Opinion
La Syrie congédie
la Ligue arabe
Louis
Denghien
Mardi 24 janvier
2012
«
Fini les
solutions arabes ! »
La phrase – qui claque
comme, disons un drapeau syrien – résume
le ton et le fond de la très attendue
conférence de presse de Walid al-Mouallem,
ministre syrien des Affaires étrangères,
tenue ce 23 juin à Damas. La Syrie
refuse en bloc et définitivement le «
plan de
paix » concocté par la Ligue arabe,
et dont la dernière mouture, présentée
le 22 juin au Caire, réclame le retrait,
« dans les
deux semaines« , de Bachar al-Assad
de la direction du pays.
Pas de
leçons à recevoir de la ligue, et encore
moins du Golfe
Libérant une parole sans
doute longtemps contenue par les
nécessités politiques de ces dernières
semaines, Walid al-Mouallem a accusé la
Ligue arabe de «
complot
» en vue d’une internationalisation de
la crise syrienne, notamment en
présentant sous les projecteurs
médiatiques des décisions dont elle sait
très bien qu’elles seront «
rejetées
par les autorités syriennes« .
Ce qui est en jeu, a
martelé le chef de la diplomatie
syrienne, c’est non seulement la paix
intérieure mais la «
souveraineté » de la Syrie, que
veulent violer les dirigeants de la
ligue, en favorisant toutes les
ingérences étrangères possibles. Or,
insiste al-Mouallem, «
la
solution doit être syrienne« , et «
porter sur
la mise en application du programme de
réformes annoncées par le président
Bachar al-Assad et sur l’ouverture d’un
dialogue national« . Au-delà même
de cette thématique développée depuis
des mois, le régime, confronté une fois
de plus à la mauvaise foi et à la
duplicité d’une organisation tombée dans
les mains des pétro-monarques, qui
avalise les conclusions de sa mission
d’observation sans en tirer les
conclusions politiques,
le régime syrien donc
se sent assez fort, au terme de dix mois
de violentes secousses internes et
externes, pour jouer la carte du
nationalisme syrien, et même pan-arabe.
Non pas que Bachar
soit devenu Nasser – les temps et les
hommes ont changé – mais ses adversaires
sont eux autant de Ben Ali !
Puisqu’on parle de Bachar,
on rappellera qu’il avait déjà assez
durement mis en cause le sérieux et
l’honnêteté de la ligue arabe dans son
dernier discours à la nation (voir
notre article « Le discours de Bachar :
1) de la crise syrienne à celle du monde
arabe », mis en ligne le 11 janvier).
Et si la
Syrie claque aussi bruyamment la porte
au nez des (faux)frères arabes, c’est
sans doute qu’elle se sent assez forte
pour cela : à l’intérieur, les
crimes quotidiens des
opposants-terroristes – et l’absence
d’une personnalité crédible dans
l’opposition politique radicale –
tendent à resserrer les rangs de la
population autour du gouvernement, sans
que les activistes soient pour autant
capables de déstabiliser militairement
le pays ; à
l’extérieur, l’OTAN, la Ligue arabe et
la Turquie crient encore assez forts
mais sont incapables de passer à l’acte,
autrement qu’en aidant les groupes
terroristes. Car tous sont paralysés,
soit par la crise économique, soit par
des élections (en France), soit (dans le
cas de la Ligue arabe) par de graves
dissensions, soit encore (la Turquie)
par un net dissensus intérieur. Et il y
a aussi les mauvais exemples afghan,
irakien et, semble-t-il libyen, pour
faire hésiter les plus agressifs.
Les
Russes toujours très concernés
Le dernier recours de
l’anti-Syrie demeure l’ONU et son
conseil de sécurité. Mais là aussi,
Walid al-Mouallem a été très clair :
interrogé par un journaliste sur l’état
des relations syro-russes, il a indiqué
qu’ayant rencontré tout récemment
Mikhaël Bogdanov, vice-ministre russe
des Affaires étrangères, il a pu
constater que Moscou était toujours très
mobilisé par le dossier syrien. Bogdanov
l’a donc (ré)assuré du soutien russe, au
Conseil de sécurité notamment : pour la
Russie, souligne al-Mouallem, une
intervention étrangère en Syrie
constitue «
une ligne
rouge » à ne pas franchir, ajoutant
: « Nul ne
doit douter de la solidité de relations
russo-syriennes ancrées dans l’Histoire«
. A bon entendeur…
A noter, que le ministre
des Affaires étrangères s’est même payé
le luxe d’annoncer que son pays «
étudiait
une demande » du secrétaire général
de la ligue, Nabil al-Arabi, visant à
prolonger d’un mois la mission des
observateurs en Syrie. Cela dit, entre
le sécession des observateurs issus du
Golfe et la fin de non recevoir syrienne
au dernier « plan » arabe, on est fondé
à s’interroger sur l’avenir de cette
mission. A qui Walid al-Mouallem a tenu
à rendre hommage à travers son chef, le
général soudanais Mustafa al-Dabi. Son
rapport, a souligné le ministre «
a fait
état de la présence de groupes armés
commettant des actes de sabotage contre
des bâtiments publics et privés, et
attaquant les forces de l’ordre et les
citoyens« . Un
discours de vérité dont les
commanditaires arabes de la mission
n’ont apparemment pas pu ou voulu tirer
les conclusions logiques.
Publié le 24 janvier
2012 avec l'aimable autorisation d'Info
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