EODE - Rapport
Kenya: La
présidentielle 2013 sous haute tension
Luc Michel
Mardi 5 mars
2013
Luc MICHEL for EODE Think Tank /
With EODE Zone Africa - AFP – Le
Temps – La Libre Belgique - Liberation -
RIA Novosti - Deutsche Welle / 2013 03
05 /
http://www.facebook.com/EODE.africa
http://www.facebook.com/EODE.Think.Tank
www.eode.org Le
Kenya choisissait son nouveau président
ce 4 mars 2013.
Dans un climat de tension extrême,
plusieurs personnes, dont des policiers,
ayant été tuées par balles dans la nuit
à Mombasa. UNE
PRESIDENTIELLE SOUS TENSION EXTREME
Les bureaux de vote ont ouvert lundi à
06H00 (03H00 GMT) au Kenya pour des
élections générales, dont une
présidentielle, sur lesquelles plane
l'ombre des terribles violences ayant
marqué le précédent vote fin 2007, ont
constaté les journalistes de l'AFP.
De longues files d'électeurs étaient
formées devant de nombreux bureaux de
vote à Nairobi, Mombasa - deuxième ville
du pays sur la côte de l'océan Indien -
et Kisumu, dans l'ouest, fief du Premier
ministre Raila Odinga, l'un des favoris
de la présidentielle. Les bureaux
devaient fermer à 17H00.
Quelques bureaux ont ouvert avec
plusieurs minutes de retard. Devant
l'école primaire de Kibera, tentaculaire
bidonville de Nairobi, une longue file
d'électeurs arrivés très tôt et bloqués
devant le portail fermé, a manifesté
bruyamment son impatience, criant et
tapant sur les portes, avant que le
bureau n'ouvre ses portes, constate
l’AFP.
Les opérations de vote ont finalement
commencé près d'une heure après
l'ouverture officielle du scrutin. "Je
suis arrivé à 03H45 (01H45 GMT). Je suis
venu très tôt parce que je voulais
éviter de longues queues", a expliqué
Denis Kaene, un chômeur de Kibera âgé de
34 ans, qui "souhaite des élections
pacifiques". Kibera
avait été l'un des principaux foyers de
violences fin 2007-début 2008. A ses
côtés Joseph Murunga, 25 ans, chômeur
lui aussi, est arrivé vers 04H00 et "il
y avait déjà beaucoup de gens". A
Mombasa, dès avant l'aube, une longue
file s'étirait autour du stade et dans
les rues de la ville portuaire, les gens
se rendaient déjà vers les bureaux.
Plusieurs personnes, dont des policiers,
ont été tuées par balles dans la nuit à
Mombasa, a annoncé le chef de la police,
David Kimaiyo, sans fournir de bilan
précis. Une source policière a fait état
de cinq policiers tués.
L'absence d'électricité a retardé d'une
trentaine de minutes le début du vote
dans l'un des principaux bureau de
Kisumu, installé sous des tentes dans le
centre-ville. Les électeurs étaient déjà
extrêmement nombreux bien avant l'aube
et la file s'étirait sur plusieurs
centaines de mètres. "Nous avons dormi
ici la nuit dernière, parce que nous
voulons du changement", expliquait Susan
Morell, 30 ans, soutien de Raila Odinga,
"nous voulons le changement, mais nous
voulons la paix, nous accepterons le
résultat, parce que nous sommes sûrs de
gagner. Cette
présidentielle a mobilisé les Kenyans :
« Les électeurs kényans se sont déplacés
en masse pour le premier tour de la
présidentielle », écrit le correspondant
du Temps. « Rarement une élection
kényane aura été l’objet d’autant
d’attentions et de précautions
sécuritaires. En retour, les 14 millions
d’électeurs de ce pays majeur d’Afrique
de l’Est semblent s’être entendus pour
se ruer vers les urnes. Dès l’aube, de
longues files d’attente s’étiraient aux
abords des bureaux de vote de la
capitale, obligeant les gens à plusieurs
heures d’attente, nous a confirmé un
observateur présent à Nairobi. Dans
certains bureaux de vote de la capitale,
le matériel électronique, censé empêcher
les tentatives de tricherie, n’a jamais
été livré, et l’enregistrement des
votants a dû se faire à la main.
D’autres bureaux ont ouvert avec du
retard et ont été autorisés à clore
au-delà de 17 heures ».
L’OMBRE DE LA CPI ET L’INGERENCE DES ONG
OCCIDENTALES
Loin de participer à la pacification du
pays, le rôle de la CPI a largement
contribué au climat de tension. Ici
aussi, la CPI s’en prend au camps
occidental. Comme en Côte d’Ivoire ou en
Libye. Un des candidats, Uhuru Kenyatta, fils de
l’ancien président et hostile à
l’Occident, est en effet poursuivi par
la Cour pénale internationale pour des
crimes liés au scrutin de 2007.
« Et si le Kenya se dotait, en la
personne d’Uhuru Kenyatta, d’un
président accusé par la Cour pénale
internationale (CPI) de crimes contre
l’humanité? », interrogeait Le Temps (21
février 2013). « C’est l’un des
scénarios probables du scrutin organisé
lundi et qui, paradoxalement, pourrait
enregistrer l’un des plus hauts taux de
participation. Un tel résultat
achèverait, cinq ans après que de
sanglants affrontements ont conclu la
précédente élection, de ternir l’image
de ce pays si longtemps cité en modèle
de démocratie et de développement sur le
continent noir ».
MM. Kenyatta et Ruto sont cités à
comparaître les 10 et 11 avril devant la
CPI, soit un peu après l’éventuel second
tour de la présidentielle, prévu un mois
après le premier. A
cela s’ajoute le rôle déstabilisateur de
certaines ONG occidentale. Créant un
climat de peur et de tension. « Beaucoup
redoutaient pourtant une redite du
scrutin de 2007, à l’image de
l’International Crisis Group », écrit Le
Temps. L’ICG, qui affirmait dans un
rapport, mi-janvier: «Les élections
kényanes devraient tourner la page du
bain de sang d’il y a cinq ans, mais le
risque de violences politiques est, de
façon inacceptable, toujours élevé.»
LES VIOLENCES DE 2007
A l’époque, « des
affrontements ethniques avaient fait
plus de 1000 morts et 600.000 déplacés,
après que le candidat Raila Odinga eut
accusé son adversaire Mwai Kibaki
d’avoir triché. Un accord de paix avait
finalement mis fin aux violences, Mwai
Kibaki avait pris la présidence du pays
pour un second mandat, et Raila Odinga
la tête d’un gouvernement d’unité
nationale ».
« Nombre d’enjeux de la bataille
électorale du jour sont liés à la vague
de violence d’il y a cinq ans, analysait
le correspondant de La Libre Belgique. A
cette époque, l’élection présidentielle
avait donné lieu à des fraudes - au
contraire des législatives - et le
président sortant Mwai Kibaki, d’ethnie
Kikuyu, la principale du pays avec 22 %
de la population, s’était attribué la
victoire, en désaccord avec une partie
de la Commission électorale. Les
protestations avaient rapidement
dégénéré en affrontements ethniques, en
particulier entre Kikuyus et Luos,
troisième groupe ethnique du pays avec
14 % de la population, dont était issu
le principal rival du chef d’Etat, Raila
Odinga ». LA
PACIFICATION ET L’ELECTION DE 2013
En 2010, une nouvelle Constitution a été
adoptée à l’issue d’un référendum
pacifique : « Ce texte est censé
renforcer la démocratie dans un pays où
la corruption est largement répandue et
où les divisions ethniques sont souvent
entretenues. Les nouvelles règles
obligent, entre autres, pour être élu
chef de l’Etat, de réunir plus de 50%
des suffrages. De plus, le pouvoir des
préfets (County Governors), dont 47
d’entre eux doivent être élus lors de ce
scrutin, est renforcé. Ce qui nourrit
les craintes de possibles violences en
province, où les luttes de pouvoir sont
souvent exacerbées ».
Après de longues délibérations, le
candidat Uhuru Kenyatta, fils du père
fondateur du Kenya Jomo Kenyatta et
vice-premier ministre adjoint depuis
2008, a été autorisé à se présenter
malgré les accusations de «crimes contre
l’humanité» qui pèsent contre lui. Son
éventuel premier ministre William Ruto
figure aussi parmi les quatre personnes
accusées par la CPI. Uhuru Kenyatta, qui
nie les accusations dont il est l’objet,
a assuré que sa convocation à La Haye le
mois prochain ne l’empêcherait pas de
présider le pays en cas de victoire.
Le principal adversaire du «ticket»
Kenyatta-Ruto est l’actuel premier
ministre, Raila Odinga.
« La question des dissensions ethniques
mine depuis longtemps la vie politique
du Kenya, pourtant parmi les pays les
plus développés du continent ». Ce fut
d’ailleurs le premier sujet abordé par
les journalistes lors d’un débat inédit,
début février, en présence des huit
candidats – sept hommes et une femme –
et retransmis par la télévision kényane.
« Uhuru Kenyatta et Raila Odinga ont
tous deux dénoncé les divisions
ethniques comme une «maladie» et un
«cancer». » Si aucun
des candidats ne devait obtenir plus de
la moitié des suffrages exprimés, un
second tour sera organisé, le 11 avril
prochain, entre les deux candidats
arrivés en tête. Les résultats
définitifs doivent être officiellement
annoncés au plus tard une semaine après
le vote mais, selon la plupart des
observateurs à Nairobi, le nom du
vainqueur du scrutin pourrait être rendu
public dès cette mi-semaine. Hier, un
quotidien kényan titrait en une:
«Laissez la paix triompher!».
LA MENACE ISLAMISTE DES SHEBABS
A cela s’ajoute la menace des milices
islamistes des Shebabs.
« Le Kenya est en effet entré
unilatéralement en Somalie voisine, en
octobre 2011, pour y combattre les
jihadistes somaliens Shebabs ».
Comme la population du nord du Kenya est
généralement d’ethnie somalie, la
prévisible contagion n’a pas tardé :
« une campagne d’attentats attribuée aux
Shebabs a ensanglanté plusieurs villes
du Kenya et des pogroms anti-Somalis ont
eu lieu en décembre dernier dans un
quartier de Nairobi où vivent
principalement des Somaliens et des
Kényans d’ethnie somalie. Le
gouvernement kényan a alors ordonné à
tous les réfugiés et demandeurs d’asile
de quitter les villes kényanes pour
retourner dans les camps de réfugiés ».
Six jours avant cette élection, les
Shebabs ont « averti les électeurs
kényans qu’ils subiraient une "longue et
horrible guerre" si le prochain
gouvernement de Nairobi ne retirait pas
ses forces du pays voisin ». Comme le
rappelle La Libre Belgique, « ce point
ne figure dans le programme d’aucun des
huit candidats à la présidence ». La
campagne « s’est déroulée dans une
atmosphère empoisonnée par des attaques
à la bombe et à la grenade contre des
bars, des églises et des représentants
de l’ordre ». LM
Le
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