Zurich, lundi 26 octobre 2009
L’Union
européenne admet connaître un « déficit démocratique ».
Pourtant, elle ne se départit pas de ses vieux démons. Voilà
qu’une campagne de presse est lancée contre le président d’un
État membre pour le contraindre à ratifier un traité. Les élus
du Peuple, lorsqu’ils ne partagent pas le point de vue
bruxellois, doivent-ils se soumettre ou se démettre ?
« Mais sur quel sujet donc voulez-vous faire voter les
gens ? » Ce fut la réponse, le 28 février 2004, du ministre
allemand des Affaires étrangères d’alors, Joschka Fischer, lors
d’une interview accordée au Berliner Zeitung. La question
avait porté sur les raisons de son opposition à un référendum
allemand sur le projet de Traité établissant une Constitution
pour l’Europe. Fischer ne jugeait même pas nécessaire de
justifier son point de vue. Cette méthode à la Fischer s’est
largement répandue dans l’UE. Sans mauvaise conscience aucune
par rapport aux États démocratiques, les chefs d’états et de
gouvernements des 27 états-membres se sont mis, après leurs
défaites lors des référendums français et néerlandais, à
procéder à quelques retouches au traité et à changer son titre
en Traité de Lisbonne, pour ensuite refuser aux peuples de se
prononcer. Sauf en Irlande, où ce ne fut pas possible.
Plus de cinq ans et demi plus tard, en octobre 2009, on
constate la mise en place d’une action concertée pour faire
plier le président élu d’un pays membre, qui a émis des doutes
envers ce Traité de Lisbonne, doutes d’ailleurs partagés par des
millions d’Européens. Les médias conformistes ont largement
participé à cette campagne menée contre Václav Klaus. Par
exemple, la Frankfurter Rundschau qui, dans un article du
16 octobre, prétend que ce président « se complaît à se dresser
seul contre le reste du monde » ; un homme se mettant « dans le
rôle d’un excentrique » qui serait « entre-temps passablement
contesté » dans son propre pays. Sa conception de la liberté
serait « sans retenue », il aurait un « esprit de
missionnaire », de nombreux Tchèques n’auraient plus qu’un
« sentiment de dérision » à son égard et qu’il sèmerait « le
désordre » … Il en va de même dans les autres médias.
Les politiciens de l’UE ne sont pas en reste. Le journal
britannique Sunday Times rapporta le 11 octobre qu’un
député allemand du Parlement européen, le socialiste Jo Leinen,
avait exigé une « procédure de destitution » du président
tchèque. Le choix des termes est tout un programme : des
diplomates français et allemands réfléchiraient à la façon « de
se débarrasser de l’obstacle Klaus ».
Et le plus haut fonctionnaire à terme de l’UE, le président
de la Commission Barroso, estime pour sa part qu’il lui est
possible de menacer le président élu d’un pays et de décider de
ce qui est « inimaginable », « absurde », voire « surréaliste ».
C’est ainsi que Barroso décrivait les réflexions portant à
trouver des solutions aux propositions émises par le président
tchèque à propos des modifications à apporter au Traité de
Lisbonne. Ainsi il s’agit d’ignorer tout simplement ce que la
Cour constitutionnelle allemande avait décidé, il y a quelques
mois : que les États-membres sont les « maîtres des traités » –
et pas les commissaires de Bruxelles.
Il faut aussi rappeler ce qui se trouve dans l’article 63 de
la Constitution tchèque : « Le président négocie les accords
internationaux et les ratifie. » – Ou ne les ratifie pas. Dans ce
dernier cas, le traité n’entre pas en vigueur. Pourquoi l’UE ne
prend-elle pas le temps de mener un débat démocratique ? D’où
vient cette précipitation ? Est-ce que les dirigeants de l’UE
ont une peur bleue des votations ? Le prétendant à la fonction
de Premier ministre britannique, ayant de bonnes chances selon
les sondages récents, a promis à ses électeurs d‘organiser, en
cas de victoire, un référendum au sujet du traité. L’actuel
Premier ministre l’avait, lui, refusé à sa population, sachant
que ce traité n’avait aucune chance de trouver une majorité.
Si l’Europe veut guérir, elle doit mettre la question de la
démocratie sur le tapis. Des élites antidémocratiques ne
représentent pas un avenir pour une Europe qui veut s’engager
pour la société humaine, pour la paix et pour la justice dans le
monde. Si on veut respecter et protéger la dignité humaine, il
faut laisser les populations décider elles-mêmes de leur sort,
c’est-à-dire de leur façon de vivre et d’envisager leur avenir.
C’est la condition même d’un développement durable.