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Au cours du réel

Duberie
Koffi Cadjehoun

Jeudi 18 février 2010

"Les Israéliens sont les assassins et les criminels. Ils ont pris notre terre, tué nos enfants, commis des massacres dans Gaza. Si Dieu le veut, la résistance sera plus forte et ripostera durement."
Mahmoud Abdul Raouf al-Mabhouh, commandant militaire du Hamas, assassiné à Dubaï le 20 janvier 2010, interview donnée en 2009 à Al Jazeera.

L'assassinat d'un commandant militaire du Hamas n'est que l'énième péripétie des exécutions larvées qui endeuillent la région autour de la guerre postcoloniale opposant l'occupant aux territoires occupés de l'ancienne Palestine. Israël peut assassiner tous les résistants qu'il veut, il a perdu le combat. Il a perdu la main. La preuve éperdue? La couverture médiatique est de plus en plus sévère pour le chouchou de l'après-Shoah. Les passeports truqués, les opérations sous fausse bannière, les techniques d'élimination : éventées. Tshoah pantin? Qui est éventré?
Ce nouvel assassinat aurait été perpétré par une dizaine d'hommes et de femmes de main, sous des couvertures de passeports européens, surtout britanniques. Puisque la plupart incriminent avec lucidité et force détails la responsabilité d'Israël, j'aimerais apporter une interprétation discordante, qui ne ménage nullement Israël, mais qui l'intègre dans un processus impérialiste dont il n'est pas le maître. Au pis un exécutueur sardonique et désaxé.
Le lieu de l'assassinat n'est pas anodin : la vénéneuse Dubaï, plaque-tournante des trafics et nouvelle Hong Kong con-damnée. Hong Kong Theory. Dubaï est la vitrine des munificences babyloniennes de l'Empire britannique. Dubaï est l'expression inconséquente et prévisible de l'Empire : la démesure, la démence, la chute. Chut? Dubaï a été victime de l'implacable crise systémique qui touche les extensions territoriales de l'hydre aveugle et furieuse : la partie postconfédérée des États-Unis (dont l'emblématique Wall Street), le Royaume-Uni ruiné (lui-même otage plus ou moins consentant de ce marché de pirates), l'Espagne en banqueroute, le Brésil sous banquise...
Liste non exhaustive. L'assassinat de Mahmoud en dit long sur la nature d'Israël, la fameuse et fumeuse Unique Démocratie d'Orient : c'est un pays aussi réel que la place des palaces de Dubaï. L'Empire susciterait-il des oasis territoriaux comme il prospère à l'ombre luxuriante des paradis fiscaux? Est-ce hasard si Mahmoud du Hamas a été assassiné à Dubaï - à ce qu'on murmure par des Européens - avec la complicité à prouver d'Israéliens? Ne serait-ce pas plutôt - la démonstration des contours satrapiques qui recoupent la dénomination de l'Empire britannique? Israël est l'eldorado postcolonial qui entend prendre la place de - la Palestine. Dubaï est la bulle immobilière qui a poussé comme un champignon vénéneux entre drogue et trafics en tous genres. Le Moyen-Orient, trop de la balle! Que faisait Mahmoud à Dubaï? Cherchait-il des financements pour sa cause si compréhensible? A-t-il été trahi comme certaines sources l'indiquent? Sans doute l'analyse détaillée de son meurtre indiquerait que des proches ont accepté le pacte.
Mais si l'on pose la question simple et lucide : à qui profite le crime?, on arrive à un problème épineux. Si c'est Israël qui est le commanditaire ultime de ce meurtre colonial, il reste à expliquer plus que le trucage des identités occidentales des tueurs présumés, partout placardés dans la presse. Il reste à expliquer pourquoi la presse mondiale propagerait les soupçons et les indices incriminant Israël autour de cet assassinat politique infâme. Si la réalité criminelle d'Israël ne fait aucun doute, en particulier depuis le rapport Goldtsone, qui qualifie le massacre de Gaza de crime de guerre et de crime contre l'humanité, Israël est-il le commanditaire ultime ou est-il à son tour manipulé dans un cercle vicieux (le manipulateur manipulé)?
Les parties qui ont participé à cet assassinat découlent des factions financières de l'Empire britannique. En outre, les stratèges qui auraient avalisé l'opération en Israël, s'ils sont capables de telles exactions, se révéleraient de piètres analystes pour leur cause idéoillogique. Après les campagnes du Liban et de Gaza, on va devenir maussade dans les kibboutzim! Comment expliquer qu'Israël agisse de manière suicidaire - contre ses intérêts les plus évidents? Israël est-il aveugle au point de mécomprendre que la destruction du peuple palestinien est impossible et que la politique incendiaire qu'Israël suit envenime la situation. Israël veut-il disparaître dans les pires vengeances?
Peu importe par où je commence, car je reviendrai ici : comment expliquer que les tueurs aient utilisé des fausses identités occidentales, singulièrement britanniques, pour accomplir leur besogne? Bis repetita placent. Si les services israéliens ont les moyens d'agir avec la complicité des États occidentaux, si la technique de l'identité usurpée rappelle le glauque 911, peut-on accepter l'hypothèse selon laquelle cette action profiterait in fine aux intérêts israéliens? Au risque de décevoir ceux qui aimeraient incriminer de manière définitive les exactions d'Israël, j'oserai une hypothèse plus complexe et plus lucide : s'il n'est pas question de minimiser la participation d'Israël à cette sordide entreprise, tout indique qu'Israël n'est pas le commanditaire ultime de cette opération, et qu'au contraire il en subit les inconvénients. Comme dans le 911?
Comme si l'opprobre des populations musulmanes ne suffisaient pas, Israël commence à être sévèrement discrédité parmi l'opinion européenne, qu'on nomme avec un beau lapsus impérialiste l'opinion internationale. Ceux qui ont fait le coup cherchent à diviser pour régner - et utilisent Israël dans leur stratégie. A qui profite le crime? Ni à Israël, ni à Dubaï, ni aux Palestiniens, ni à aucun État. Attention : je répète, il n'est pas question de dénier l'existence des responsabilités israéliennes, qui apparaissent écrasantes. Il s'agit de se diriger vers les commanditaires ultimes, pas de s'arrêter à des exécutants, fussent-ils influents et pervers.
Pourquoi ne parvient-on pas à poser une identité cohérente sur les commanditaires de ces tueurs dont le visage est partout répandu dans la presse? Parce que les responsabilités étatiques ne suffisent pas à fournir une explication globale et qu'elles ne permettent que des interprétations fragmentaires et partielles? Si l'on passe des nations aux factions, notre lanterne s'éclaire. L'Empire britannique n'est pas une puissance coloniale politique; c'est le prolongement de cette puissance classique par une mutation financière et apatride. Ce sont des factions financières qui ont commandité cet attentat et qui ont intérêt à diviser dans la région pour régner.
N'est-ce pas la stratégie coloniale poursuivie par les Empires depuis les accords de Sykes-Picot? Israel n'est-il pas le pantin monstrueux de ces factions financières depuis au moins sa création, sans dote depuis la Déclaration Balfour de 1917? Israël est complice du meurtre et il ne sert à rien de minimiser sa responsabilité morale et juridique. Mais le crime profite aux factions financières qui divisent dans la région, qui attisent les marrons, qui détruisent les États en place au point que désormais les populations sont opposées à leurs dirigeants corrompus et vils.
Ces factions sont au-dessus des États-nations comme les démocraties occidentales et ont suscité les satrapies d'Orient comme les dictatures improprement dénommées musulmanes. Israël n'est pas autre chose qu'une satrapie dotée d'une justification idéologique bancale et irrationnelle. La légitimité juridique d'Israël ne tient pas la route, ce que Balfour savait déjà très bien mais qu'il refusait de prendre en compte, mû par des considérations colonialistes. Israël est manipulé par les factions financières, qui agissent en Israël comme dans leur pré carré. Les gens qui essayent de comprendre quel monstre agit de la sorte, par des assassinat et des massacres aveugles, peuvent subir la désorientation médiatique savamment orchestrée par ceux qui ne veulent pas que l'on identifie les responsables. Pour parodier un propagandiste atlantiste creux et prétentieux, qui a tué Mahmoud?
Face à l'incompréhensible, on est tenté de se rabattre sur le coupable le plus immédiat et le plus évident : Israël. Israël a tout d'un monstre, n'en déplaisent aux campagnes propagandistes qui l'affublent de mérites démocratiques et de vertus morales. La culpabilité israélienne n'est pas possible sans l'aval occidental. Le crime profite aux factions financières qui constituent l'Empire britannique de nature apatride et d'ordre financier. S'il serait urgent de procéder à quelques arrestations parmi les terroristes qui peuplent les couloirs institutionnels de l'État postcolonial d'Israël, il serait encore plus pressant d'interroger les actionnaires de la place de Dubaï en pleine déconfiture.
Voyons, voyons... Pourquoi pas notamment le conglomérat immobilier Dubaï World? Il comprend en son sein des intérêts financiers comme HSBC, Lloyds ou Royal Bank of Scotland. RBS, vous savez, le partenaire privilégié de la grande banque espagnole en faillite - Banco Santander? Voyons, voyons... Qui compose le conseil d’administration de la Dubaï Financial Services Authority? Qui siège au Dubaï International Financial Center?
Des financiers de la place de la City de Londres - ou des représentants de l'oasis postcolonial Israël? Qu'est-ce qu'Israël? Un dominateur politique somme toute classique - ou une courroie de transmission de la domination mutante? Quelle est la structure impérialiste qui prédomine à l'heure actuelle? L'impérialisme politique ou financier? Et si ce meurtre signifiait qu'il est grand temps d'arrêter les fictions des factions? Les frictions des fractions?
Pour finir en rendant hommage à Mahmoud, j'aimerais pasticher comme une prière funéraire le discours que prononça le ministre Malraux pour célébrer le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. On m'excusera pour les approximations. Elles sont de bonne foi. Le discours de Malraux est prononcé après la libération de la France (en 1964). Dans le cas de la Palestine, il prend des allures visionnaires, je l'espère prophétiques. C'est à la Palestine de l'avenir, la Palestine libérée du postcolonialisme de plus en plus délétère et putride que le pastiche s'adresse, pas forcément dans quatorze ans. Mahmoud n'est pas mort en vain. Dans sa chambre de martyr, il a rendu son honneur à tous les hommes, à la Palestine, la justice et la liberté.

Comme Jean Moulin entra au Panthéon, avec son cortège d'exaltation dans le soleil de Provence, entre ici, Mahmoud Al-Mabhouh, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les chambres sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de réfugiés, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de l'opération Plomb durci (...) ; avec les milliers de Palestiniennes qui ne sont pas revenues des camps, avec la dernière femme morte à Sabra et Chatila pour avoir donné asile à l'un des résistants. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit... Commémorant l'anniversaire de la Libération de Gaza, je disais : « Écoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi. »
L'hommage d'aujourd'hui n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce Chant des partisans que j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard d'Ephraïm et les bois de Josaphat, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Gaza avançaient à la rencontre des chars de Tsahal lancés de nouveau contre la ville de Rafah. Écoute aujourd'hui, jeunesse de Palestine, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C'est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Salah Shehadeh avec les soldats de l'an II, de celles de Mahmoud Darwich avec les Poèmes palestiniens, de celles de cheikh Yassine veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la Palestine...

Publié le 18 février 2010 avec l'aimable autorisation de l'auteur

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Source : Au cours du réel
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