Infos Syrie
Sommet de Téhéran
: pour une première, un succès
Louis
Denghien
Vendredi 10 août
2012
Si l’on en croit la
télévision iranienne, ce sont finalement
des représentants de vingt-neuf États
d’Asie, d’Afrique, d’Europe et
d’Amérique latine qui ont participé
jeudi à la conférence sur la Syrie
organisé à Téhéran par la diplomatie
iranienne, officiellement pour
contribuer à «
mettre fin
aux violences le plus rapidement
possible » dans ce pays,
officieusement pour jeter les bases d’un
contre-front diplomatique international
face à l’agressivité du bloc occidental,
sur ce sujet syrien et d’autres.
Présence
éminemment symbolique, et donc politique
Qui sont ces nations non
alignées sur Washington, Londres, Paris
(ou Doha) ayant fait le voyage de
Téhéran, malgré la réprobation
diplomatique et médiatique des
Occidentaux, qui tiennent à isoler
l’Iran sur la scène internationale ? Les
Iraniens avaient lancé des incitations
ayant une «
position
réaliste » – c’est-à-dire non
belliqueuse et idéologique – sur le
dossier syrien. Sur cette base, voici,
selon les indications de la télévision
iranienne, quelques pays représentés à
cet anti-sommet des
« Amis de
la Syrie » made in USA :
Chez les Arabo-musulmans,
on trouvait des représentants de
l’Algérie, de la Tunisie, de la
Mauritanie, de la Jordanie, de
l’Afghanistan, du Pakistan, de
l’Indonésie. L’Inde, en partie
musulmane, et en dépit de son chronique
contentieux avec le Pakistan, s’était
fait représenter elle aussi. On n’est
pas certain de la présence d’une
délégation d’officiels turcs, pourtant
invités en dépit de leur attitude assez
peu «
réaliste » depuis plus d’un an.
La Syrie, sujet des
échanges, n’était pas conviée, et le
Liban avait excipé de sa «
neutralité
» – pour ne pas parler de ses
tensions internes – pour décliner
l’invitation. On notera que les Iraniens
avaient invité un État du Golfe le
Koweit, jugé peut-être un peu moins
aligné sur Doha et Ryad, mais qui s’est
finalement « excusé ».
Sinon on trouvait sans
surprise la Russie et la Chine,
représentés par leurs ambassadeurs à
Téhéran, et des pays latino-américains «
anti-impérialistes » comme le
Venezuela et Cuba, plus d’ex-républiques
soviétiques comme l’Arménie. On sait que
Sergueï Lavrov n’a pas fait le
déplacement, sans doute parce que la
conférence de Téhéran était trop
connotée « anti-occidentale », mais bien
évidemment Moscou était sur la même
ligne que les participants, Pékin itou.
On pourra toujours dire que
la plupart des pays présents à Téhéran
n’avaient pas délégué leurs « poids
lourds » diplomatiques.
Mais enfin, ils n’ont
pas craint de s’afficher symboliquement
aux côté des Iraniens, en deuxième
position sur la liste des nations à
abattre sur les agendas de l’OTAN et du
Conseil de coopération du Golfe.
Et puis c’était une première du genre,
même si le sommet économique des BRICS
tenu à New-Delhi le 25 mars dernier
s’était de fait transformé, à la faveur
de la crise syrienne, en un front
anti-ingérence et anti-Occident (voir
notre article « Les BRICS se constituent
en contrepoids de l »hégémonisme
euro-américain », mi en ligne le 30 mars
2012).
Un
message de Ban Ki-moon
Du reste, si Kofi Annan,
tout récent émissaire démissionnaire,
n’avait pas, lui non plus, déféré à
l’invitation des Iraniens, son supérieur
Ban Ki-moon, habituel paillasson
diplomatique des Américains, a adressé
un message spécial aux participants,
dans lequel, adoptant le point de vue
sino-russe, il fustigeait la violence
des deux parties. Et le Secrétaire
général de l’ONU s’était fait
représenter à Téhéran par sa «
coordinatrice » locale, Consuela
Vidal-Bruce. Comme
quoi, même un allié objectif, en Irak et
en Libye, puis en Syrie, des États-Unis,
ne peut ignorer les mouvements
telluriques internationaux déclenchés
par les « secousses » syriennes.
L’objet officiel de la
réunion «
consultative » de Téhéran était, on
l’a vu, de rendre possible «
un
dialogue national entre l’opposition
ayant un soutien populaire et le
gouvernement syrien » : on peut
penser que l’Iran exclut, non sans
quelques arguments, le CNS de cette
catégorie d’opposants. En tous cas, le
ministre iranien de Affaire étrangères,
Ali Akbar Salehi, a annoncé que son pays
était prêt à accueillir un tel dialogue.
Lui et les participants de
la réunion ont naturellement réaffirmé
leur opposition absolue «
à toute
intervention militaire ainsi qu’à toute
ingérence extérieure en Syrie ». Et
Salehi a réclamé des discussions «
sérieuses
et approfondies » entre pouvoir et
opposition. Les croit-il possibles en
l’état actuel des choses, c’est une
autre question.
À l’intention des absents
de la conférence de Téhéran, Ali Akbar
Salehi a publié mercredi une tribune
dans le
Washington Post. Où il rappelle aux
lecteurs américains
lambda
mais aussi à l’administration Obama/Clinton
ces quelques faits têtus en une gformule
: « La
société syrienne est une belle mosaïque
d’ethnies, de religions et de cultures.
Elle volera en éclats si le président
Bachar al-Asad tombe brutalement« .
Ce faisant, il n’apprend certainement
rien à une Hillary Clinton. Mais il y a
des raisons de penser qu’en matière d’ »ethnies
», celle-ci a choisi de jouer de
certaines contre d’autres, au profit
d’autres encore.
De toute
façon, l’Iran, après ce premier succès,
va garder la main internationalement :
c’est ce pays qui accueillera fin août
le sommet du Mouvement des non alignés,
littéralement ressuscité par le drame
syrien, et cette fois Bachar al-Assad y
a été invité es-qualités.
Ali Akbar
Salehi serait-il en train de devenir le
Sergueï Lavrov de l’Orient ?
Publié le 10 août 2012
avec l'aimable autorisation d'Info Syrie
Le
dossier Iran
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