Site d'information sur la Palestine et le Moyen-Orient

 

Palestine - Solidarité

 

Retour :  Accueil  - Sommaire J. Cook  -  Sommaire Arabes d'Israël  -  Originaux  Analyses  Ressources



Al-Ahram Weekly

Nous n’avons pas disparu
Jonathan Cook

14-20 décembre 2006 (N° 824)  

http://weekly.ahram.org.eg/2006/824/re72.htm

Les Arabes en Israël revendiquent un « Etat de tous ses citoyens » en remplacement d’une politique juive exclusive, écrit Jonathan Cook, à Nazareth

Le leadership politique officiel des citoyens palestiniens d’Israël, qui sont plus d’un million, a publié la semaine dernière, à Nazareth, un manifeste revendiquant une flopée de changements pour mettre un terme à la discrimination systématique exercée contre les non-juifs par l’Etat, depuis sa création il y a presque six décennies.

Sont inclus dans le manifeste – le premier jamais produit par l’organe politique suprême de la communauté, connu sous le nom de Comité Supérieur de Surveillance – la demande qu’Israël soit réformé pour passer d’un Etat juif qui privilégie sa majorité juive à un « Etat de tous ses citoyens » ainsi qu’un appel à des modifications radicales dans le système national de contrôle des terres conçu pour ôter toute influence aux citoyens palestiniens.

Ce document va probablement accroître les tensions entre le gouvernement israélien et la minorité palestinienne du pays et il a déjà été vivement condamné par les médias en hébreu.

Bien que des partis politiques arabes ont, dans le passé, formulé, à titre individuel, de semblables critiques à l’égard de l’Etat, c’est la première fois dans l’histoire du Comité Supérieur de Surveillance – organe circonspect et conservateur, réunissant essentiellement les chefs des autorités locales – que celui-ci a osé s’exprimer ouvertement. Le Comité est considéré comme établissant le consensus pour un citoyen israélien sur cinq qui est palestinien.

Le point le plus litigieux soulevé dans le document intitulé « Vision future des Arabes palestiniens en Israël » est le statut d’Israël comme Etat juif. Les auteurs – des universitaires de premier plan et des militants de la communauté – soutiennent qu’Israël n’est pas une démocratie mais une « ethnocratie » semblable à la Turquie, au Sri Lanka et aux Etats baltes.

Au lieu de cela, dit le manifeste, Israël doit devenir une « démocratie consensuelle » offrant aux citoyens palestiniens d’ « être pleinement actifs dans le processus de prise de décision et garantissant nos droits individuels et collectifs, civils, historiques et nationaux. »

Un éditorial du quotidien israélien libéral Haaretz dénonçait ce document comme « minant le caractère juif de l’Etat » et déclarait que sa publication allait probablement « affaiblir plutôt que renforcer la position des Arabes en Israël. »

Au sein des partis arabes d’Israël, la campagne pour un Etat de tous ses citoyens a débuté au milieu des années 90, quand il fut communément compris qu’aux termes des Accords d’Oslo, les Palestiniens d’Israël resteraient citoyens de l’Etat d’Israël. Jusque là, la minorité s’était largement tenue en dehors du débat portant sur son avenir, craignant qu’exprimer une opinion ne porte préjudice aux négociations entre Israël et le leadership palestinien.

La demande en faveur d’un Etat de tous ses citoyens bénéficie d’un large soutien parmi la minorité palestinienne : un sondage récent, réalisé par le centre Mada Al-Carmel, a révélé que 90% estimaient qu’un Etat juif ne pouvait pas leur garantir une égalité, et que 61% s’opposaient à l’autodéfinition d’Israël.

Cependant, les Premiers ministres israéliens, y compris Ehoud Barak et Ariel Sharon, ont toujours dépeint l’appel à un Etat de tous ses citoyens comme équivalent à une sédition. Dans un discours qu’il a tenu la semaine dernière, Avigdor Lieberman, le nouveau Ministre des menaces stratégiques, a répété un peu la même idée en déclarant aux décideurs politiques à Washington : « Celui qui n’est pas prêt à reconnaître Israël comme Etat juif et sioniste ne peut pas être un citoyen du pays. »

Tout en mettant en lumière les différentes sphères de la vie où les citoyens palestiniens sont l’objet de discriminations, le manifeste formule en outre plusieurs exigences qui sont assurées de n’aboutir à rien.

Pour le Comité Supérieur de Surveillance, la minorité palestinienne doit se voir accorder une « autonomie institutionnelle dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la religion ». Les fonctionnaires israéliens ont toujours refusé d’approuver pareilles formes d’autonomie. Au lieu de quoi, le système d’enseignement arabe, distinct et grossièrement sous-financé, est contrôlé par des fonctionnaires juifs ; le statut de la langue arabe n’a jamais été aussi bas ; et le gouvernement s’immisce régulièrement dans la nomination de dignitaires musulmans et chrétiens, tout en contrôlant la manière dont ils dirigent leurs lieux de culte et en n’octroyant quasiment aucun budget aux services religieux non-juifs.

Le manifeste demande également qu’Israël « reconnaisse sa responsabilité dans la Nakba palestinienne » – la catastrophique dépossession du peuple palestinien lors de la création d’Israël en 1948 – et « envisage le versement de compensations à ses citoyens palestiniens. »

Pas moins d’un citoyen palestinien sur quatre sont des réfugiés de l’intérieur de la guerre, ceux que les autorités israéliennes appellent les « absents présents ». Ils ont été dépossédés de leurs maisons, biens, comptes en banque à l’intérieur d’Israël, tout en restant citoyens. La plupart des maisons ont été plus tard soit détruites par l’armée, soit attribuées à des citoyens juifs.

Il y a quelques années, une note de service interne du gouvernement, ayant fait l’objet d’une fuite, avait montré que la plus grande partie de l’argent des réfugiés de l’intérieur, censé être administré par un fonctionnaire connu sous le titre de Conservateur de des Biens de l’Absent, avait disparu et qu’il était impossible de remonter sa trace.

Egalement controversée, la demande d’une révision radicale du système de la politique des terres et de l’aménagement du territoire, que le manifeste décrit comme « la question la plus sensible » entre les citoyens palestiniens et leur Etat. Israël a nationalisé 93% du territoire à l’intérieur de ses frontières floues, les administrant non pas pour ses citoyens mais pour le peuple juif dans le monde. La terre peut être donnée à bail, mais habituellement à des Juifs seulement.

Les citoyens palestiniens d’Israël doivent, d’autre part, se contenter d’environ 3% du pays, quoiqu’ils ne contrôlent pas grand-chose du territoire théoriquement en leur possession. Le magouillage électoral des limites des municipalités a abouti à ce que des autorités locales arabes ont été dépossédées de leur juridiction sur la moitié de leurs territoires qui ont en fait été transmis à des conseils régionaux juifs.

Le manifeste demande qu’il soit mis fin à d’autres pratiques discriminatoires sur la question des terres : l’exclusion des citoyens palestiniens des comités d’urbanisme ; le refus de ces comités de délivrer des permis de bâtir à des citoyens palestiniens ; l’exécution des destructions de maisons uniquement à l’encontre de citoyens palestiniens ; et l’ingérence permanente et nuisible des organisations sionistes internationales, en particulier l’Agence Juive et le Fonds National Juif, dans le système des terres et de l’aménagement du territoire en Israël.

Le président du Comité Supérieur de Surveillance, Shawki Khatib, a dit : « On a déjà vu en réalité le public arabe disant au public juif, "Je veux que nous vivions ensemble, et je le dis sérieusement", mais le public juif n’est pas encore parvenu à la même conclusion. Ce document est une étincelle préliminaire. Son importance ne réside pas dans sa publication mais dans ce qui se passe ensuite. »

Le Comité Supérieur de Surveillance a été établi en 1982, à la suite de cette Journée de la Terre où, en 1976, six citoyens palestiniens non armés avaient été abattus par les forces de sécurité israéliennes au cours de manifestations contre une vague de confiscations de terres entreprises par l’Etat pour faire avancer son objectif officiel de « judaïsation » de la Galilée.

Le Comité de Surveillance a perdu beaucoup de son prestige au cours de la dernière décennie, parce que communément jugé comme une institution trop lourde pour représenter efficacement les besoins de la minorité palestinienne. Ses membres, choisis parmi les chefs des autorités locales, des principaux partis et organisations arabes israéliens, ne doivent pas se soumettre à une élection directe et ils prennent leurs décisions par consensus, ce qui a souvent paralysé le comité dans l’inaction. Le manifeste est perçu comme une tentative de réaffirmer l’autorité du Comité.

Ces dernières années, des factions politiques arabes ont appelé à des élections directes des membres du Comité de Surveillance, mais le gouvernement israélien a donné à entendre qu’il considérerait un « parlement » arabe comme une tentative de sécession et qu’il y réagirait avec rigueur.

Autre développement apparenté : le centre Mossawa a présenté un document juridique, lors d’une conférence qui s’est tenue ce mois-ci à Nazareth, déclarant que les réfugiés de l’intérieur devraient être autorisés à retourner dans des villages d’avant 1948. « Le déménagement des réfugiés de 48 dans leurs villages ne modifiera pas la balance démographique et ne met pas les Juifs en danger », a dit Jafar Farah, le président de Mossawa, « Contrairement aux réfugiés [palestiniens] dans les pays arabes, nous sommes [déjà] ici ».

 

(Traduction de l’anglais : Michel Ghys)

 


Source : Michel Ghys


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Moyen-Orient.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.  
Pour contacter le webmaster, cliquez < ici >

Retour  -  Accueil Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Originaux