
juillet 1994 par les Nordistes."Ni
union, ni fédération. Non à
l'occupation", ont scandé les
protestataires venus de plusieurs
provinces du Sud et rassemblés sur une
place de Moukalla. Les manifestaient
arboraient des drapeaux de l'ex-Yémen du
Sud et des portraits du président du
Conseil supérieur du Mouvement sudiste,
Hassan Baoum. »
# Dans un communiqué, les organisateurs
ont réaffirmé leur rejet "du dialogue
national", en cours à Sanaa, et réclamé
"des négociations (...) sous parrainage
arabe ou international, pour discuter
des moyens de mettre fin à l'occupation
du Sud". Le sud du Yémen était
indépendant avant sa fusion en 1990 avec
le Nord. Une guerre civile, qui a opposé
les deux parties de mai à juillet 1994,
a été remportée par les Nordistes,
accusés par les Sudistes de les
marginaliser et des les discriminer.
LE SUD YEMEN NOSTALIQUE DE SON
INDEPENDANCE PASSEE
Car jadis, comme en Allemagne, existait
deux Yemen, dont la RPDY, la République
démocratique populaire du Yémen
(1970-1990), ayant pour capitale ADEN,
soutenue par Nasser, Etat marxiste arabe
qui avait des liens étroits avec l’URSS
(la disparition de l’URSS ayant été
évidemment suivie de celle de la RDPY).
La réunification s’étant faite
définitivement par la force en 1994,
avec une guerre civile sanglante imposée
par Saana.
Un Mouvement sudiste, né ces dernières
années, réclame donc l'autonomie du Sud,
mais sa tendance dure, dirigée par
l'ancien vice-président Ali Salem Al-Baïd,
milite pour une sécession et s'oppose au
dialogue national, convoqué en mars 2013
à Sanaa avec la question sudiste en tête
de son ordre du jour.
Le dialogue national, auquel participent
quelques composantes du Mouvement
sudiste, est censé « élaborer une
nouvelle Constitution et préparer des
élections pour février 2014 », à la fin
« d'une période de transition de deux
ans ».
« Transition » sur le modèle de la Libye
du CNT, elle-même inspirée du processus
de liquidation des structures
soviétiques ou titistes-socialistes en
Europe orientale dans les Années 1990
(1). Précisons que le terme « processus
de transition » est à l’origine une
notion complexe qui envisage la
transformation des régimes socialistes
en « démocratie de marché »
occidentales. Au départ dans l’Est
européen post-soviétique, aujourd’hui,
où le terme est remis à l’ordre du jour,
au Proche-Orient.
Ce dialogue est prévu par l'accord
politique qui a permis le départ de
l'ancien président Ali Abdallah Saleh en
février 2012 après un mouvement de
contestation populaire transformé en
« révolution de couleur » contre son
régime.
LE YEMEN EN VOIE DE SOMALISATION
Dans un éditorial de février 2012,
j’avais longuement analysé la
désagrégation de l’Etat yéménite (2),
inscrite dans le projet US dit du
« Grand Moyen Orient » et en voie de
réalisation via le scénario stratégique
opérationnel du soi-disant « printemps
arabe ». Après l’Egypte et la Libye, le
Yemen est un régime (agonisant) de plus,
issu du Nationalisme arabe (de type
nassérien), qui est remplacé par le
système politique prôné par les USA dans
le cadre de leur projet du « Grand
Moyen-Orient » : l’association de
militaires pro occidentaux (verrouillant
le système) et d’un parlement sous
contrôle ouvert aux islamistes radicaux.
Le but étant de dissocier l’aile
parlementariste des islamistes (Frères
Musulmans, Salafistes, etc) de sa base
radicale djihadiste (liée à Al-Qaida ou
AQMI, son aile nord-africaine).
J’y décrivais la désagrégation du Yemen,
un pays profondément divisé, dans un
processus de guerre civile larvée,
autour de factions armées antagonistes :
- Nationalistes arabes (les partisans du
président sortant Saleh qui a capitulé –
en échange d’une immunité et du maintien
de ses partisans dans l’armée et
l’appareil d’état – et de son « Congrès
Général du Peuple », l’ex parti
dirigeant) ;
- fondamentalistes soutenus par les
Saoudiens, le Qatar et les USA (ceux du
parti islamiste Al-Islah, hégémonique au
sein de l’opposition) ;
- Djihadistes d’Al-Qaida (qui contrôlent
plusieurs villes et mènent une
insurrection islamiste radicale
puissante, la Guerilla d’Al-Qaida au
Yemen n’en est plus au stade du
terrorisme mais à celui d’une
insurrection sur le modèle afghan). «
Les djihadistes sont les derniers
arrivés sur la scène yéménite en 2009.
Après la restructuration des branches
saoudienne et yéménite d’Al-Qaida dans
la péninsule arabique et profitant de la
déliquescence de l’Etat, ils sont entrés
dans une phase active de contrôle du
territoire » ;
- une rébellion islamiste, née en 2004 –
celle du du Mouvement houthi -, chiite
cette fois (et discrètement soutenue par
Téhéran), qui a proclamé une république
autonome dans le Nord Yémen (à quelque
150 km de la capitale Sanaa !), qui est
un équasi-Etat houthi de facto » ;
- enfin, dans le Sud, où existait la
République démocratique populaire du
Yémen, un mouvement sécessionniste né en
2007 veut aussi reprendre son autonomie.
SOMALISATION ET « THEORIE DU CHAOS »
Une situation qui rappelle tragiquement
précisément cette Somalie, qui servit de
laboratoire au Nouvel Ordre Mondial US.
Ou comment démembrer un Etat que l’on ne
peut contrôler.
Dans une Somalie aujourd’hui démembrée
en cinq états fantoches (Somalie
résiduelle – un état failli -,
Somaliland, Jubaland, Puntland et autre
Somalie du sud-ouest), livrée au chaos,
les milices Shebab islamistes achèvent
un pays à l’agonie assassiné par
Washington et ses complices, ONU, NATO
et cie … Sans oublier les frappes
aveugles des drones d’Obama (comme au
Pakistan), qui font principalement des
victimes civiles innocentes. Qui se
souvient aujourd’hui de l’Etat somalien
en développement du régime socialiste de
Siyaad Barre ?
Derrière le chaos somalien, il y a une
théorie, la « théorie géostratégique du
chaos », qui est mise en place pour la
première fois en Somalie à partir de
1992. Cette théorie du Chaos c’est le
plan B du projet du « Grand Moyen
Orient ». Le pseudo « printemps arabe »
en étant le plan A.
Les deux ont été mis en œuvre
successivement au Yemen. Précisément
dans ce Yemen qui fait face à la Somalie
sur l’autre rivage du Golfe d’Aden …
Luc MICHEL
(1) Sur le
processus de transition, au Belarus (où
le président Lukashenko l’a arrêté), en
Yougoslavie et en Libye notamment, j’ai
donné récemment une longue analyse
intitulée “Le Modèle du Belarus comme
alternative à la Globalisation”, à
Minsk, le 5 mai 2011, à l’occasion de la
Conférence internationale “THE PROSPECTS
OF THE EASTERN PARTNERSHIP”. Elle a été
filmée pour PCN-TV et est disponible sur
son site.
Cfr. International conference “The
prospects of the Eastern partnership” –
Minsk 5.05.2011 :
Conférence de Luc MICHEL (PART.1
– 2 – 3) reprise sur PCN-NCP-TV,
sur “Le Modèle du Belarus comme
alternative à la Globalisation”
http://www.dailymotion.com/video/xjjkaz_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-1_news
http://www.dailymotion.com/video/xjjlfo_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-2_news
http://www.dailymotion.com/video/xjjmbi_the-prospects-of-the-eastern-partnership-conference-de-luc-michel-part-3-conclusion_news
(2) A lire en
complément de cette analyse :
Luc MICHEL, GEOPOLITIQUE / YEMEN : LE
PROJET AMERICAIN DU « GRAND MOYEN-ORIENT
» EN ACTION …
2e réédition sur
http://www.lucmichel.net/2013/07/07/luc-michel-focus-geopolitique-yemen-le-projet-americain-du-grand-moyen-orient-en-action/
(3) Sur le
processus de « somalisation » :
Luc MICHEL / FOCUS / GEOPOLITIQUE :
SOMALIE 2013, NOUVELLES DU LABORATOIRE
DU NOUVEL ORDRE AMERICAIN EN AFRIQUE ET
AU « GRAND MOYEN-ORIENT »
Sur
http://www.elac-committees.org/2013/03/22/luc-michel-focus-geopolitique-somalie-2013-nouvelles-du-laboratoire-du-nouvel-ordre-americain-en-afrique-et-au-%c2%ab-grand-moyen-orient-%c2%bb/
Photos : Combat
entre Armée et al-Qaida dans la
Péninsule arabique.
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