|
Al Manar
Un an après Davos, la Turquie et "Israël"
au plus mal
Leila Mazboudi
Photo: Al Manar
Mardi 12 janvier 2010
Rien ne va plus entre l'entité sioniste et "Israël". Un nouvel
incident est venu entacher encore plus les relations entre ces
deux pays, déjà dans leur plus mauvaise posture, depuis la
célèbre altercation de Davos.
En janvier 2009, rappelons-le, le Premier ministre turc, Recep
Tayeb Erdogan s'était offusqué contre le président israélien
Shimon Perez, qui défendait l'extrême violence utilisée par les
militaires israéliens contre les civils palestiniens, durant
l'offensive israélienne meurtrière contre la Bande de Gaza,
arguant les tirs de roquettes lancés par les résistants
palestiniens.
Lui évoquant entre autre le massacre de la plage, perpétré en
2008, au cours duquel une famille palestinienne d'une dizaine de
membres qui pique niquait au bord de la plage de Gaza avait péri
dans un raid aérien israélien survenu sans tirs de roquettes au
préalable.
Cette fois-ci encore, c'est la pertinence courageuse d'Erdogan
qui est en partie derrière la nouvelle tension. Évoquant les
trois martyrs palestiniens de lundi dans la bande de Gaza, il a
tenu à remarquer que le raid israélien meurtrier était survenu
sans tirs de roquettes au préalable. Devant son homologue
libanais Saad Hariri, il avait aussi critiqué l'entité sioniste
pour son refus de respecter les résolutions onusiennes, (en
l'occurrence en violant sans cesse l'espace aérien libanais).
Décomptant une centaine de résolutions violées par Israël,
Erdogan a conclu que "c'est parce que Israël dispose de
capacités militaires disproportionnés, qui font défaut aux
autres qu'il se permet d'agir sans crainte et de violer les
résolutions internationales".
Le numéro deux turc n'a pas non plus manqué de poursuivre en
fustigeant le double poids et mesure de l'Occident, parce "qu'il
critique l'Iran qui tenterait d'avoir l'arme atomique et ne fait
pas de même avec Israël qui a déjà cet armement". Appelant les
cinq membres permanents du Conseil de sécurité à traiter le
sujet nucléaire avec justice, "au risque, le cas contraire, de
provoquer un désordre non seulement dans la région mais au
niveau mondial".
Côté israélien, particulièrement irritable en cas de critique à
son encontre, il fallait coûte que coûte réagir.
Dans la soirée de lundi, le ministère des affaires étrangères
israélien a publié un communiqué dans lequel il s'en est pris au
Premier ministre turc, lui reprochant "ses critiques publiques
trop acerbes" à son encontre, et mettant en garde contre "une
dégradation des relations" entre les deux parties. Sans omettre
d'utiliser l'alibi le plus cher à la diplomatie israélienne,
celui de déclarer que les autres ne méritent pas de lui donner
de leçon, comte tenu de leurs propres défauts: "la Turquie est
la dernière à donner des leçons à Israël et à son armée, compte
tenu de son passé", en allusion au massacre des Arméniens en
1915, attribué aux Ottomans.
Mais il semblerait que cette riposte n'ait pu suffi pour calmer
la courroux israélien. La même soirée, le numéro deux de la
diplomatie israélienne, Danny Ayalon, a convoqué l'ambassadeur
turc à Tel-Aviv, Oguz Celikkol, en voulant l'humilier en public.
Après l'avoir convoqué, il a refusé de lui serrer la main, et
l'a contraint à attendre longuement dans un couloir avant d'être
reçu.
Durant la rencontre devant les caméras, il a pris soin de
déclarer à la presse qu'il n'y a qu'un drapeau israélien sur la
table, qu'aucune boisson ne lui sera servie, et a insisté à la
presse de noter que l'ambassadeur était "assis à un niveau
inférieur". «Il est important de voir qu'il se situe dans un
lieu plus bas, et que nous sommes assis plus haut" a-t-il
déclaré haut et fort.
Les photos diffusées par la presse israélienne ont montré ce
mardi le diplomate turc l'air contrit, assis sur un canapé bas
et face à Ayalon, debout et entouré de trois sévères
fonctionnaires israéliens.
"C'est le minimum qui s'imposait dans l'arsenal diplomatique
disponible", a-t-il ensuite commenté, d'un ton particulièrement
belligérant.
En plus des déclarations officielles, la raison directe invoquée
à cette pique de colère est la diffusion d'un téléfilm turc
intitulé "La Vallée des Loups". Racontant l'histoire d'un
ambassadeur de la Turquie en Israël qui fait l'objet ainsi que
sa famille d'un kidnapping orchestré par des membres du Mossad
israélien, et présentant la scène de drapeau israélien
ensanglanté, il a été qualifié "d'anti israélien et
d'antisémite": " ce feuilleton est inacceptable; d'autant plus
qu'il est diffusé sur fond de déclarations inacceptables de la
part de responsables turcs. Ce qui menace la vie des juifs en
Turquie, et porte atteinte aux relation bilatérales" a ajouté
Ayalon.
Selon les médias israéliens, ce feuilleton n'est pas le premier
du genre. Le mois d'octobre dernier, la télévision turque en a
présenté un, intitulé " séparation", mettant en scène les
exactions et les crimes de l'armée israélienne contre les
Palestiniens en Cisjordanie occupée.
Bref, face à l'agression diplomatique israélienne, Ankara a
rendu la balle, convoquant à son tour l'ambassadeur israélien.
Mais sans la mise en scène médiatique si chère aux
fonctionnaires diplomatiques israéliens, posant la question sur
ses véritables motivations.
À noter toutefois que l'an dernier, les images d'Erdogan, en
train de réprimander Perez avaient fait le tour du monde, sur
les chaînes de télévision et en particulier sur le réseau
internet.
L'index brandi, le Turc y semblait sûr de lui, éloquent,
s'adressant au public, alors que le Sioniste avec ses cheveux
quelque peu ébouriffés, le regardait avec des yeux flamboyants,
et présentait l'aspect d'un chien battu. Surtout lorsque le
Premier ministre turc a claqué la porte à Davos, laissant vide,
la place côtoyant le président israélien.
Y aurait-il un cordon ombilical entre ces deux imageries? La
diplomatie israélienne aurait-elle voulu riposter à
l'humiliation de Davos? La connexion est possible.
Mais ce qui est certes sûr et certain est que la mise en scène
de lundi ne fait pas l'unanimité au sein de la classe politique
israélienne, dont une bonne partie craint le plus que cette
détérioration des relations soit irréversible... Et qu'Israël
soit en fin de compte, au fil de ses crimes et de son arrogance,
en train de perdre ses alliés…
Droits d'auteur© 2006 Al-Manar. Tous droits Droits réservés
Publié le 13 janvier 2010
Les autres articles de Leila Mazboudi
|