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L'EXPRESSIONDZ.COM
JUSTICE
INTERNATIONALE
Quelle avancée?
Karim Mohsen

La
Cour Internationale de Justice Il est évident
que la visibilité de la «justice internationale» s’est
quelque peu accentuée. Mais... Coup sur coup et
dans deux affaires différentes, les Cours internationale de
Justice (CIJ) et pénale internationale (CPI), siégeant toutes
deux à La Haye au Pays-Bas, ont rendu publics, à la fin de la
semaine dernière, deux importants arrêt et décision qui
constituent une intéressante avancée pour la justice
internationale, appelée à se prononcer sur des affaires de génocide,
crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité. Ainsi, la
CIJ a rendu lundi, un arrêt dans lequel elle estimait que les
massacres de Srebrenica de juillet 1995 relevaient du génocide
mais indiquait, par ailleurs, que la Serbie n’avait pas orchestré
de génocide en Bosnie pendant la guerre de 1992 à 1995. Cet arrêt
survient après la plainte déposée en 2000 par Sarajevo. Lors de
la guerre civile en ex-Yougoslavie, en juillet 1995, l’armée
des Serbes bosniaques commandée par Ratko Mladic (recherché par
le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPI) et toujours en
fuite), a attaqué l’enclave de Srebrenica où des musulmans de
Bosnie étaient réfugiés sous protection des Casques bleus. Près
de 8000 hommes et garçons ont été, ce jour massacrés. La CIJ a
ainsi jugé qu’il s’agissait bien d’un génocide mais sans
pour autant en imputer la responsabilité à la Serbie. Elle a
cependant blâmé Belgrade pour ne pas avoir empêché qu’un génocide
soit commis à Srebrenica alors que l’Etat serbe avait les
moyens, selon la CIJ, de prévenir un crime, considéré comme le
plus «grave en matière de droit international» et
qu’un tel crime était «prévisible». En vérité, les
douze juges de la CIJ ont, en quelque sorte, coupé la poire en
deux, donnant à demi-satisfaction à la Bosnie-Herzégovine, sans
pour autant accabler la Serbie, blâmée cependant pour son
inaction. D’aucuns n’ont pas caché leur satisfaction, à
l’instar du président d’honneur de la Fédération
internationale des droits de l’homme (Fidh) Patrick Baudoin, qui
s’est félicité du fait que «c’est la première fois que
la Cour a été saisie pour juger le génocide, qu’elle s’est
déclarée compétente et qu’ensuite, elle a retenu le
qualificatif de génocide» pour Srebrenica. De son côté,
une spécialiste en droit international, Mme Heikelina Verrijn
Stuart a estimé qu’en créant un précédent, «la décision
de la Cour induit une lourde responsabilité pour les Etats».
Le deuxième cas est celui de la décision prise mardi par la CPI
à l’encontre de deux personnalités soudanaises dans
l’affaire du Darfour en accusant un ministre, Ahmed Haroun,
ancien secrétaire d’Etat à l’Intérieur en charge du
Darfour, et un dirigeant des milices «Jandawides», Ali
Kosheib, de crime de guerre et crime contre l’humanité dans
cette province du Darfour livrée à la guerre civile depuis 2003
avec plus de 200.000 victimes et quelque deux millions de déplacés,
selon l’ONU. «Ceci n’est pas seulement important pour les
nombreuses victimes de crimes horribles commis au Darfour. C’est
aussi une étape capitale pour la Cour» a indiqué, dans un
communiqué, l’ONG américaine Human Rights Watch (HRW) qui précise
que là c’était la «première enquête menée par la CPI
contre l’avis du pays concerné». Ces deux décisions
ouvrent en fait la voie à d’autres enquêtes et d’autres arrêtés
tant dans l’affaire du Rwanda, plus de 800.000 victimes en 1994
-lors de la guerre civile qui a ébranlé ce petit pays d’Afrique
centrale- dans laquelle la France est «collatéralement»
impliquée ainsi que dans les nombreux crimes commis par Israël
contre le peuple palestinien, restés jusqu’à ce jour impunis.
Après les crimes abominables de l’armée israélienne à Jénine
en Cisjordanie en 2002, le Conseil de sécurité de l’ONU a mis
sur pied une commission d’enquête internationale dirigée par
l’ancien président finlandais, Martti Ahtisaari, pour déterminer
la responsabilité de l’armée israélienne dans ce crime
atroce. Or, la mission n’a jamais pu faire son travail au fait
du refus d’Israël de laisser celle-ci entrer en Israël,
coupant ainsi court à toute velléité de savoir ce qui s’est
passé au printemps 2002 à Jénine et plus largement ce qui
s’est passé dans les territoires palestiniens occupés depuis
juin 1967. L’ONU et la communauté internationale étaient ainsi
mises en échec par Israël. Or, du moment que la CPI a pu enquêter,
hors du Soudan, et sans l’accord de Khartoum, peut-on espérer
que ce qui est devenu un précédent en termes de droit et de
justice internationaux pour le Darfour et la Bosnie, le serait également
pour les Palestiniens, grugés depuis des décennies par la
communauté internationale qui refuse de voir les crimes d’Israël
(comme les assassinats ciblés de dirigeants palestiniens), quand
celle-ci pousse des cris d’émoi pour tout ce qui se passe
ailleurs?
En 2005, la CIJ a rendu un arrêt, certes non contraignant, dans
l’affaire du «mur de séparation» qu’Israël
construit en Cisjordanie, l’estimant illégal et contraire au
droit et conventions internationaux et aux multiples résolutions
du Conseil de sécurité sur le dossier israélo-palestinien et
auxquelles l’Etat hébreu ne s’est jamais conformé.
C’est là aussi un déni de droit quand les territoires
palestiniens sont morcelés par Israël les rendant peu favorables
à l’érection de l’Etat palestinien indépendant. En réalité,
c’est en fonction de ce que décideront la CIJ et la CPI au
regard du conflit proche-oriental -les Palestiniens forts de ces
deux précédents, peuvent dès lors faire valoir leur droit
devant ces institutions spécialisées de l’ONU-, que l’on
dira si ces instruments de la justice internationale fonctionnent
correctement, s’appliquent et sont applicables à tous les Etats
de la même manière, y compris l’Etat hébreu.
Dans le cas contraire, la «justice internationale» ne
serait alors qu’un nouveau leurre, ne s’intéressant et ne
sanctionnant que les pays «sans grades». Aussi, nous
demandons à voir avant de dire, avec les «spécialistes»
internationaux, si effectivement la justice internationale a avancé,
en devenant plus indépendance par rapport aux grandes puissances,
sa visibilité plus réelle. En attendant...
Publié avec l'aimable autorisation de l'Expression
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