Opinion
La mort d'un
complotiste
Koffi
Cadjehoun
Mardi 19 mars 2013
"À
Chicago, un journaliste est mort
dans la rue.
Il
fera silence sur tout ce qu'il
pense.
Pauvre
Président, tous les témoins ont
disparu.
En
choeur ils se taisent, ils sont
morts, les treize.
Le témoin a dit la vérité,
Il
doit être exécuté.
Le
témoin a dit la vérité,
Il doit être
exécuté."
Guy
Béart, chanteur
complotiste,
La
vérité
(1968).
J'apprends la mort du journaliste
américain Philipp Marshall. Le
fameux journaliste Wayne Madsen a
enquêté sur cette mort atroce
survenue le 2 février 2013 : selon
la VO, Marshall se serait suicidé
après avoir assassiné ses deux
enfants, des adolescents, dans sa
maison. Madsen, un complotiste
notoire, accuse la CIA d'avoir
perpétré ce meurtre, après avoir
enquêté une semaine sur les lieux du
crime. Où l'on vérifie que le
complotisme tue : si l'on croit la
VO, la paranoïa d'un complotiste
enragé le pousse à des crimes
odieux, comme d'accuser les
autorités de son pays de couvrir les
attentats du 911, surtout sous
Obama; si l'on croit la
contre-enquête de Madsen, les
populations qui accréditent
l'accusation de complotisme couvrent
les crimes intentés par leur pays
démocratique, c'est-à-dire de moins
en moins - de plus en plus
oligarchique.
Récemment, le secrétaire à la
Justice Holder a dû admettre qu'il
était illégal d'assassiner sur
décret présidentiel, sans aucun
jugement, des citoyens américains
sur le sol américain. Ouf! On peut
bien entendu assassiner d'horribles
citoyens américains ayant sombré
dans l'islamisme terroriste d'al
Quaeda, à condition qu'ils soient
réfugiés à l'étranger, de préférence
dans des pays islamistes, dont on ne
connaît rien, sauf les racontars des
journalistes, comme le Yémen ou le
Pakistan. Mais pas aux États-Unis.
Interdiction brutale. Si l'on suit
le raisonnement appuyé par tous ceux
qui, refusant de réfléchir, valident
la VO du moment, on peut faire
violer et lyncher le dictateur
libyen Kadhafi en Libye, par des
hordes de sauvages, démocrates tant
qu'ils soutiennent à l'insu de leur
plein gré les intérêts occidentaux
et saoudiens, soudain nettement
moins au Mali, depuis que leur
intervention menace le pré carré de
la France en Afrique.
Madsen a fait partie des
investigateurs sur le 911 qui ont
dénoncé la participation des
Saoudiens au 911, dès 2003. On s'en
fiche, vu son pedigree de
complotiste, parce que l'événement,
sous-médiatisé en France, qui a
amorcé le tournant radical à propos
de la fiabilité de la VO du 911, à
laquelle de moins en moins de gens
croient dans le monde (tous des
complotistes, ces gens, hé, hé!),
c'est le témoignage du sénateur Bob
Graham le 11 septembre ... 2012 dans
le Huffington Post, un organe
de presse démocrate qui conteste
avec modération la politique du
président démocrate Obama.
Graham, président de la commission
sur le Renseignement au Sénat à
l'époque du 911, est une figure de
la vie politique américaine depuis
quarante ans et constitue l'un des
personnages cruciaux du
renseignement américain à l'époque
des faits. Il est tellement central
qu'il a fait partie de la Commission
parlementaire sur le 911 de 2004 et
qu'il est bien placé pour accuser le
pouvoir américain de l'époque,
autour de W., d'avoir occulté les
documents qui accusent de manière
irréfutable les Saoudiens d'avoir
participé directement au 911, via
notamment le prince Bandar, surnommé
Bandar Bush pour sa proximité
idéologique avec les intérêts
derrière les Bush...
Où l'on se rapproche de l'itinéraire
de Marshall, c'est que notre ancien
pilote n'accusait pas seulement la
VO de mensonges manifestes
concernant certains détails
impliquant les avions ou leurs
pilotes-pirates (présumés). Il avait
publié en 2012 un ouvrage
(La
grande tromperie : le 11 septembre
et la guerre au terrorisme)
accusant les autorités
saoudiennes de complicités dans le
911, en particulier l'ambassadeur
Bandar ou le ministre des
renseignements saoudiens, le prince
Turki. Marshall dévoilait notamment
les collusions entre deux agents
saoudiens basé à San Diego, Bassan
et Bayoumi, et le prince Bandar, via
la direction de l'aviation
saoudienne.
Marshall s'apprêtait à sortir un
livre contenant de nouvelles
informations sur la complicité
saoudienne de haut niveau dans le
911, discréditant notamment ceux qui
incriminent le rôle des Israéliens
(effectifs, mais passif et
secondaire). Marshall allait-il
sortir des documents montrant la
complicité entre les Saoudiens et
les Américains, comme il avait
commencé à le faire en montrant que
les pirates de l'air accusés d'avoir
conduit les avions détournés
n'avaient pu que suivre un
entraînement sur une base militaire
américaine spécialisée, ce qui
impliquait des complicités à haut
niveau bien plus large que la
culpabilité aberrante du groupuscule
afghan terroriste al Quaeda, plutôt
des moyens importants, impliquant
certaines équipes américaines ou
étrangères alliées.
Marshall préparait un nouveau livre
comprenant des informations
explosives (pour ceux qui cherchent
la vérité) sur la piste saoudienne.
On peut penser qu'un enquêteur du
911 disparaît parce qu'il avait des
documents à transmettre. Marshall se
trouvait en lien avec le sénateur
Graham, qui appelle à la réouverture
de l'enquête sur le 911. Allait-il
dévoiler des inédits montrant les
liens entre les Saoudiens et les
Américains? Allait-il développer les
accusations implicites lancée par le
sénateur Graham concernant les liens
entre une banque saoudiennes
majeure, accusé de financer le
terrorisme, et la HSBC, banque
récemment condamnée par le Congrès
américain pour blanchiment d'argent
de la drogue des cartels mexicains
(amende de 3 milliards de dollars
pour des fraudes s'élevant à plus de
15 milliards, c'est cadeau)?
Les suppositions ne mèneront à rien,
car nous ne disposons pas
d'informations fiables qui
expliquent ce triple meurtre
présenté avec tant d'incertitudes en
parricide discréditant le suicidé et
son enquête. Si l'on s'avise de
l'identité du meurtrier suicidé,
pilote de l'air, puis journaliste,
notre déséquilibré supposé, d'après
la VO, propose le pedigree d'un
homme construit et instruit, qui
dérangeait l'Administration en place
du fait de ses mises en cause des
liens entre certaines factions
américaines et les Saoudiens, tant
par certains de ses princes que par
certains de ses agents
d'infiltration, voire par certains
des pirates de l'air.
La mort de Marshall est éminemment
suspecte, du fait de son identité,
de son passif de journaliste
remettant en question la VO du 911
et exhibant l'existence de
complicités entre Saoudiens et
Américains sur cette affaire, du
fait aussi des accusations
documentées formulées par Madsen.
Cette mort montre que ceux qui
travaillent pour donner sens aux
attentats du 911 en insistant sur
les liens entre l'Arabie saoudite et
les Anglo-Saxons ont raison quant à
l'essentiel; et qu'il serait oiseux
de ne retenir de cette piste que les
manipulations orchestrées par des
cercles néo-conservateurs - voire
les demandes d'enquêtes exigées,
pour le moment en vain, par certains
parents des victimes.
Ensuite, cette mort rappelle que les
cercles qui ont perpétré le 911 sont
toujours actifs et peuvent faire
disparaître des acteurs gênants,
ceux qui ont le double tort de
réfuter le VO et de ne pas accuser
avec erreur certains acteurs peu
coupables, quand bien même ils
auraient des implications mineures
(à des degrés divers, comme
l'anonyme complexe
militaro-industriel, les sionistes,
les Israéliens...). Enfin, la piste
saoudienne permettrait de démanteler
le réseau qui a perpétré le 911,
puis de mettre à jour les
commanditaires, qui ne sont pas des
donneurs d'ordre en ligne directe,
mais qui ont eu besoin de justifier
de la crise financière à venir (nous
sommes avant 2001) et le changement
majeur de stratégie mondiale à
justifier (que les experts et les
journalistes nommeront "guerre
contre le terrorisme").
Pour rendre hommage à Marshall et à
ses deux enfants, il faut relire
Graham, notamment son article dans
le Huffington Post, en plus
de consulter l'enquête de Marshall
pour les anglophones, et rappeler
que la vérité finit toujours par
triompher. Les comploteurs peuvent
la retarder, notamment par le
vocable infamant de complotistes,
ils ne peuvent l'empêcher. Elle
surviendra quand le pouvoir vermoulu
atlantiste s'effondrera et que ses
secrets seront dévoilés. En
attendant, les principaux coupables
du silence de plomb ne sont pas les
élites maléfiques, voire cachées :
les foules anonymes, de plus en plus
minoritaires, par aveuglement,
lâcheté ou indifférence, couvrent
ces crimes et relayent la propagande
autour de l'aberrante et incohérente
falsification qu'induit le
complotisme, un terme qui veut tout
et rien dire à la fois, et qui
empêche qu'on se pose les bonnes
questions au sujet des complots
d'Etat.
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