Si l'on accepte l'évidence que la Palestine colonisée par
l'impérialisme (surtout britannique) a été arbitrairement donnée
à un autre colonialisme idéologique, le sionisme, et que les
autochtones sont toujours colonisés par le colonialisme
occidental, si l'on se souvient que les Israéliens sont des
descendants d'Occidentaux (le judaïsme étant avant tout une
forme religieuse ayant procédé par conversion jusqu'aux premiers
siècles chrétiens, n'en déplaise aux illuminés sionistes qui
aimeraient que le judaïsme définisse plus que du religieux), la
situation en Palestine actuelle s'impose : les Israéliens
dominent, les autochtones subissent.
Ce rapport de forces colonialiste et impérialiste ne cesse de
s'accroître avec le temps au nom du principe selon lequel le
réel refoulé s'accroît avec usure. Le déni de réel qu'induit le
colonialisme revient avec force et intérêt. Les Israéliens sont
engagés dans un combat impossible contre le réel. Si ce n'est
pas de la démesure, ça y ressemble fort.
A présent, après avoir propagé qu'ils étaient la seule
démocratie de la région et que c'était une seconde raison de les
soutenir, après l'argument massif et constitutif de la Shoah,
les Israéliens ont instauré le déni le plus arrogant. Ils
assassinent les populations sans vergogne, ils liquident leurs
opposants, ils ne traitent qu'avec les instances
internationales. En Occident, les médias font au mieux croire
que l'impunité d'Israël s'expliquerait parce qu'Israël dicte sa
loi aux autres États-nations. Pourquoi n'explique-t-on jamais
qu'Israël est la marionnette des factions financières dont la
capitale est la City de Londres?
Ça ferait sans aucun doute des étincelles et des grincements de
dents, mais ça aurait le mérite de la clarté. Ça permettrait
aussi de ne pas sombrer dans la haine d'Israël, voire des juifs,
sous prétexte qu'ils sont
les responsables des maux du monde. Désolé, les
Israéliens qui ne sont pas les juifs ne sont pas les
responsables des maux du monde. Leur responsabilité écrasante
est consécutive - ou secondaire; la responsabilité fondamentale
et première incombe aux factions financières qui manipulent les
États-nations qu'elles piratent.
Ce rapport de forces fort marxiste explique ce qu'est Israël :
non une démocratie, non un État-nation moderne. Israël oscille
entre un État tribaliste constitué pour des motifs de génocide
(la Shoah) et une démocratie libérale. Mais qu'est-ce qu'Israël?
Le critère pour être israélien est dans une écrasante majorité
(si l'on ajoute la discrimination importante qui frappe les
Israéliens arabes) d'être juif. Les juifs qui dominent en Israël
(réduplication des rapports de force à l'intérieur d'un État
tribaliste) sont surtout les Ashkénazes, qui sont des juifs
d'Europe centrale convertis au judaïsme.
Nous sommes très loin du mythe du retour à la terre mystique des
Hébreux de la Torah. Nous sommes dans une forme de colonialisme
politique masqué, qui émane d'Occident et qui s'appuie sur la
forme actuelle du colonialisme, le colonialisme financier, qui a
pris la succession du colonialisme politique classique. Cette
mutation est la spécificité de l'Empire britannique dominant,
mais elle n'en est pas l'apanage. C'est une caractéristique
immanentiste de l'impérialisme que de muter en forme financière
à l'époque actuelle. Après tout, l'Empire français a subi la
même mutation, dont le scandale retentissant d'Elf n'a été que
la partie immergée de l'iceberg.
Ce serait une erreur de concevoir Israël comme une satrapie
classique, comme à l'époque de l'Empire perse. La satrapie est
une division administrative de l'Empire perse qui permet à
l'Empereur perse de poursuivre son extension géographique
(l'Empereur étant maître du monde, son impérialisme est
justifié). La Perse n'étant pas divisée en satrapies, la
satrapie est le moyen de subordonner des territoires en les
rattachant à l'Empire et en établissant une distinction
hiérarchique entre le cœur et les extensions.
De ce point de vue, Israël serait typiquement une satrapie de
l'Empire britannique, avec cette nuance : ce n'est plus un
Empire fondé sur une domination politique. C'est un Empire qui
obtient une domination politique du fait de sa domination
financière (exemple caricatural de l'Arabie saoudite). La
satrapie israélienne par rapport à la spécificité impérialiste
monétariste est une extension géographique dont le but est la
domination financière. Pas la domination politique.
Il existe peut-être dans l'idéal sioniste un but spécifiquement
politique, mais l'existence du projet israélien, soit la
concrétisation de l'engagement sioniste, n'est possible que dans
la perspective impérialiste britannique, avec l'appui de la
logique financière britannique. Sans cet appui, Israël serait un
rêve mort-né. C'est d'ailleurs la crainte des atlantistes
qu'Israël disparaisse parce que son fondement politique repose
sur une illégitimité historique et que sa cohésion est
irrationnelle : on ne peut fonder le principe d'un État quelle
que soit sa forme sur le colonialisme politique nécessairement
racialiste.
Les populations juives qui ont participé et participent à la
création d'Israël sont manipulées par des intérêts financiers
qui utilisent la satrapie d'Israël pour assouvir leur rêve
oligarchique. De la même manière que l'oasis est un havre
artificiel dans le désert, Israël est une forme arbitraire et
délirante, comme toutes les satrapies fomentées par l'Empire
financier britannique. Je ne prendrai pour preuve que les
munificences absolument babyloniennes de Dubaï et les caprices
des princes du désert de l'Arabie.
La manipulation d'Israël par des intérêts financiers indique
quel est l'idéal que poursuivent les tenants de l'impérialisme
britannique. Cet idéal a été édicté par le gourou Cooper qui
promeut l'impérialisme postmoderne européen et qui édicte une
distinction insurpassable entre les impérialistes et les
impérialisés. Cooper restaure le principe des castes, ainsi que
l'explique un atlantiste exacerbé comme Rothkopf (ancien de
Kissinger Associates). Le modèle oligarchique combattu par
Platon et défendu par Aristote repose sur cette conception au
fond immémoriale et dont les théoriciens de l'Empire britannique
contemporain ne font que s'inspirer.
Du coup, l'existence d'Israël s'éclaire au-delà du projet
colonial, de la domination politique ou du sionisme : c'est
l'idéal oligarchique de l'Empire britannique monétariste qui
s'incarne dans sa satrapie d'Israël. Au fond, cet idéal se
retrouve à Dubaï et dans toutes les actions politiques menées
par l'impérialisme monétariste : il s'agit de promouvoir la
domination d'une petite minorité de supérieurs sur la majorité
d'esclavagisés et de soumis. A Dubaï, une minorité de
richissimes fait la fête et jouit de la
dolce vita pendant que
la majorité silencieuse et asservie travaille à son service (et
selon ses sévices).
En Israël, c'est pareil - encore pire : les colons sionistes
dominent outrageusement et sans aucune raison (la loi du plus
fort est aussi la loi du plus fou) les autochtones palestiniens.
Peu importe que les sionistes ne soient pas les descendants
historiques des Hébreux ou que les Palestiniens soient
vraisemblablement ces fameux descendants (ce qui ferait que les
sionistes asservissent les Hébreux véritables dont ils veulent
prendre la place fantasmatique!). Le but en Israël est
d'instaurer une domination politique qui soit l'émanation de la
domination financière. Soit une domination par des étrangers
surhumains et idéologisés sur des autochtones humains trop
humains.
Comprend-on la spécificité de la satrapie monétariste sur la
satrapie politique classique? Il s'agit d'évincer le réel (les
Palestiniens) par son remplaçant l'Hyperréel (les Israéliens).
Le sort de cette histoire désaxée et perverse est déjà écrit :
le réel l'emportant toujours sur le désir, Israël disparaîtra.
Reste à savoir si cet oasis impérialiste finira dans le sang et
les larmes de la vengeance (ce que je désapprouve) ou si la
sagesse accouchera d'un compromis sur le modèle de l'apartheid
sud-africain : un seul État laïque pour les Israéliens et les
Palestiniens.
L'évocation de l'oasis est significative puisque l'oasis désigne
de la végétation isolée
dans le désert. L'oasis impérialiste désigne l'incarnation de
l'impérialisme monétariste dans le désert du réel (l'humain
classique). L'impérialiste postmoderne cher à Cooper désigne cet
oasis qui supplante l'ordre des États-nations, plus encore les
États pré-modernes et sauvages (dont participent les formes
colonisées et archaïques). Désolé pour les impérialistes
postmodernes (pléonasme), la réconciliation avec le réel est
toujours possible. Mais elle se fait aux frais du désir.
Publié le 10 mars
2010 avec l'aimable
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