Je transcris en le simplifiant
l'échange entre BHL et Pulvar dans
l'émission de Ruquier ONPC :
Pulvar conteste la démarche de BHL :
- Dans ce livre, vous êtes le Bien,
le Droit, le Juste...
BHL proteste copieusement : - Non,
non, non!"
Avec raison? Au risque de
surprendre, je pense que oui. BHL
n'est pas un moraliste, croyant que
son point de vue coïncide avec le
Bien, mais un propagandiste ayant
vendu sa verve au service des plus
forts du moment : l'OTAN, les
Occidentaux, les financiers. Que
précise BHL pour prouver qu'il n'est
pas un moraliste?
BHL : - D'abord je ne dis jamais que
je suis le Juste, le Droit, le Bien,
parce que je ne crois pas au
Bien..."
Effectivement, si BHL ne croit pas
au Bien, il ne peut se prendre pour
moraliste. Il se revendique de
Spinoza et Nietzsche contre Platon?
C'est imparable, derrière le vernis
philosophique, nous assistons aux
aveux de BHL, propagandiste depuis
plus de trente ans : s'il ne se
prend pas pour le héraut du Bien, de
quel principe est-il la voix? Pour
montrer qu'il n'est pas moraliste,
BHL nous délivre sa norme : la loi
du plus fort. Gorgias vs. Platon.
Qui BHL sert-il? Cela nous permet
d'écarter le judaïsme comme source
d'inspiration, lui qui revendique le
Bien de Yahvé. BHL servirait-il
alors le sionisme, qui exprimerait
l'inflexion idéologique du judaïsme,
dont on peut se demander s'il se
montre fidèle aux canons juifs? Au
risque de déplaire à ceux qui voient
en BHL un sayyan sous
prétexte qu'il sert une soupe
sioniste caricaturale et
unilatérale, je pense que BHL ne
sert pas en premier lieu le sionisme
ou Israël au vu de son parcours :
toute idéologie est encore attachée
à un bien.
En outre, le sionisme n'exprime pas
le parti le plus fort du moment.
Certaines de ses lignes extrémistes,
derrière la figure politicienne de
Netanyahu, sont intégrées à des
mouvances de l'establishment
anglo-saxon, dans un rapport de
forces dans lequel nos sionistes
suggèrent leurs points de vue, sans
guère de réussite : si les sionistes
sont écoutés, c'est qu'ils sont
manipulés. Le point de vue
anglo-saxon a besoin d'un diviseur
dans la région stratégique du
Proche-Orient (selon les accords de
Sikes-Picot). En cas de désaccord,
il serait le premier à s'opposer à
la domination régionale d'Israël et
s'occuperait de rappeler que le
sionisme est le valet (relativement
influent), pas le maître, comme
l'affaire DSK au FMI l'a exhibé avec
cruauté.
Derrière la machine de guerre
atlantiste de l'OTAN, nous tenons
les plus forts du moment. Peut-être
BHL espère-t-il concourir à
accroître la puissance du sionisme
et/ou d'Israël dans ce marigot
oligarchique? Force est de
constater, en suivant son parcours
d'intellectuel engagé, qu'il
soutient le parti de l'OTAN, dont
Israël relève de plus en plus
explicitement. Bien que sioniste,
BHL ne sert que secondairement
Israël et le reconnaît
outrageusement. Loin de profiter des
cations de l'OTAN, Israël sur le
court terme se trouve de plus en
plus détesté; et sur le long terme,
les risques de son éclatement sont
de plus en plus pressants (sans
qu'on sache s'il faut s'en désoler
quand on constate la politique
d'apartheid que l'actuel régime
impose aux Palestiniens, sous la
férule des cercles financiers
internationaux de la City et de Wall
Street).
C'est ce que confirme BHL avec
franchise, tant dans la crise
libyenne que dans les autres guerres
menées par l'OTAN :
"Les choses ne se font pas grâce à
moi..."
Subite sincérité de BHL?
Reconnaîtrait-il qu'il n'est qu'un
relais français (discrédité) dans le
dispositif atlantiste? Il lance un
écran de fumée en donnant des noms
trop franchouillards pour être
représentatifs de
l'internationalisation des plus
forts :
"Grâce à Sarkozy, Martine Aubry..."
Faudrait-il corriger : derrière ces
politiciens subalternes, l'on trouve
les décideurs militaires, les
généraux de l'OTAN qui coordonnaient
l'attaque contre le peuple libyen
depuis la base de Stuttgart? Et
derrière ces militaires, les
commanditaires émanent des forces
financières anglo-saxonnes, d'autant
que le clan Kadhafi était un cas de
satrapie faisant croire à son
système original de démocratie
directe, alors qu'il collaborait
sans vergogne avec les services
secrets britanniques et américains?
Toute l'incohérence, la versatilité
et l'arbitraire de la loi du plus
fort se trouvent résumés pour une
fois par Pulvar, qui n'hésite pas à
contredire BHL, prouvant au passage
que ce n'est pas le parti sioniste,
loin d'exprimer la toute-puissance,
travaille pour des intérêts mieux
placés :
Pulvar : - On est dans une espèce
d'utilisation à géométrie variable
du droit international. Quand ça
nous arrange, on dit : "Ah il ne
faut pas s'affranchir du droit
international" (...). Quand ça nous
arrange aussi, on s'en affranchir,
on y va.
Nous y sommes : Pulvar vient de
définir la loi du plus fort et de
rappeler pourquoi Platon condamnait
ce droit versatile. Cette
hétéronomie, que La Fontaine résume
dans sa fable du Loup et de l'Agneau
("La raison du plus fort est
toujours la meilleure/Nous l'allons
montrer tout à l'heure"), indique
qu'il repose sur un élément fragile,
qui change parce qu'il ne repose sur
aucun critère stable, mais qu'il
prétend prospérer sur la pluralité
de ses valeurs.
L'élément premier pourrait être le
militaire, quand on sait que les
oligarchies se fondent sur la caste
militaire. Bientôt, le militaire
montre qu'il travaille en lien avec
les financiers, sans qu'on sache
bien qui est l'élément premier, la
hiérarchie se trouvant malmenée par
le réseau de structure horizontale,
tel le rhizome ou le réseau. La
versatilité ne fait que souligner
l'identité du plus fort : non pas
une identité une, gage de stabilité,
mais une fluctuation confuse et
imprévisible se déployant dans un
cadre fini, fixe et étriqué, je veux
parler du social. Il ne faut pas
chercher un cadre clair, qui permet
de croître et qui tendrait vers
l'infini. Sans quoi cette identité
se trouverait démasquée comme
plurielle et confuse; mais un cadre
qui empêche l'identification et lui
substitue l'insaisissable
hétéronomie.
Quelle est la différence entre le
moralisme et le plus fort? Le
moralisme essaye de concilier le
Bien et le plus fort, ce que montre
le tartuffe de Molière, qui se
revendique d'autant plus fervent
catholique qu'il défend le parti le
plus fort et précaire du
catholicisme autour du Roi. La
différence entre le moraliste et
l'individu moral, c'est que le
premier accorde au Bien une valeur
d'autant plus forte qu'elle est
adossée à l'hétéronomie; alors que
le second possède un idéal qui est
l'Etre et dont l'idée est
l'expression dans le sensible.
Quant au moraliste, il croit encore
au Bien (dégradé), quand le partisan
du plus fort, comme Gorgias à
l'époque de Platon, adhère juste au
plus fort. Raison pour laquelle le
moraliste passe pour un tartuffe :
il ne cesse de changer son critère
d'évaluation, entre le Bien et le
plus fort (le Bien lui apporte de la
stabilité, le plus fort du
pragmatisme, les deux de
l'hypocrisie); tandis que le
partisan du plus fort revendique sa
versatilité sans autre critère de
stabilité. Le plus fort n'est pas
hypocrite, il encourage la
destruction, qui mène au final à
l'autodestruction. La preuve :
l'Empire britannique, souvent
déformé en américain, voire
américano-sioniste, est en faillite
irrémédiable. C'est ce qu'il faudra
expliquer à BHL : non seulement ses
actions sont dénuées de postérité,
mais encore il connaîtra de son
vivant la ruine des valeurs qu'il a
promues (l'OTAN, la démocratie
libérale, la guerre sans
l'aimer...).
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