La Voix de la Russie
Tunisie :
l'automne du « printemps arabe »
Konstantin Garibov
Photo: EPA
Mardi 28 août 2012 En Tunisie, la confrontation
s'exacerbe entre le président et les
islamistes. Le président laïc Moncef
Marzouki accuse les islamistes de
tentative d'usurpation du pouvoir.
Il paraît qu'une grave crise
politique couve au berceau du «
printemps arabe » qui peut mettre un
terme à l'idylle tunisienne.
La situation a ceci
de particulier que le président
Moncef Marzouki a été élu par le
parlement dominé par les islamistes
du parti Ennahda. Les islamistes ont
trouvé idéal cet ancien dissident et
partisan des Droits de l'Homme pour
assumer la présidence pendant la
transition de la dictature à la
démocratie.
A présent le
président s'est acharné contre ceux
qui l'avaient aidé à occuper son
poste. Il a accusé Ennahda de
vouloir s'emparer de tous les
leviers politiques et
administratifs. Cela lui rappelle
l'époque de la dictature. A l'heure
actuelle le gros du pouvoir se
trouve entre les mains du
gouvernement dominé, dès sa
formation, par les islamistes.
Les technocrates du
cabinet des ministres se sont sentis
mal à l'aise lorsqu'ils avaient
commencé à accuser d'autoritarisme
le dirigeant d'Ennahda, Rached
Ghannouchi. Notamment pour sa
volonté de jouer le rôle d'une
éminence grise et de définir la
politique gouvernementale, dont en
matière de nominations. Cela étant,
Rached Ghannouchi n'occupe aucun
poste officiel. Les experts le
comparent de plus en plus souvent au
président tunisien déchu Zine el-Abidine
Ben Ali. Aujourd'hui il est déjà
question d'une scission au sein du
pouvoir en Tunisie, estime Dmitri
Bondarenko, vice-directeur de
l'Institut de l'Afrique de
l'Académie des sciences.
«
La scission entre le président et
les islamistes signifie que le
président et son administation, ses
partisans, s'évertuent à maintenir
la Tunisie dans un cadre limité par
un islam modéré. Ils cherchent à
conserver tous les éléments de la
vie socio-politique et de la
législation qui permettrait à la
Tunisie d'être considérée comme un
pays où les lois laîques sont
prépondérantes. Ils s'attachent à
faire en sorte que, d'une part, la
Tunisie soit un pays islamique et,
de l'autre, que l'islam ne soit pas
trop intégré dans la politique,
qu'il existe au niveau de la culture
et de la vie quotidienne ».
L'expert ne s'est
pas hasardé à faire des prévisions
quant aux conséquences d'une telle
scission entre le président et les
islamistes. Mais il est clair que
les tensions iront s'exacerbant. Un
tel scénario du « printemps arabe »
en Tunisie était évident à l'avance,
estime Alekseï Podtserob, analyste
du Centre des études arabes à
l'Institut d'orientalisme et ancien
ambassadeur en Tunisie :
«
Un regain de confrontation entre les
islamistes et les forces laïques en
Tunisie est tout à fait naturel. Les
islamistes ont des positions assez
fortes ce qui a été reflété par les
dernières élections. Mais les partis
laïcs, eux aussi, ont des positions
fortes. Pendant les élections, les
contradictions entre les forces
politiques n'étaient pas si
violentes. L'idée qu'il fallait
construire une Tunisie nouvelle,
qu'il fallait aller ensemble vers
cet objectif a rassemblé tout le
monde. Tel était l'état d'esprit des
Tunisiens ».
Les protestations
ont repris en Tunise : la population
proteste contre les islamistes du
parti Ennahda. Le centre de ce
mouvement est, de nouveau, Sidi
Bouzid, la ville où le « printemps
arabe » a commencé il y a près de
deux ans. A l'époque le coup d'envoi
du renversement du président a été
donné par l'immolation par le feu
d'un mardhand en réaction à la
saisie de ses articles. Dans le cas
présent, un prétexte évident fait
défaut, mais les raisons du
mécontentement restent les mêmes :
problèmes sociaux en suspens, misère
de la population, etc. Jusqu'à
présent, la Tunisie était prise pour
la dévanture du « printemps arabe ».
A l'opposée de la Libye, de
l'Egypte, du Yémen et de la Syrie la
révolution tunisienne n'a pas donné
lieu à une effusion de sang. Il
n'est pas cependant à exclure que
les nouvelles protestations sociales
et une profonde division au sein du
pouvoir conduiront la Tunisie à une
nouvelle révolution qui ne sera
point pacifique. /L
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