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Le Quotidien d'Oran
Bouteflika table sur
la naïveté des Algériens
Kharroubi Habib
Abdelaziz Bouteflika
Dimanche 17 avril 2011
Pour Bouteflika, homme d'Etat qui a fait du refus d'agir
sous la pression un principe cardinal, son discours à la
nation prononcé vendredi a dû être une épreuve cuisante pour
son ego, sachant qu'il allait être interprété comme lui
ayant été imposé par une situation et des évènements l'ayant
contraint à déroger à ce principe. Ce qui est la réalité
vraie qu'il a voulu masquer en tentant, au long de son
intervention, d'entretenir l'illusion que les annonces
faites par lui dans ce discours se situent dans le
prolongement de l'ensemble des actions engagées sous son
autorité depuis son accession au pouvoir.
Les Algériens ne sont pas dupes de cette présentation
occultant le fait que les réformes auxquelles leur Président
a dû se résoudre lui ont été dictées par la montée des
périls qu'affrontent le système et le régime dont il est le
symbole.
Cela étant, les changements et réformes dont Bouteflika a
dévoilé les directions vont-elles calmer l'effervescence
sociale et politique qui a cours dans le pays ? Pas sûr,
pour la raison que la majorité des citoyens ne croient pas
en des changements et des réformes dont le pouvoir est seul
source et artisan. Et c'est bien ce que Bouteflika a fait
entendre en assignant pour cadre de réflexion et de mise en
œuvre à ces changements et réformes, celui d'une commission
et d'un Parlement dans lesquels l'opinion citoyenne dans ses
diversités existantes sera forcément marginale.
Ce n'est pas de cette façon que les forces politiques et
sociales ainsi qu'une grande partie de l'opinion publique
conçoivent le processus qui doit conduire au changement
politique dans le pays. Celui décliné par le chef de l'Etat
sera, non sans raison, dénoncé par beaucoup comme n'étant
qu'une démarche visant à substituer aux véritables exigences
de changement qui émanent de la société et des acteurs
sociopolitiques, celles que le pouvoir a décidé d'octroyer
sans risque pour les fondements du système. Une révision de
la Constitution, celle de la loi électorale, celle sur les
partis et les associations, ainsi que du code de wilaya, de
l'information et une nouvelle loi sur la condition de la
femme peuvent effectivement constituer le socle pour une
avancée démocratique dans le pays.
A la condition, comme l'a demandé Abdelhamid Mehri, que le
tout fasse l'objet d'un débat national ouvert à toutes les
opinions et que soient mis en place des mécanismes pour en
suivre et contrôler l'application. Au lieu de cela, il
semble que l'on s'achemine vers des révisions dont seul le
pouvoir décidera de l'amplitude et du contenu. Il est fort à
craindre qu'avec les réformes annoncées par le chef de
l'Etat, l'Algérie ne fera pas l'économie de troubles
politiques.
Le pays est dans une situation qui appelle à des remises en
cause révolutionnaires que le pouvoir en place et ses gens
refusent. A tort ou à raison, des Algériens ont cru que
Bouteflika avait mesuré la profondeur des changements dont
ils sont en attente et qu'il était en capacité d'en
interpréter la nature et de leur donner une réalité en
bousculant les résistances qui, dans le pouvoir, s'opposent
à ces changements. Beaucoup vont déchanter quand ils
s'apercevront que ce qu'il aura apporté comme changement
s'avérera être une «cuisine» du pouvoir destinée à
pérenniser le système au prix d'un «lifting démocratique»
superficiel.
En adoptant la démarche pour le «changement» qui est la
sienne, Bouteflika a pris le risque de jouer sur la
«naïveté» des Algériens. Il a peut-être perdu l'opportunité
de prémunir le pays d'une convulsion aux conséquences
imprévisibles.
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