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Retour sur l'époque où Israël était l'allié déclaré de l'Apartheid
Lenni Brenner


Jimmy Carter

5 novembre 2007

L’ouvrage de l’ancien président étatsunien Jimmy Carter – Palestine : la paix, pas l’apartheid ! – a suscité dans une grande partie de l’opinion publique américaine un sérieux examen des réalités israéliennes. Non que Carter soit spécialiste de l’histoire du sionisme. Mais l’Anti-Defamation League et les autres propagandistes d’Israël travaillent désormais vingt-cinq heures par jours, trois cent soixante six jours par an, afin de tenter de discréditer toute analogie entre Israël et l’Afrique du Sud soumise au régime raciste de l’Apartheid…

Chose piquante : Carter ne mentionne l’apartheid sud-africain qu’à trois reprises, pas une de plus. Il relate ainsi, qu’en 1973, tandis qu’il était en visite officielle en Israël, « le général Rabin lui décrivit la relation extrêmement étroite qu’Israël entretenait avec l’Afrique du Sud, en l’occurrence dans le commerce des diamants (il était revenu de là-bas avec deux ou trois jours d’avance, de manière à pouvoir accueillir Carter en Israël). Mais Rabin avait fait la réflexion que le système sud-africain d’apartheid ne pourrait survivre très longtemps. »

Carter nous relate aussi que « les dirigeants israéliens s’étaient engagés dans toute une série de décisions unilatérales, qui shuntaient tant Washington que les Palestiniens. Leur supposition étant qu’une barrière d’encerclement apporterait finalement la solution au ‘problème palestinien’. Usant de leur domination politique et militaire, ils sont en train d’imposer un système de retraits partiels, d’encerclement et d’apartheid aux citoyens des territoires occupés, tant chrétiens que musulmans. Le principe directeur de la séparation forcée des deux peuples, à la différence de ce qui se passe en Afrique du Sud, n’est pas le racisme, mais l’acquisition de terres. Il y a eu un effort déterminé, et remarquablement efficace, pour isoler les colons des Palestiniens, de façon à ce qu’une famille juive soit en mesure de faire la navette entre Jérusalem et sa maison outrageusement subventionnée dans les profondeurs de la Cisjordanie, grâce à des routes dont les autres [comprendre les Palestiniens, ndt] sont exclus, sans avoir à ‘subir’ de contact désagréable avec l’une quelconque des facettes de l’existence arabe. »

Et il expose les trois options – toutes aussi peu sexy les unes que les autres – auxquelles la population israélienne est confrontée. Une de ces options, c’est « un système d’apartheid, dans lequel deux peuples occupent un même territoire, mais en étant totalement séparés l’un de l’autre ; les Israéliens exerçant une domination absolue et avortant la violence en privant les Palestiniens de tous leurs droits humains fondamentaux. C’est la politique suivie actuellement, bien que beaucoup de citoyens israéliens critiquent les connotations racistes inhérentes au fait d’assigner en permanence un statut de seconde classe aux Palestiniens. Comme l’a formulé un Israélien éminent : « Je crains que nous ne soyons en train de nous diriger vers un gouvernement semblable au régime sud-africain, avec une société duale, faite de dirigeants juifs et de sujets arabes disposant de droits extrêmement réduits à la citoyenneté. La Cisjordanie ne vaut pas ce prix-là ! »

Au-delà, son unique citation concernant l’Afrique du Sud post-apartheid classe Nelson Mandela comme partisan de l’ « Initiative de Genève », un plan de paix pour Israël et la Palestine dans la définition duquel Carter a joué un rôle.

En réalité, les liens des sionistes tant israéliens qu’américains avec le régime raciste de Pretoria étaient si étroits qu’il ne saurait y avoir aucun doute quant à la complicité des dirigeants du sionisme dans les crimes de l’apartheid, y compris les invasions meurtrières de l’Angola et de la Namibie.

Israël a dénoncé l’apartheid jusqu’à la guerre dite de Yom Kippur, en octobre 1973, car cette guerre visait, diplomatiquement, à dégarnir les pays arabes à l’Onu en courtisant les pays d’Afrique Noire. La plupart des pays d’Afrique Noire ont rompu leurs relations diplomatiques avec Israël, cependant, en solidarité avec l’Egypte, qui s’efforçait de faire se retirer un Israël par définition non africain du Sinaï, qui appartient géographiquement à l’Afrique. Jérusalem se tourna alors vers l’Afrique du Sud.

Durant la Seconde guerre mondiale, la Grande-Bretagne avait fait interner John Vorster, au motif de ses sympathies nazies. Mais, en 1976, Israël invita le Premier ministre sud-africain à Jérusalem. Yitzhak Rabin, Premier ministre d’Israël à l’époque, salua les « idéaux partagés par Israël et l’Afrique du Sud : les espoirs de justice et d’une coexistence pacifique. » Confrontés tous deux à une « instabilité et des troubles inspirés par l’étranger », Israël – seul pays au monde, en la matière – autorisa le Bophuthatswana, un « township noir » marionnette de l’Afrique du Sud, d’ouvrir une ambassade.

« A partir du Zaïre, nous allâmes en Afrique du Sud, où on nous emmena, Lily et moi, visiter la région frontalière avec l’Angola. Là, des Sud-Africains menaient une guerre de tous les instants contre des groupes de guérilleros sous commandement cubain, qui s’infiltraient à partir du Nord. Pour atterrir, notre avion s’éleva à grande altitude, tandis que des hélicoptères faisaient des rondes, inspectant la zone. Quand les hélicos furent rassurés, nous descendîmes en décrivant une spirale en tire-bouchons, en direction de la piste d’atterrissage – une spirale très serrée, afin d’éviter le danger représenté par le tir éventuel de missiles terre-air, les redoutables Strellas Sam-7, de fabrication russe, que j’avais été amené à connaître sur le Canal [de Suez, ndt] »

Une fois posés, j’ai découvert des scènes familières. Des soldats vivaient, avec leur famille, dans cette zone frontalière, soumis à des risques permanents, leurs enfants emmenés à l’école dans des convois protégés par des véhicules blindés aux essieux surélevés, afin d’être moins vulnérables aux mines.

J’ai circulé, passant d’une unité à l’autre, et, partout, on m’a fait un rapport et on m’a tarabusté pour avoir mon appréciation de la situation. Il est absolument impossible de comparer Israël et l’Afrique du Sud, et je ne pense pas qu’un juif, quel qu’il soit, puisse soutenir l’apartheid. Mais en voyant ces unités s’efforçant de sanctuariser leur frontière contre des raids terroristes venus d’Angola, vous ne pouviez pas ignorer leur présence et leur détermination. Aussi, bien que les conditions prévalant dans les deux pays fussent considérablement différentes, d’une certaine manière, la vie sur la frontière angolaise ne semblait pas différer réellement de celle régnant sur nos propres frontières.

Sharon se rendit ensuite à Washington, afin d’y traiter un ensemble de questions relatives au Moyen-Orient. Il en profita également « pour discuter d’autres sujets d’intérêt mutuel avec le Secrétaire d’Etat Alexander Haig, le secrétaire à la Défense Casper Weinburger et le directeur de la CIA, William Casey. Je leur ai décrit ce que j’avais vu en Afrique du sud, notamment les problèmes auxquels la République d’Afrique Centrale était confrontée. Je leur ai indiqué que nous devions nous efforcer de remplir les vides existant dans la région, et je leur ai suggéré l’idée que des efforts allant dans ce sens s’inscriraient parfaitement bien dans la coopération américano-israélienne. »

Dès 1989, il était devenu évident que l’apartheid allait s’effondrer, d’où les propos de Sharon : « Je ne pense pas qu’un juif quel qu’il soit puisse soutenir l’apartheid. » Mais un article publié le 14 décembre 1981 par le New York Times, intitulé « L’Afrique du Sud a besoin de davantage d’armes, dit un Israélien » [South Africa Needs More Armes, Israeli Says] dressait un tableau haut en couleurs du zèle d’Israël pour la cause de son allié :

« Les relations militaires entre l’Afrique du Sud et Israël, jamais totalement reconnues par aucun des deux pays partenaires, a pris une nouvelle importance avec la récente visite de dix jours effectuée par le ministre de la Défense israélien, Ariel Sharon, aux forces sud-africaines en Namibie, déployées tout au long de la frontière avec l’Angola ».

Dans une interview accordée durant sa dernière visite aux Etats-Unis, Sharon a soulevé plusieurs points relatifs à la position sud-africaine.

Tout d’abord, il a dit que l’Afrique du Sud était un des rares pays en Afrique et en Asie du Sud-Est qui s’efforçât de résister à l’infiltration militaire de l’Union soviétique dans la région.

Il ajouta qu’il y avait eu un flux croissant d’armes soviétiques de plus en plus sophistiquées vers l’Angola et d’autres pays africains, et que le résultat de ceci, ainsi que du poids politique et économique de Moscou, l’Union soviétique était en train de « gagner du terrain, tous les jours », dans l’ensemble de la région.

M. Sharon, en compagnie de nombreux analystes militaires américains et de l’Otan, indiqua alors que l’Afrique du Sud avait besoin de plus d’armes modernes s’il voulait combattre efficacement des troupes (ennemies) équipées par l’URSS. L’embargo imposé aux armements par l’Onu, en novembre 1977, avait tari des sources d’armement ayant autant pignon sur rue que la Grande-Bretagne, la France et Israël, contraignant l’Afrique du Sud à recourir à des marchés par-dessous la table.

Israël, à la tête d’une industrie d’armement de taille relativement modeste, mais florissante, bénéficiait des débouchés militaires en Afrique du Sud avant même l’embargo de 1977. 

D’après les Comptes de l’Armement, publication annuelle de l’Institut International des Etudes Stratégiques de Londres, la marine sud-africaine comporte sept vedettes offensives de construction israélienne, munies de missiles israéliens. La publication fait observer que sept bâtiments du même type sont commandés, et en cours de construction. Le bon de commande a dû être signé avant l’imposition de l’embargo de… 1977 !?

M. Sharon a indiqué que Moscou et ses alliés avaient réalisé des avancées considérables en Afrique centrale, établissant des « couloirs énergétiques », comme celui qui relie la Libye au Tchad. Il a également dit que le Mozambique était sous contrôle soviétique, et que l’influence soviétique au Zimbabwe était croissante.

Le responsable israélien vit, dans les livraisons d’armes soviétiques, en particulier de tanks, dans l’ensemble de la région, un autre danger.

La politique militaire de l’Afrique du Sud, consistant à entretenir des réserves suffisantes, indiqua M. Sharon, lui permettra de conserver des forces sur le terrain dans l’avenir prévisible, mais il avertit qu’à moyen terme, le pays risquait d’être confronté à des armes plus puissantes, ainsi qu’à des soldats mieux armés et mieux formés.

Les sionistes américains étaient quant à eux tout aussi déterminés à soutenir l’apartheid. Le bulletin de mai 1986 de l’Anti-Defamation League écrivait : « Congrès National Africain : Regardons de plus près… » L’article révélait la haine de cette organisation pour le mouvement à la tête de la lutte de libération en Afrique du Sud. L’ADL envoya sa tirade à tous les membres du Congrès des Etats-Unis !

Dans la forme, elle respectait le politiquement correct : « Un examen de la situation politique en Afrique du Sud se doit de débuter par la stipulation coulant de source que l’apartheid est un régime raciste et déshumanisant. » Mais « cela n’implique nullement que nous fermions les yeux sur ce qui pourrait émerger, une fois l’apartheid out… Nous devons distingue entre ceux qui travailleront à une Afrique du Sud humaniste, démocratique et pro-occidentale, et ceux qui sont totalitaires, antihumanistes, antidémocratiques, anti-israéliens et antiaméricains.

C’est dans ce contexte que l’ANC (African National Congress), si fréquemment évoqué en tant qu’alternative au gouvernement de Pieter Wilhem Botha, mérite un examen de près, dépourvu de tout sentimentalisme… L’ANC, qui cherche à renverser le gouvernement sud-africain, est un « mouvement national de libération » qui, dit simplement, est soumis à une très forte influence communiste. L’ANC est allié avec le Parti communiste d’Afrique du Sud (SACP), depuis cinquante ans… La chute de l’Afrique du Sud aux mains d’une force aussi prosoviétique et procommuniste représenterait un sévère recul pour les Etats-Unis, dont l’industrie d’armements dépend fortement de la richesse de l’Afrique du Sud en minerais stratégiques. »

L’espionnage de l’ADL à l’encontre du mouvement anti-apartheid aux Etats-Unis, au profit du BOSS, la police secrète sud-africaine, devint publique en 1993, les journaux de San Francisco ayant révélé que Tom Gerard, un flic local, et un ancien agent de la CIA, avait donné illégalement des informations de police à Roy Bullock, le représentant de l’ADL dans cette ville.

Gerard plaida coupable, dans le procès qui lui fut intenté pour effraction des ordinateurs de la police. L’ADL plaida « ce n’est pas nous, et nous ne recommencerons pas » devant l’attorney du district. Elle accepta de se plier à l’injonction de ne plus recourir à des méthodes illégales dans son « suivi » du monde politique. Le directeur national de l’ADL, Abe Foxman déclara que, plutôt que d’aller au tribunal, où – bien entendu ! – ils auraient certainement été jugés innocents, l’ADL renonça au procès parce que « poursuivre ainsi, avec une enquête sur nous durant des mois et des années, cela risque d’amener certaines personnes à penser que vous avez peut-être quelque chose à vous reprocher… »

En dépit de ce marché de maquignons, les activités de Bullock firent l’objet d’une enquête. L’ADL prétendit qu’il s’agissait d’un informateur ‘free-lance’, dont les activités pour le compte du régime d’apartheid étaient inconnues d’elle. Mais le rapport du FBI (FBI) FD-302, de 1993, consacré à un interrogatoire de Bullock, reproduit un courrier retrouvé dans les fichiers de son ordi, « prêt à être transmis aux Sud-Africains ». Ce rapport indique qu’ « au cours d’une conversation prolongée avec deux agents du FBI », en 1990, ceux-ci avaient demandé :

« Pourquoi, à votre avis, des agents sud-africains viennent-ils sur la Côte Ouest ? Est-ce que je connaissais l’un quelconque des agents qu’ils avaient finalement interrogés ?... Je répondis qu’une rencontre avait été arrangée, en secret, par l’ADL, qui désirait des informations sur les activistes d’extrême droite en Afrique du Sud, et leurs connexions américaines. A cette fin, j’ai rencontré un agent à la cafétéria du Rockefeller Center. »

Le FBI a indiqué que « Bullock avait fait le commentaire que la lettre TRIP.DBX était une pièce à conviction particulièrement « accusatrice ». Il a dit qu’il avait oublié que ce fichier se trouvait dans son ordi. « Bien entendu, il s’est empressé de raconter au FBI que ses « déclarations au FBI, selon lesquelles l’ADL avait mis sur pied sa relation avec l’Afrique du Sud étaient dénuées de fondement. »

L’ADL était tellement anti-ANC que seuls, des demeurés auraient pu penser qu’ils ne savaient pas que Bullock travaillait avec les Sud-Africains. N’est-il pas plus vraisemblable qu’il avait dit la vérité, en 1990, mais menti, en 1993 ? Les flics fédéraux soulevèrent un autre lièvre en 1990, le coinçant avec leurs questions sur les Sud-Africains. Ils l’interrogèrent dans son cabinet d’avocat, en 1993. Vous pouvez être sûr que ce qu’il leur dit alors n’allait pas être répété. Il savait, par ailleurs, que s’il voulait que l’ADL l’aide à faire face à ses ennuis avec le FBI à propos de l’Afrique du Sud, il devait prétendre que ces ennuis n’avaient strictement rien à voir avec sa connexion avec le service secret sud-africain, le BOSS. Quoi qu’il en soit, l’ADL continua à travailler avec Bullock. Et le quotidien new-yorkais Village Voice du 27 juillet 1993 rapporta qu’Irwin Suall, son investigateur en chef, autant dire un espion en chef, avait indiqué au FBI qu’il « ne pensait pas que le fait de travailler avec les services sud-africains était quelque chose de bien différent du travail avec n’importe quelle autre officine policière. »

Le Time n’a pas été particulièrement tendre, avec l’ADL. L’ANC dirige son pays, et c’est un modèle de tolérance ethnique et religieuse. Ce mouvement n’a jamais été antisémite, et il y a des membres juifs de l’ANC, au parlement de Pretoria. Mais Foxman est toujours prêt à laver Israël et l’ADL des infamies qu’on leur impute. Le 11 octobre, il parla, à la librairie new-yorkaise Barnes & Noble, de son dernier bouquin : The Deadliest Lies: The Israel Lobby and the Myth of Jewish Control [Les crimes les plus mortels : Le lobby israélien et le mythe du contrôle exercé par les juifs]. Cet ouvrage comporte un chapitre condamnant Carter. J’étais dans le public, et je l’ai défié :

« Vous soulevez le fait que Jimmy Carter ait utilisé le terme ‘apartheid’ dans le titre de son bouquin. Mais je voudrais vous rappeler que, bien entendu, Israël était allié à l’Afrique du Sud sous régime d’apartheid. Ainsi, j’ai là le New York Times du 14 décembre 1981, et j’y lis : « L’Afrique du Sud a besoin de davantage d’armes, disent les Israéliens » (« israélien » signifiant Ariel Sharon, le ministre de la Défense, qui effectuait, comme de juste, une virée en compagnie de l’armée sud-africaine, tandis que celle-ci envahissait l’Angola. Puis, en mai 1986…,

Foxman : Je comprends…

Brenner : Excusez-moi ! L’ADL a envoyé ceci à tous les membres du Congrès, dénonçant l’African National Congress, l’accusant d’être prosoviétique et retors, et, oui, antisémite, etc, etc… »

J’étais assis à plusieurs rangées de fauteuils de lui. Deux ou trois mots, sur mon enregistrement magnéto, sont indistincts, et je les ai dactylographiés, ici, en italiques. Mais cela n’affecte pas la compréhension générale de cette déclaration, qui comporte même ses fautes de grammaires, tandis qu’il essayait de se dépatouiller avec mes accusations-surprise :

Foxman : « OK, l’ANC, durant son combat pour les élections, son combat pour la libération de l’Afrique, était antisémite, procommuniste, anti-israélien, ami et allié partout où cela était possible, des Arabes, du terrorisme palestinien, etc…

J’ai eu le privilège…, j’ai eu le privilège d’aller à Genève rencontrer le Président Mandela, avant qu’il soit devenu président, après sa libération et avant sa venue aux Etats-Unis pour sa première visite. J’ai eu le privilège très, très spécial de passer cinq heures avec lui et plusieurs juifs américains qui étaient allés le rencontrer avant sa venue aux Etats-Unis, afin de mieux comprendre… Et il nous a dit, « si », nous a-t-il dit, « je comprends pourquoi Israël a de bonnes relations avec l’Afrique du Sud de l’apartheid. C’est parce qu’Israël était boycotté dans le monde entier, parce qu’Israël ne pouvait avoir de relations avec d’autres pays dans le monde, Israël vendait pas des armes pour se défendre, aussi je ne juge pas Israël, je comprends pourquoi Israël, vous ne devez pas me juger, moi, à cause de ceux qui sont mes amis. Je suis ami de l’OLP, je deviens amis de ceux qui ont soutenu notre mouvement de libération, et si vous ne faites pas un préalable du fait que vos ennemis doivent aussi être les miens, alors je n’en ferai pas moi-même un préalable, en ce qui me concerne. »

Ainsi, Mandela, qui était un combattant héroïque dans le combat pour, vous comprenez très bien, que de même qu’il devait conclure des pactes avec le diable, il faisait des marchés pour obtenir des soutiens, y compris avec des gens avec lesquels il n’était pas d’accord, avec des gens qu’il n’aimait pas. Vous savez certainement, pour avoir lu sa biographie, qu’il n’était pas communiste, et pourtant il a bien accepté le soutien des communistes, parce qu’ils étaient les seuls. Alors, il comprenait, et respectait, le fait qu’Israël entretînt des relations avec l’Afrique du Sud !...

L’Afrique du Sud était un des rares pays qui lui [= à Israël, ndt] vendait des armes. Il faut se souvenir que c’étaient là les années durant lesquelles l’Amérique refusait de vendre des armes à Israël. C’étaient les années où l’Europe ne vendait pas non plus d’armes à Israël. Alors, il comprenait. Est-ce que cela plaisait à tout le monde ? Non, bien sûr. Avons-nous envoyé les infos concernant l’ANC, à ce moment-là ? Yep ! Mais, aujourd’hui, les choses ont changé, elles ont changé du tout au tout !

Avec quelle précision rendait-il compte des commentaires de Mandela ? Nous savons que l’ANC avait passé un marché avec les dirigeants de l’apartheid. Les Noirs avaient obtenu leurs droits et des auditions devaient avoir lieu sur les crimes de répressions qui avaient effectivement eu lieu du temps du régime raciste. Mais des militaires et d’autres responsables Blancs ont conservé leur poste, sous le nouveau gouvernement dirigé par les Noirs. Aussi, si Mandela a dit ce que Foxman a prétendu qu’il a dit, alors c’était dans cet état d’esprit de réconciliation : « Vous avez fait ce que vous avez pensé devoir faire, moi aussi : alors, dépassons cela, et allons de l’avant ! »

La paix généreuse offerte par l’ANC n’a pas rendu, rétrospectivement, l’apartheid moins criminel. Si Mandela voulait que les relations entre son nouveau gouvernement et Israël passent à un niveau plus intime, cela ne rendait en rien la collaboration d’Israël et de l’ADL avec le racisme moins indigne, pas même d’un poil. Et, bien entendu, les militants de l’ANC continuent à dénoncer les crimes israéliens contre les Palestiniens. L’archevêque Desmond Tutu, secrétaire de la Commission Sud-Africaine sur la Vérité et la Réconciliation, a été très clair, lors du meeting « End the Occupation » [Mettez fin à l’occupation !], tenu en 2002 :

« Vous savez, aussi bien que moi, que, d’une certaine façon, le gouvernement israélien est mis sur un piédestal. Le critiquer, cela revient à se faire immédiatement taxer d’antisémite… Les gens ont peur d’appeler un chat un chat, parce que le lobby juif est extrêmement puissant. Alors, que faire ?

Au nom du Ciel, ce monde a été créé par Dieu ! Nous vivons dans un univers moral ! Le gouvernement de l’apartheid était extrêmement puissant, et pourtant, aujourd’hui, il n’existe plus ! Hitler, Mussolini, Staline, Pinochet, Milosevic et Idi Amin étaient, tous, puissants. Mais, à la fin, ils ont mordu la poussière ! »

Cinq ans ont passé. Israël est toujours extrêmement puissant. Mais, le moment venu, lui aussi sera remplacé par un unique Etat démocratique, laïque, binational palestino-israélien. Le modèle, pour cet Etat binational, c’est la constitution actuelle de l’Afrique du Sud. La plupart des Blancs qui vivent là-bas disent qu’ils y sont tout aussi favorables que les Noirs. Et quand le binationalisme laïc finira par vaincre, les Israéliens, tout autant que les Palestiniens, de la même manière, jouiront de leur égalité, de leur paix et de leur prospérité.

[* Lenni Brenner est l’auteur de quatre ouvrages (en anglais) : Le sionisme à l’époque des dictateurs / Le mur d’acier : le révisionnisme sioniste, de Jabotinsky à Shamir / Les juifs en Amérique aujourd’hui et Le Moindre Mal, Une étude du parti démocrate américain. Ces ouvrages ont eu des critiques très positives dans des publications éminentes en onze langues, dont le London Times, la London Review of Books, les Izvestia de Moscou et le Jerusalem Post. En 2002, Lenni a publié : 51 Documents : La collaboration sioniste avec les nazis. Cet ouvrage contient des traductions exhaustives de nombreux documents cités dans Le sionisme à l’ère des dictateurs, ainsi que dans Le mur d’acier. En 2004, il a publié Sur la Séparation de l’Eglise et de l’Etat : Ecrits sur la Religion et le Sécularisme, chez Jefferson & Madison.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

Adresse URL de son blog : http://www.smithbowen.net/linfame/brenner
Son adresse mél : BrennerL21@aol.com ]



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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