Syrie
Intervention en
Syrie ? La France coupée en deux
Louis
Denghien
Mirage
français sur la base de Solenzara en
Corse, point de départ des bombardements
de la Libye :
un précédent qui n'a pas
enseigné une moitié des Français
Vendredi 10 février
2012
Il y a deux façons de lire
le sondage – réalisé par l’IFOP
– publié ce 9 février par le site
sarkozyste
Atlantico, et relatif à l’opinion
des Français quant à l’éventualité d’une
intervention étrangère en Syrie, pour
raisons « humanitaires » bien sûr.
Un
Français sur deux fait de la résistance
(c’est plus qu’en 1940/44)
- On peut en effet être
d’abord consterné que 51% des sondés se
déclarent soit «
tout à
fait favorables » (17%), soit «
plutôt
favorables » (34%) à une
intervention militaire des Nations-Unies
en Syrie, alors que la précédente «
intervention » de ce type, « managée par
les néo-conservateurs d’Amérique et
d’Europe, a ensanglanté la Libye et mis
au pouvoir des islamistes assez
radicaux, et que, par ailleurs, les
Français sont en très grande majorité
opposés à la prolongation de la
participation de leur armée à la guerre
en Afghanistan. Il y a là une
inconséquence de l’opinion, due à une
méconnaissance de la situation syrienne
et à une approche purement émotionnelle
du problème. Ces deux facteurs étant
eux-mêmes la conséquence obligée,
évidemment, à la couverture que les
grands médias hexagonaux ont fait de la
crise syrienne.
Par ailleurs, Jérôme
Fourquet, un des dirigeants de l’IFOP,
rappelle que la même question avait été
posée aux tout-débuts de la crise, en
mars 2011, et donc avant l’intervention
de l’OTAN en Libye : seuls 36% des
sondés s’étaient déclarés en faveur
d’une intervention en Syrie. Entre mars
2011 et février 2012, il y a eu, c’est
vrai, 11 mois – plus de 300 jours – de
désinformation et de propagande
manichéenne quotidienne, qui ont
mécaniquement renforcé le camp
interventionniste.
- Au contraire, on peut
considérer que le fait que 49% des
Français se disent « plutôt pas
favorables » (28%) ou «
pas du
tout favorables » (21%) à une telle
aventure est assez rassurant : il montre
qu’au moins une moitié des Français a
donc résisté, onze mois durant, au
rouleau compresseur de la
désinformation, qu’elle a, en
connaissance de cause ou intuitivement,
refusé le bourrage de crânes, consciente
qu’on lui a déjà beaucoup menti par le
passé, sur l’Irak, la Yougoslavie ou,
précisément, la Libye, pour nous limiter
à des sujets hors-frontières.
Une moitié de nos
compatriotes semble « immunisée » contre
la propagande atlantiste, d’où qu’elle
émane.
Reste que les familles de
l’opinion française sont inégalement
immunisées : 59% des sympathisants de
gauche et 56% de ceux de la droite dite
«
républicaine » sont en faveur de
l’intervention, quasi-parité qui ne fait
que confirmer la proximité politique –
sur la Syrie comme sur bien d’autre
thèmes – de leurs champions respectifs,
Hollande et Sarkozy.
Le seul
secteur de l’opinion française où le
rejet d’une intervention en Syrie est
massif est celui des sympathisants de
Marine Le Pen et du Front national : 71%
d’entre eux se déclarent opposés.
Là encore, ce score ne fait que refléter
les positions répétées de Jean-Marie,
puis Marine Le Pen, à propos de l’Irak
hier, et de la Syrie aujourd’hui.
Des
communistes – et trotskystes –
influençables
Le rejet d’une intervention
est majoritaire aussi – mais nettement
moins important – dans l’électorat
potentiel de Jean-Luc Mélenchon : 52%.
Compte tenu de l’ »anti-impérialisme
» bruyamment affiché par Mélenchon, et
d’une certaine tradition communiste
anti-OTAN, le niveau de rejet devrait
être plus fort : d’autant que le
candidat a, sur
France
Inter, le 1er février, appuyé la
position de la Russie et de la Chine au
Conseil de sécurité. Mais là aussi, une
certaine perméabilité de l’électorat de
gauche protestataire aux idées
dominantes sur l’effacement des nations
et une adhésion atavique à l’idée de
révolte, quelle qu’elle soit, a pu
jouer, l’anti-américanisme étant
également contrebalancé chez lui par une
adhésion à la rhétorique floue des «
droits de
l’homme » et de l’exportation de la
démocratie à tout prix.
La gauche de la gauche
a durablement été contaminée par
l’humanitarisme manipulateur d’un
Bernard Kouchner, et, pour les
communistes, le phénomène a vraiment
commencé à la fin des années 80, avec le
« réformateur » (et, dans les faits,
liquidateur) Robert Hue. A
noter que les sympathisants des deux
candidats d’extrême-gauche sont encore
plus perméables à cette influence «
kouchnérienne » : 44% seulement
d’opposition à une intervention. Nul
doute qu’un Besancenot, incarnation d’un
néo-trotskysme ripoliné et de tendance «
Canal+«
, a joué un rôle indéniable – et néfaste
– dans cette évolution de la gauche
radicale.
Sans surprise, les
sympathisants d’Eva Joly et des Verts,
prototypes de la nouvelle gauche bobo,
ne sont que 47% à refuser
l’intervention. Quoi
d’étonnant de la part d’un courant dont
l’expression médiatique la plus achevée
est Daniel Cohn-Bendit, incarnation
bruyante du gaucho-atlantisme :
à la limite, il est miraculeux qu’il se
trouve encore presqu’une moitié de se
admirateurs pour refuser une expédition
punitive contre Damas !
Les sympathisants de
François Bayrou et du MODEM, enfin, sont
partisans à 57% d’une intervention en
Syrie. Que dire à ce sujet, sinon que le
« contestataire » Bayrou est, dans la
réalité, très aligné sur la pensée
unique et développe, comme Kouchner et
d’autres, une vision « moraliste » et
messianique des relations
internationales, et qu’il n’est pas, en
général, un défenseur du principe de
souveraineté nationale, sauf en ce qui
concerne Israël. Et,
sur la Syrie, on se contentera de
rappeler que M. Bayrou s’était associé à
BHL le temps d’un meeting germanopratin
(voir
notre article «
Escroquerie : Infosyrie était au meeting
« pro-syrien » de BHL« , mis en
ligne le 11 juillet).
Ce n’est évidement pas ce
sondage qui incitera le trio infernal
Sarkozy-Juppé-Longuet à sortir les
Mirage, à deux mois d’une présidentielle
qui s’annonce difficile, mais enfin on
aimerait, par exigence patriotique,
qu’un plus grand nombre de Français
évitent de se faire rouler dans la
farine par des gouvernants ou de
éditorialistes sous influence
américaine.
Publié le 10 février
2012 avec l'aimable autorisation d'Info
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