Mardi 17 mars 2009
Politologue russe influent, issu des milieux nationalistes, le
général Léonid Ivashov était chef d’état-major des armées le 11
septembre 2001. Ce jour-là, il avait placé ses satellites en
alerte pour observer les manœuvres militaires aériennes
annoncées aux USA, mais c’est un tout autre spectacle auquel il
fut confronté. Au vu des analyses de cet événements par ses
experts, il a écarté l’hypothèse Al-Qaïda et conclu à une
provocation de l’élite financière anglo-saxonne. Sur cette base,
il développé la vision stratégique russe du monde
post-11-Septembre. Nous reproduisons ici un de ses articles,
représentatif de sa pensée et de celle des officiers supérieurs
russes. Le lecteur sera surpris de constater que ce qui est
considéré comme un délire dans les pays de l’OTAN est une vérité
d’évidence en Russie, comme d’ailleurs dans de nombreux autres
régions du monde. Au-delà de la question d’établir la vérité,
l’honnêteté intellectuelle exige de comprendre et d’accepter la
relativité des points de vue.
L’expérience de l’humanité
montre que le terrorisme apparaît partout où se produit à un
moment donné une aggravation des contradictions, où les
relations commencent à se dégrader au sein de la société et où
l’ordre social change, où surgit l’instabilité politique,
économique et sociale, où se libèrent des potentiels
d’agressivité, où les valeurs morales périclitent, où triomphent
le cynisme et le nihilisme, et où la criminalité explose.
Les processus liés à la mondialisation créent des conditions
favorables à ces phénomènes extrêmement dangereux. Ils
entraînent un redécoupage de la carte géopolitique du monde, une
redistribution des ressources planétaires, violent la
souveraineté et effacent les frontières des États, démantèlent
le droit international, anéantissent la diversité culturelle,
appauvrissent la vie spirituelle et morale.
Je pense que nous sommes en droit aujourd’hui de parler de
crise systémique de la civilisation humaine. Elle se manifeste
de manière particulièrement aiguë au niveau de l’interprétation
philosophique de la vie. Ses manifestations les plus
spectaculaires concernent le sens donné à la vie, l’économie et
le domaine de la sécurité internationale.
L’absence de nouvelles idées philosophiques, la crise morale
et spirituelle, la déformation de la perception du monde, la
diffusion de phénomènes amoraux contraires à la tradition, la
course à l’enrichissement illimité et au pouvoir, la cruauté,
conduisent l’humanité à la décadence et peut-être à la
catastrophe.
L’inquiétude, ainsi que le manque de perspectives de vie et
de développement de nombreux peuples et états constituent un
important facteur d’instabilité mondiale.
L’essence de la crise économique se manifeste dans la lutte sans
merci pour les ressources naturelles, dans les efforts déployés
par les grandes puissances du monde, avant tout par les
États-Unis d’Amérique, mais aussi par des entreprises
multinationales pour soumettre à leurs intérêts les systèmes
économiques d’autres États, prendre le contrôle des ressources
de la planète et surtout des sources d’approvisionnement en
hydrocarbures.
La destruction du modèle multipolaire qui assurait
l’équilibre des forces dans le monde a entraîné également la
destruction du système de sécurité internationale, des normes et
des principes qui régissaient les relations entre États, ainsi
que du rôle de l’ONU et de son Conseil de sécurité.
Aujourd’hui les États-Unis d’Amérique et l’OTAN se sont arrogés
le droit de décider du destin d’autres États, de commettre des
actes d’agression, de soumettre les principes de la Charte des
Nations Unies à leur propre législation.
Ce sont précisément les pays occidentaux qui, par leurs
actions et agressions contre la République fédérale de
Yougoslavie et l’Irak, ainsi qu’en permettant de toute évidence
l’agression israélienne contre le Liban et en menaçant la Syrie,
l’Iran et d’autres pays, ont libéré une énorme énergie de
résistance, de vengeance et d’extrémisme, énergie qui a renforcé
le potentiel de la terreur avant de se retourner, comme un
boomerang, contre l’Occident.
L’analyse de la substance des processus de mondialisation,
ainsi que des doctrines politiques et militaires des États-Unis
d’Amérique et d’autres États, permet de se convaincre que le
terrorisme favorise la réalisation des objectifs de domination
du monde et la soumission des États aux intérêts de l’oligarchie
mondiale. Cela signifie qu’il ne constitue pas un sujet en tant
que tel de la politique mondiale mais un simple instrument, le
moyen d’instaurer un nouvel ordre unipolaire ayant un centre de
commandement mondial unique, d’effacer les frontières nationales
et d’assurer la domination d’une nouvelle élite mondiale.
C’est elle qui constitue le sujet principal du terrorisme
international, son idéologue et son « parrain ». C’est elle
aussi qui s’efforce de diriger le terrorisme contre d’autres
États, y compris contre la Russie.
La principale cible de la nouvelle élite mondiale est la
réalité naturelle, traditionnelle, historique et culturelle qui
a jeté les bases du système de relations entre les États, de
l’organisation de la civilisation humaine en États nationaux, de
l’identité nationale.
Le terrorisme international actuel est un phénomène qui
consiste, pour des structures gouvernementales ou non
gouvernementales, à utiliser la terreur comme moyen d’atteindre
des objectifs politiques en terrorisant, déstabilisant les
populations sur le plan socio-psychologique, en démotivant les
structures du pouvoir d’État et en créant les conditions
permettant de manipuler la politique de l’État et le
comportement des citoyens.
Le terrorisme est un moyen de faire la guerre de manière
différente, non conventionnelle. Simultanément, le terrorisme,
allié aux médias, se comporte comme un système de contrôle des
processus mondiaux.
C’est précisément la symbiose des médias et de la terreur qui
crée les conditions favorables à des bouleversements dans la
politique mondiale et dans la réalité existante.
Si l’on examine dans ce contexte les événements du 11 septembre
2001 aux États-Unis d’Amérique, on peut en tirer les conclusions
suivantes :
l’attentat
terroriste contre les tours jumelles du World Trade Center a
modifié le cours de l’histoire du monde en détruisant
définitivement l’ordre mondial issu des accords de
Yalta-Potsdam ;
il
a délié les mains des États-Unis d’Amérique, de la
Grande-Bretagne et d’Israël, leur permettant de mener des
actions contre d’autres pays en faisant fi des règles de l’ONU
et des accords internationaux ;
il
a stimulé l’amplification du terrorisme international.
D’autre part, le terrorisme se présente comme un instrument
radical de résistance aux processus de mondialisation, comme un
moyen de lutte de libération nationale, de séparatisme, un moyen
de résoudre les conflits entre les nations et entre les
religions, ainsi que comme in instrument de lutte économique et
politique.
En Afghanistan, au Kosovo, en Asie centrale, au Proche Orient
et dans le Caucase nous constatons que la terreur sert aussi à
protéger des narcotrafiquants en déstabilisant leurs zones de
passage.
On peut constater que dans un contexte de crise systémique
mondiale la terreur est devenue une sorte de culture de la mort,
la culture de notre quotidien. Il a fait irruption dans la
prospère Europe, tourmente la Russie, secoue le Proche-Orient et
l’Extrême-Orient. Il favorise l’accoutumance de la communauté
internationale à des ingérences violentes et illégales dans les
affaires intérieures des États et à la destruction du système de
sécurité internationale.
La terreur engendre le culte de la force et lui soumet la
politique, le comportement des gouvernements et de la
population. Le plus effrayant est que le terrorisme a un grand
avenir en raison de la nouvelle spirale de guerre qui s’annonce
pour la redistribution des ressources mondiales et pour le
contrôle des zones clé de la planète.
Dans la stratégie de sécurité nationale des États-Unis
d’Amérique, approuvée cette année par le Congrès états-unien,
l’objectif avoué de la politique de Washington est « de
s’assurer l’accès aux régions clé du monde, aux communications
stratégiques et aux ressources mondiales », avec comme moyen
pour y parvenir de procéder à des frappes préventives contre
n’importe quel pays. Du point de vue du Congrès, les États-Unis
d’Amérique peuvent donc adopter une doctrine de frappes
nucléaires préventives qui s’apparente à du terrorisme
nucléaire.
Cela implique l’utilisation à grande échelle de substances
nocives et d’armes de destruction massive. On ne s’embarrassera
pas de scrupules pour choisir les moyens de répondre à une
attaque. Pour se défendre les parties n’auront que le choix des
moyens.
La provocation par un acte terroriste devient un moyen
d’atteindre des objectifs politiques d’ampleur globale,
régionale et locale. Ainsi, une provocation organisée dans la
localité de Rachic (Kosovo, Serbie) a fini par entraîner le
changement de régime politique en Serbie et l’effondrement de la
République fédérée de Yougoslavie, tout en servant de prétexte à
l’agression de l’OTAN et à la séparation du Kosovo de la Serbie.
Il s’agit d’une provocation d’ampleur régionale.
Les explosions dans le métro de Londres, les désordres à
Paris en 2005-2006 sont des provocations locales qui ont eu des
répercussions sur la politique et l’opinion publique en Grande
Bretagne et en France.
Pratiquement chaque acte terroriste dissimule des forces
politiques puissantes, des entreprises transnationales ou des
structures criminelles ayant des objectifs précis. Et presque
tous les actes terroristes, à l’exception des activités de
libération nationale) sont en réalité des provocations.
Même en Irak, les explosions dans les mosquées sunnites et
shiites ne sont rien d’autre que des provocations organisées en
vertu du principe « diviser pour régner ». Il en va de même de
la prise en otage et de l’assassinat de membres de la mission
diplomatique russe à Bagdad.
L’acte terroriste commis à des fins de provocation est aussi
ancien que l’humanité elle-même. Ce sont précisément des
provocations terroristes qui ont servi de prétextes au
déclenchement des deux guerres mondiales. Les événements du 11
septembre 2001 constituent une provocation mondiale. On peut
parler d’opération d’ampleur mondiale. De telles opérations
permettent en général de résoudre plusieurs problèmes mondiaux à
la fois. On peut les définir comme suit :
1.
L’oligarchie financière mondiale et les États-Unis d’Amérique
ont obtenu le droit non formel de recourir à la force contre
n’importe quel État.
2.
Le rôle du Conseil de sécurité s’est trouvé dévalué. Il fait de
plus en plus figure d’organisation criminelle complice de
l’agresseur et alliée à la nouvelle dictature fasciste mondiale.
3.
Grâce à la provocation du 11 septembre, les États-Unis
d’Amérique ont consolidé leur monopole mondial et ont obtenu
l’accès à n’importe quelle région du monde et à ses ressources.
Dans le déroulement d’une opération-provocation il y a
toujours trois éléments obligatoires : le commanditaire,
l’organisateur et l’exécutant. En ce qui concerne la provocation
du 11 septembre et contrairement à l’opinion dominante, « Al-Qaida »
ne pouvait être ni le commanditaire, ni l’organisateur, ne
disposant pas des moyens financiers suffisants (et ils sont
énormes) pour commander une action d’une telle ampleur.
Toutes les opérations menées par cette organisation ne sont
que des actions locales et assez primitives. Elle ne dispose pas
des ressources humaines, d’un réseau d’agents suffisamment
développé sur le territoire des États-Unis d’Amérique, pour
réussir à pénétrer les dizaines de structures publiques et
privées qui assurent le fonctionnement des transports aériens et
veillent à sa sécurité. Al-Qaida ne saurait donc avoir été
l’organisateur de cette opération (sinon à quoi peuvent bien
servir le FBI et la CIA ?). Ces gens pourraient en revanche fort
bien avoir été de simples exécutants de cet acte terroriste.
À mon avis, le commanditaire de cette provocation pourrait
avoir été l’oligarchie financière mondiale, dans le but
d’installer une fois pour toutes « la dictature fasciste
mondiale des banques » (l’expression appartient à l’économiste
états-unien bien connu Lyndon LaRouche) et d’assurer le contrôle
de ressources mondiales en hydrocarbures limitées. Il se serait
agi par la même de s’assurer la domination mondiale pour
longtemps.
L’invasion de l’Afghanistan, riche en ressources gazières, de
l’Irak et peut-être aussi de l’Iran, qui possèdent des réserves
mondiales de pétrole, mais aussi l’instauration d’un contrôle
militaire sur les communications pétrolières stratégiques et
l’augmentation radicale du prix du pétrole sont des conséquences
des événements du 11 septembre 2001.
L’organisateur de l’opération pourrait avoir été un
consortium bien organisé et abondamment financé formé de
représentants (anciens et actuels) des services secrets,
d’organisations maçonniques et d’employés des transports
aériens.
La couverture médiatique et juridique a été assurée par des
organes de presse, des juristes et des politiciens stipendiés.
Les exécutants ont été choisis sur la base de leur appartenance
ethnique à la région qui possède les ressources naturelles
d’importance mondiale.
L’opération a réussi, les objectifs sont atteints.
L’expression « terrorisme international » en tant que
principale menace pour l’humanité a fait irruption dans le
quotidien politique et social.
Cette menace a été identifiée en la personne d’un islamiste,
ressortissant d’un pays disposant d’énormes ressources en
hydrocarbures.
Le système international mis sur pied à l’époque où le monde
était bipolaire a été détruit et les notions d’agression, de
terrorisme d’État et de droit a la défense ont été altérées.
Le droit des peuples de résister aux agressions et aux
activités subversives des services secrets étrangers ainsi que
de défendre leurs intérêts nationaux est foulé aux pieds.
Toutes les garanties sont assurées en revanche aux forces qui
cherchent à instaurer une dictature mondiale et à dominer le
monde.
Mais la guerre mondiale n’est pas encore finie. Elle a été
provoquée le 11 septembre 2001 et elle n’est que le prélude à de
grands événements à venir.
Général Leonid Ivashov,
vice-président de l’Académie des problèmes géopolitiques. Il fut
chef du département des Affaires générales du ministère de la
Défense de l’Union soviétique, secrétaire du Conseil des
ministres de la Défense de la Communauté des États indépendants
(CEI), chef du Département de coopération militaire du ministère
de la Défense de la Fédération de Russie. Il était chef
d’état-major des armées russes, le 11 septembre 2001.
Traduit du russe par Réseau Voltaire