Opinion
Ennahdha a-t-il
renié les idéaux de la révolution tunisienne ?
Lotfi Benmosbah
Samedi 7 mai 2011
Le parti islamiste tunisien est en train de renier les idéaux de
la révolution au profit d’un discours politico-religieux
obsolète qui veut faire croire que l’identité arabo-musulmane de
la Tunisie est en danger. Par Lotfi Benmosbah
La révolution tunisienne a quelque chose de singulier: menée
spontanément par la jeunesse, elle s’est produite sans leader.
Or cette vaillante jeunesse parait s’être à nouveau enfouie dans
la masse. Elle laisse aux séniors le terrain politique. Mais ne
nous leurrons pas, il ne s’agit pas de démission, elle semble
dire: «Epoumonez-vous à souhait, nous n’élevons pas nos voix
mais sommes aux aguets pour que nul ne s’avise de trahir les
idéaux de la révolution.»
Cette révolution qui a soufflé pour obtenir plus de
justice sociale, de dignité et de liberté n’a en aucun cas porté
de slogan religieux. Aujourd’hui, toute personne ou parti
politique qui voudrait aller en-deçà ou au-delà des principes
posés par cette bien déterminée jeunesse ira au suicide
politique.
L’idéal de liberté que porte cette révolution a permis le retour
des exilés politiques en Tunisie et la libération de tous les
prisonniers politiques.
Rached Ghannouchi change d’avis
D’un autre côté, un constat objectif: au moment de la
révolution, le parti Ennahdha était absent, il n’a prit aucune
part à la révolution. Mais, il en a bien profité puisqu’il
a vu le retour de ses chefs historiques et la libération de
plusieurs de ses membres.
Cela devrait lui inspirer de l’humilité et le respect des idéaux
de la révolution. C’est ce qui ressortait des premiers discours
de son chef historique avant son retour en Tunisie. Ce dernier
laissait entendre qu’il allait prendre une retraite politique et
que son parti ne participerait pas aux élections présidentielles
mais uniquement aux élections législatives. Ces déclarations
laissaient percevoir la méconnaissance de ce qui se passait
réellement en Tunisie puisqu’il restait dans le cadre de la
constitution de 1959. Par ailleurs elles laissaient entendre
qu’il se contentait d’être un acteur de second plan de la vie
politique de la Tunisie de l’après-Ben Ali en ne participant pas
aux élections les plus importantes de la constitution de 1959:
les élections présidentielles.
Un discours qui fait peur et
divise
Cependant, grisé par un accueil plus que chaleureux et
quelques rencontres réussies avec les militants, Rached
Ghannouchi a tôt fait de changer de stratégie. Ainsi, les idéaux
portés par cette révolution ont été laissés de côté et c’est un
discours politico-religieux obsolète qui refait surface. Un
discours qui veut faire croire que l’identité arabo-musulmane de
la Tunisie est en danger. Un discours qui fait l’amalgame entre
athéisme et séparation du religieux et du politique. Un discours
qui s’ingère dans la vie privée. Il porte atteinte à la liberté
individuelle fraichement et chèrement acquise. Les Tunisiens qui
aspirent de toutes leurs forces à cette liberté n’entendent pas
la sacrifier à nouveau.
Ce discours fait non seulement peur à une large partie de la
population tunisienne mais, de surcroit, divise la Tunisie qui
s’est unie autour des principes de la révolution.
Ainsi, à moins de réviser une position et un discours pour en
soustraire toute ambiguïté relative à l’inaliénabilité des
libertés individuelles, les dirigeants d’Ennahdha se dirigent
tout droit vers un suicide politique et porteront l’écrasante
responsabilité d’avoir été ceux qui ont entrainé la Tunisie dans
une tourmente aux conséquences incommensurables.
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Publié le 7 mai 2011
avec l'aimable autorisation de Kapitalis
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